Les conditions générales : un document à faire vivre
Le numérique ne bouleverse pas que les business models. Pour le prendre en compte, les règles et les lois sont elles aussi en pleine mutation. Chaque semaine, les avocats Eric Caprioli, Pascal Agosti, Isabelle Cantero et Ilène Choukri se relaient pour nous fournir des clés pour déchiffrer les évolutions juridiques et judiciaires nées de la digitalisation : informatique, cybersécurité, protection des données, respect de la vie privée... Aujourd’hui, regard sur les conditions générales de vente et d'utilisation, au regard des nouvelles réglementations
Les chefs de projets, les dirigeants d’entreprise sont désormais fréquemment sensibilisés au fait que des conditions générales (d’utilisation, de vente...) - ou d’un document qui en tiendrait lieu - d’un service ou d’un produit donné doivent être disponibles auprès de leurs clients (professionnels ou consommateurs). Il est vrai que tout utilisateur d’un service, tout acquéreur d’un produit doit savoir à quoi s’en tenir. A ce titre, les conditions générales d’utilisation devraient contenir les obligations de chacun des acteurs et par ricochets leurs responsabilités attenantes, le droit applicable, le prix, la protection des données à caractère personnel...
Mais si cette précaution est bien présente à leur esprit au moment du lancement du produit ou du service, elle s’évanouit très rapidement. Et l’on se retrouve quelques années plus tard avec des documents obsolètes et au bout du compte dangereux pour les cybercommerçants, qui se croient protégés contre tout risque juridique majeur.
Et pourtant...
Le souci, c’est que le corpus législatif ou les évolutions jurisprudentielles font rapidement varier le contenu de certaines clauses mais aussi des Conditions générales d’utilisation elles-mêmes. Ainsi, en est-il, par exemple :
- des clauses de litige entre consommateurs et professionnels qui figurent, depuis le 1er janvier 2016, dans les Conditions générales d’utilisation et qui offrent aux consommateurs la faculté de choisir une médiation avant la saisine du Juge (sans que cela soit obligatoire) ;
- ou bien encore pour toute personne dont l'activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service (les plateformes d’intermédiation) le fait de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne.
Les exemples pourraient se décliner à l’infini en fonction des publics visés et des prestations offertes et de l’inspiration du moment du législateur comme le démontre fort à propos le projet de loi pour une République numérique (par exemple l’article 32 sur la Loyauté des plateformes et information des consommateurs qui vient déjà rebattre la donne en matière d’intermédiation).
N’oublions pas la jurisprudence
De plus, la licéité de certaines clauses peut être remise en cause devant les tribunaux au motif qu’elles peuvent être considérées comme abusives au sens du Code de la consommation en B2C, notamment à l’aune des apports de la Commission des Clauses Abusives ou qu’elles créent un déséquilibre significatif au détriment de la partie faible au sens du Code civil en B2B ou en B2C.
Ainsi, le 17 mai 2016, le TGI de Paris a déclaré certaines clauses des conditions contractuelles de SFR comme étant abusives ou illicites. On notera avec intérêt que la clause relative aux obligations de disponibilité et de qualité du réseau et des services, celle relative à la compensation en cas d’indisponibilité du réseau en ce que "les clauses sont rédigées en des termes susceptibles de laisser croire à l’abonné qu’en réalité, l’interruption de services n’ouvre droit qu’à une réparation forfaitaire, sans qu’il soit possible pour l’abonné de demander une indemnisation complète de son préjudice".
Et l’opposabilité des Conditions générales dans tout ça ?
Les Conditions générales d’utilisation doivent pouvoir être portées à la connaissance et opposables aux utilisateurs. A ce titre, elles devront être mises à disposition sans que le destinataire n’ait à effectuer une action particulière. Il a été reconnu par la jurisprudence que le fait que l’internaute doive agir en cliquant sur un lien hypertexte pour prendre connaissance des informations contractuelles ne permettait pas de considérer que les informations pertinentes avaient été fournies, cette méthode ne garantissant pas que le contenu de la page acceptée par l’utilisateur n’ait pas été modifié dans le temps. De plus, le lien peut également être désactivé et les informations rendues inaccessibles. Cette jurisprudence renvoie d’ailleurs à la notion de support durable.
Et au bout du compte
Les Conditions générales d’utilisation doivent être vivantes, c’est-à-dire que tout commerçant doit veiller à ce qu’elles restent conformes au Droit qui lui est applicable (Directives, Règlements, Lois, Décrets mais aussi jurisprudences) ainsi qu’aux évolutions technologiques du produit ou du service (à chaque mise à jour ou version majeure par exemple). Notons ici que le 1er juillet 2016 ou le 1er octobre 2016 sont deux échéances particulièrement importantes du fait de l’entrée en vigueur respective du nouveau Code de la consommation et du nouveau Code civil. Echéances à ne pas négliger par tout bon professionnel.
Les références au Code de la consommation sont effectuées à l’aune du Code de la consommation applicable à compter du 1er juillet 2016.
Il en va de même pour les références au Code civil qui évolueront au 1er octobre 2016.
Mutatis mutandis...ou presque.
Les Conditions générales d’utilisation d’un service ou d’un produit, un prérequis au lancement
Pascal AGOSTI, Avocat associé, Docteur en droit
SUR LE MÊME SUJET
Les conditions générales : un document à faire vivre
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir