Logistique, transport, numérique : comment Cdiscount réduit son impact environnemental ?

Cdiscount, pionnier de l'e-commerce en France et filiale du groupe Casino, travaille à la réduction de son empreinte environnementale, notamment liée à la livraison et au numérique. Des efforts louables, même s’ils sont encore loin de réconcilier commerce en ligne et écologie. Entretien avec Caroline Bordet Le Lann, Directrice RSE de l’entreprise.

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Logistique, transport, numérique : comment Cdiscount réduit son impact environnemental ?

L'Usine Digitale : Selon le dernier rapport de l’Arcep, le numérique est responsable de 2,5 % de l'empreinte carbone de la France. Comment travaillez-vous sur ce sujet intrinsèque à votre activité, notamment au sein de vos datacenters ?

Caroline Bordet Le Lann
: Le refroidissement de nos deux datacenters, qui sont hébergés par un tiers à Paris et Bordeaux, se fait en freecooling [ndlr : un système de refroidissement qui transporte l’air extérieur, après correction de l’humidité, vers les salles de données]. Mais en réalité, les premiers responsables de l’impact carbone du numérique sont les terminaux et le réseau, les datacenters n’arrivent qu’après.

Nous avons donc mené un travail global, notamment d’optimisation du site web : réduit la longueur des pages, imposé des formats pour la taille des éléments visuels, diminué le nombre de cookies, utilisé des algorithmes de compression. Par ailleurs, nous détectons le faux trafic (les bots). Cet allègement nous a permis de réduire de 10 % la consommation électrique dans nos datacenters alors que dans le même temps, le trafic a augmenté du même ordre. Nous le devons à nos équipes IT, qui, depuis 2019, ont des bonus sur les indicateurs de performance du site mais aussi sur l’optimisation du code et de l’architecture du site et sur l’allègement des tâches.

Nous luttons également contre l’obsolescence d’usage en proposant une version allégée du site sur les téléphones qui ont trois ans ou plus : cela permet de gagner 20 % de fluidité de navigation. Et puis, on fait en sorte de garder notre propre matériel le plus longtemps possible : les serveurs, mais aussi les ordinateurs et smartphones de nos collaborateurs. Leur moyenne d’utilisation est d’environ cinq ans. Nous allons au-delà des garanties constructeurs grâce à un service de réparation en interne, et quand les machines sortent du parc, elles sont pour la plupart reconditionnées.

Cela a aussi limité votre impact sur le réseau télécom ?

Nous avons ainsi réduit l’impact énergétique du site cdiscount.com sur la bande passante de 50 % en deux ans.

En parlant de réseau, quelle est votre réaction face aux annonces du gouvernement sur un éventuel effacement du réseau électrique ?

Le sujet des groupes électrogènes est particulier puisqu’il consiste, pour répondre à un problème d’approvisionnement, à fortement faire augmenter notre impact carbone…Nous sommes bien sûr préparés pour permettre une continuité d’activité mais espérons ne pas devoir y recourir.

En parallèle du numérique, la logistique et le transport doivent représenter un gros chantier dans la réduction de l’empreinte environnementale de Cdiscount ?

Évidemment, mais nous avons réduit de 30 % les émissions de GES liées à la livraison entre 2017 et 2021 grâce à une combinaison de plusieurs actions. L’investissement dans des machines d’emballage, notamment six machines 3D qui nous permettent de chasser le vide dans les colis : les produits sont scannés, on obtient leurs dimensions exactes et le carton vient parfaitement s’y adapter. Mais aussi le chargement en vrac : exit les palettes, un convoyeur arrive dans les entrepôts où des opérateurs font littéralement un Tetris avec les cartons pour remplir les camions du sol au plafond. Ces deux actions combinées, c’est 6 000 camions par an en moins sur les routes ! Nous passons par des choses simples aussi, comme regrouper, dans les mêmes entrepôts, les produits régulièrement commandés ensemble.

Par ailleurs, du départ de l’entrepôt à la collecte en passant par l’acheminement longue distance jusqu’au dernier kilomètre, nous essayons de trouver des modes de transport alternatifs : électrique, vélo cargo ou encore bio GNV. Nous savons où sont expédiés les colis, où est-ce qu’il y a des opportunités de massification, nous travaillons main dans la main avec les transporteurs, par zones géographiques et flux par flux. Depuis 2017, nous proposons même de la livraison express (généralement très critiquée), en 100% électrique !

Comment ?

Les colis partent de Bordeaux en véhicules électriques jusqu’à la gare Saint Jean, puis en TGV jusqu’à la région parisienne, et à nouveau en véhicules électriques pour parcourir le dernier kilomètre. Ce dernier kilomètre est très problématique puisque là-dessus il n’y a ni massification de flux, ni véhicule alternatif. C’est pour ça que nous développons notre réseau de points de retrait, notamment en zones rurales (où le client parcourt parfois 50 km seul en voiture) grâce à un partenariat avec Agricolis, des exploitants agricoles qui font aussi points relais.

En tant que retailer, ce qui pèse le plus dans votre bilan carbone, c’est l’offre, les produits que vous vendez, le fameux scope 3 ?

Le transport pour nous c’est aussi du scope 3 puisque nous ne sommes pas propriétaires des flottes. Mais oui, on concentre beaucoup d’énergie sur les produits que nous vendons. Il y a plusieurs années déjà, nous avons constitué une offre de produits de seconde main avec du reconditionné et de l’occasion, beaucoup axée sur la téléphonie et les ordinateurs au départ (dans nos ventes, 1 téléphone sur 4 et 1 ordinateur sur 10 sont aujourd’hui des reconditionnés).Elle s’étend aujourd’hui avec des poussettes ou encore des trottinettes reconditionnées. D’autre part, nous avons lancé il y a deux ans un programme "produits plus responsables" qui consiste à mettre en avant les produits reconditionnés ou naturellement moins énergivores.

Comment concrètement ?

Ils sont marqués par une pastille bien visible "plus responsable" ou "plus économe en énergie". Nous mettons aussi en avant les produits facilement réparables, en se basant sur l’indice de réparabilité, ceux qui sont Made In France, et ceux qui sont certifiés par des tiers indépendants (le bois FSC, les textiles GOTS etc.). Nous demandons à nos vendeurs de justifier ces éléments lorsqu’ils existent.

Avec plus de 20 millions de visiteurs uniques par mois, nous sommes un média : nous allons relayer les alertes Ecowatt auprès de nos clients sur le site et en interne à nos collaborateurs. Nous avons un rôle d’information, mais aussi de sensibilisation : par exemple, les produits déjà bien emballés pour lesquels il n’y a pas de risque de casse ou de fraude, nous les expédions comme ça pour éviter le suremballage. Nous informons le client : "le produit ne sera pas suremballé, si vous voulez quand même un emballage supplémentaire, cochez cette case". S’ils la cochent, nous leur redemandons "Est-ce que vous êtes sûrs d’en vouloir un ?" pour entraîner un vrai acte de réflexion chez le consommateur.

De manière générale, nous évaluons les politiques ESG de nos plus gros fournisseurs et vendeurs. C’est l’occasion d’échanger sur leurs pratiques, les nôtres, d’identifier des synergies, des projets à mener ensemble… Par exemple, nous discutons actuellement avec les vendeurs de jouets, car nous avons identifié que le fait d’avoir une partie plastique en relief nous obligeait à suremballer. Nous leur demandons de réfléchir à une adaptation de leurs emballages pour l'e-commerce, puisque la fonction marketing du plastique transparent est inutile en ligne. C'est l'une de nos pistes de réflexion.

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