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"Les géants du Net doivent absolument muscler leurs cellules contre le djihadisme", selon Abdelasiem El Difraoui
Abdelasiem El Difraoui, docteur de Sciences Po Paris, Senior Fellow à l'Institut pour la politique des medias et de la communication de Cologne, est un politologue spécialiste du djihadisme sur Internet.
Le chercheur est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet comme "Al Qaida par l’image" publié en 2013. A l’occasion de la conférence "l’année vue par le numérique" co-organisée par Sciences Po et France Culture en octobre 2014, il expliquait combien les djihadistes sont tout aussi au fait des rouages du Web 2.0 que les meilleurs spécialistes du marketing et des médias.
A l’heure où la riposte à l’auto-proclamé état islamique s’organise surtout dans le monde réel, il décrypte quelques éléments de l’organisation djihadiste sur le Web.
Emmanuelle Delsol
L'Usine Digitale : Vous aviez expliqué lors de la conférence "L’année vue par le numérique" comment les djihadistes utilisaient les mêmes outils numérique que tout le monde, de l’utilisation d’Instagram jusqu’à la production de lolcat. Pourriez-vous développer ?
Abelasiem El Difraoui : Les djihadistes ont été les premiers, avec les altermondialistes, à porter du discours politique sur Internet, et ce dès le milieu des années 90. Ils avaient un site web principal à Londres, azzam.com, qui était la matrice de tous les autres. Ils ont investi la Toile très tôt et du coup, aujourd’hui encore, on trouve beaucoup de sites radicaux. Cela a commencé au moment des guerres de Bosnie-Herzégovine et de Tchétchénie. Ils utilisaient alors l’internet classique et des forums dont l’accès était souvent fermé. Puis ils ont diffusé beaucoup de matériau après l’invasion de l’Irak entre 2003 et 2006.
Mais après 2005-2006, l’organisation de propagande Global islamic media front, associée aux groupes djihadistes, a créé des relais européens. Elle a commencé à diffuser et à produire une quantité massive de contenu de grande qualité pour Al Qaida en Europe et le premier l’Etat islamique. Même si une partie s’est arrêtée aujourd’hui, cela a préparé le terrain pour ce que l’on voit aujourd’hui. En résumé, les djihadistes ont déjà plus de 20 ans d’expérience dans le Web.
Mais depuis, ils ont plutôt évolué vers les medias sociaux ?
Oui, Daech, lui, bénéficie pleinement du web 2.0 et des réseaux sociaux. Ce sont des européens, et ils investissent tous les réseaux sociaux. C’est de cette façon que l’état islamique arrive à recruter les plus jeunes. Ce sont des digital natives et ils sont hautement motivés. Il y a d’abord la production centrale de contenu, réalisé par la maison de production de Daech. Puis il y a les internautes sympathisants qui répandent ce contenu. Même s’il semblerait que cela s’atténue. L’organisation centrale du califat a mis le haut-là, car ces internautes pas forcément expérimentés ont fait des erreurs. Comme d’oublier d’enlever la géolocalisation sur mobile quand ils partagent du contenu, par exemple. Quoiqu’il en soit, leur instrument principal de propagande aujourd’hui, c’est Twitter.
Jared Cohen de Google explique qu’il est possible de marginaliser Daech en ligne, en visant les quelques comptes dans les médias sociaux de la tête de l’état islamique et plus globalement, en marginalisant les djihadistes dans le Web. Pensez-vous que cela soit faisable ?
Bien sûr, il faut reconquérir cet espace. La conclusion de mes travaux, c’est qu’il faut leur rendre l’accès difficile. Et il faut mobiliser des spécialistes pour cela. Il faut les marginaliser dans le Web, c’est vrai, mais il faut quand même pouvoir les surveiller idéologiquement, suivre leurs débats.
Justement, les pousser à se retrancher dans le Dark Web, comme certains le proposent, n’empêcherait-il pas de les surveiller ?
Ce serait quand même intéressant, car si c’était le cas, ils ne pourraient prêcher que des convaincus. Personne ne pourrait les trouver. Ils emploient les mêmes méthodes marketing que tout le monde, mais surtout, ils connaissent parfaitement notre paysage médiatique. Leur véritable force aujourd’hui, c’est leur maîtrise du crossmedia. Ils donnent dans les medias classiques de l’ampleur à leurs fils de publication dans les medias sociaux.
Vous avez réalisé des travaux de recherche pour la Commission européenne sur ces sujets. Quels étaient vos conclusions ?
J’ai surtout travaillé, avec un groupe de travail, à responsabiliser l’industrie Internet. Car Facebook ou Google, justement, ne font rien s’il n’y a pas de pression gouvernementale. Il faut absolument que ces géants du Net se dotent de cellules plus importantes pour s’occuper du sujet. Et qu’ils donnent de l’argent pour aider à la lutte contre le djihadisme dans le Web. Il faut qu’ils travaillent avec la société civile, les Etats, les associations, les internautes avancés… Il faut aussi produire des récits alternatifs de meilleure qualité.
Les attentats du 13 novembre ont-ils donné lieu à une prise de conscience des institutions face à cet aspect numérique du djihadisme ?
Je n’ai rien vu de spectaculaire côté Internet, même depuis les attentats du 11 janvier. Et pour ce qui est de la création de contenus pour le contre-récit, c’est beaucoup trop lent. Ce qu’il est surtout très important de comprendre, c’est qu’ils ont des stratèges spécialistes des médias qui expliquent que l’organisation hiérarchique ne suffit pas et que, pour atteindre les médias, il faut déployer une matrice. Ils prônent un système plutôt qu’une organisation hiérarchique. Sans Internet, le djihadisme n’aurait jamais eu une certaine cohérence mondiale et créer le sentiment d’appartenance à un groupe mondialisé. Une cohérence d’image, même une cohérence vestimentaire, du langage, de l’image…
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