Les grandes villes rejoignent Paris dans sa croisade contre les dark stores... Fausse polémique ?
A la faveur d'un projet d'arrêté qui a sans le vouloir ouvert une boîte de Pandore, les maires de plusieurs grandes villes intiment au gouvernement de les laisser mettre des bâtons dans les roues des vélos de Getir, Gorillas, Flink et GoPuff. Explications.
A la suite du projet d'arrêté ministériel sur les dark stores monté en épingle par la mairie de Paris, les maires de plusieurs grandes villes françaises ont écrit à la Première ministre Elisabeth Borne ce week-end, afin de demander au gouvernement de leur donner les moyens de réguler l'implantation de ces petits entrepôts de centre-villes utilisés par les acteurs de la livraison express (15 minutes maximum), aussi appelée "quick commerce".
"Nous souhaitons que les communes où prospère ce type d'activités disposent des moyens juridiques de les réguler et de lutter efficacement contre toutes les externalités négatives qu'elles produisent", écrivent les élus socialistes Anne Hidalgo (Paris), Benoît Payan (Marseille), Martine Aubry (Lille), Cédric Van Syvendael (Villeurbanne), les maires écologistes Bruno Bernard et Grégory Doucet (Lyon), Anne Vignot (Besançon), Pierre Hurmic (Bordeaux) et Jeanne Barseghian (Strasbourg), ainsi que l'édile communiste Patrice Bessac (Montreuil), et deux élus LR : Patrick Ollier (président de la métropole du Grand Paris) et Stéphane Baudet (président de l’Association des maires d’Île-de-France).
concurrence déloyale, nuisances et urbanisme
Les maires signataires de ce courrier, qui s'en prend également aux dark kitchens (ces cuisines dédiées à la restauration en livraison), dénoncent notamment les nuisances subies par les riverains, du fait des va-et-vient et du stationnement nocturnes des livreurs et des déchets d'invendus, et la concurrence jugée déloyale des acteurs du quick commerce (Getir, Flink, Gorillas…) vis-à-vis du commerce traditionnel.
Ce sont les arguments de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) Paris Île-de-France, qui dans un communiqué publié le 22 août "exhorte le gouvernement à mettre en place le cadre légal d’une régulation forte et territorialisée du quick commerce à Paris afin de combler le vide juridique dans lequel cette activité s’est rapidement développée dans la capitale, où elle représente déjà plus de 25% des livraisons alimentaires à domicile, trop souvent aux dépens des commerçants de proximité et des riverains".
Selon le président de la fédération qui représente les petits patrons parisiens, le quick commerce risque "de dévitaliser certains quartiers de la capitale". Il évoque aussi pêle mêle la "concurrence déloyale des ventes à perte des quick commerçants", les "nuisances sonores" et "l’encombrement de l’espace public".
une classification de commerce sous conditions
Contrairement à ce qu'affirmait un tweet du premier adjoint à la mairie de Paris Emmanuel Grégoire, le projet d'arrêté ne prévoit de "légaliser de fait les dark stores". Mais dans le but de clarifier la situation juridique de ces locaux par défaut assimilables à des entrepôts, il ouvre une brèche dans laquelle se sont engouffrés les contempteurs du quick commerce.
Le projet d'arrêté, soumis à concertation depuis le 6 juillet – les discussions reprendront en septembre – propose que si les dark stores s'ouvrent à l'accueil du public aux mêmes horaires d'ouverture que des commerces traditionnels (actuellement l'essentiel des commandes sur les sites de quick commerce se ferait entre 19h et 22h), en désopacifiant leur vitrine et en permettant aux consommateurs de venir retirer eux-mêmes leur commande, ils pourraient être considérés comme des lieux de commerce et non plus des entrepôts.
Un moyen de faire la distinction entre les deux pourrait alors être la répartition du chiffre d'affaires entre livraison et retrait sur place, ou la répartition de la surface consacrée aux deux activités, qui les distingueraient des supermarchés proposant un drive piétons. Selon les signataires du courrier au gouvernement, dont a pu prendre connaissance l'AFP, cela ferait "courir le risque aux communes […] de voir se démultiplier ces établissements qui […] n'en resteraient pas moins des entrepôts ou des cuisines opaques".
aucun dark store ouvert au public
Le projet d'arrêté de la Direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP) visait essentiellement à ce qu'il "n'y ait plus d'ambiguité sur la notion de destination et de sous-destination dans les plans locaux d'urbanisme", a expliqué une source gouvernementale le 19 août, et à examiner s'il fallait "faire évoluer le droit". En voulant être trop précis, il crée une situation assez ubuesque dans la mesure où les dark stores n'ont jusqu'à présent pas été ouverts au public.
Cependant, c'est une éventualité à laquelle les acteurs réfléchissent. Selon le magazine LSA, Gorillas teste déjà un système de click and collect dans certains pays, et Gopuff et Getir ont ouvert certains de leurs dark stores au public aux Pays-Bas pour le premier, et aux Etats-Unis pour le second.
une problématique très parisienne
Les dark stores se trouvent dans leur grande majorité à Paris. Fin janvier, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) en dénombrait 60 dans la capitale, et une vingtaine en proche banlieue (Neuilly-sur-Seine, Levallois-Perret, Clichy, Ivry-sur-Seine, Courbevoie, Asnières, Colombes). La moitié des dark stores intra-muros se sont installés dans d'anciens commerces avec pignon sur rue.
A l'heure actuelle, les villes ont deux moyens de réglementer les dark stores : grâce au PLU, qui permet de choisir où peuvent s'implanter les entrepôts ; et grâce aux autorisations nécessaires lorsqu'un dark store veut remplacer un commerce, ce qui implique un changement de "destination" (commerce, bureau, habitation…) qu'il faut déclarer. Dans certaines zones, cette transformation en rez-de-chaussée est interdite. "Les dark stores constituant une nouveauté, ils ont pu pendant quelques mois profiter d’une incertitude concernant la qualification de leur activité et l’application des règles d’urbanisme", relevait néanmoins l'Apur dans son étude.
SUR LE MÊME SUJET
Les grandes villes rejoignent Paris dans sa croisade contre les dark stores... Fausse polémique ?
Tous les champs sont obligatoires
0Commentaire
Réagir