Microsoft approuve la stratégie européenne sur la régulation de l'intelligence artificielle
Microsoft salue et valide les propositions émises par la Commission européenne dans son Livre blanc sur la régulation de l'intelligence artificielle. L'objectif de ce futur cadre est de promouvoir le recours à ces technologies tout en tenant compte des risques associés à certaines de leurs utilisations. Pour l'entreprise américaine, il était grand temps de réguler et l'approche technique arborée par l'institution correspond parfaitement à la sienne, notamment sur le volet de labellisation volontaire.
"Nous saluons les propositions formulées par la Commission européenne sur la régulation de l'intelligence artificielle", déclare Natasha Crampton, qui dirige les questions liées à l'éthique de l'IA chez Microsoft, lors de l'événement "Data science and law forum" organisé le 3 mars 2020 à Bruxelles par le géant technologique. Cette avocate de formation fait référence au Livre blanc de l'exécutif européen publié le 19 février 2020.
Créer des technologies qui inspirent la confiance
Ce document dessine une stratégie qui prône un "écosystème d'excellence" et un "écosystème de confiance". L'objectif est de promouvoir le recours à l'IA tout en tenant compte des risques associés à certaines utilisations de cette technologie. "Nous voulons que l'Europe soit un leader technologique et un acteur de confiance", résume le commissaire européen Didier Reynders, convié à l'événement. "La confiance est la condition préalable pour que les citoyens acceptent et utilisent l'IA dans leur quotidien", poursuit-il. Même discours du côté de Microsoft. "Les gens n'utilisent que les technologies en lesquelles ils ont confiance. Finalement, cela nous pousse à créer des technologies qui répondent à cette exigence", observe Natasha Crampton.
Microsoft va plus loin que simplement saluer l'initiative de la Commission européenne et indique clairement qu'elle approuve son approche technique de la réglementation. "L'approche fondée sur le niveau de risque de l'IA est à bien des égards alignée sur la nôtre", souligne Natasha Crampton. En effet, l'exécutif européen envisage une réglementation à double niveau pour garantir "le caractère ciblé et proportionné de toute intervention réglementaire".
Responsabiliser le marché
Les applications risquées de l'IA et les autres ne seront donc pas soumises aux mêmes règles. Pour qu'une IA soit considérée à "haut risque", elle doit cumulativement être employée dans un secteur où des risques importants sont à prévoir et être utilisée dans ce secteur de telle façon que ces risques sont susceptibles d'apparaître. Pour être mises sur le marché et librement circuler dans l'espace économique européenne, ces technologies devront être contrôlées préalablement via "des procédures d'essai, d'inspection ou de certification". Pour les autres cas, la Commission pense plutôt opter pour un système de labellisation non obligatoire. "Le label volontaire semble être une très bonne idée, note Natasha Crampton avant d'ajouter, c'est une bonne façon de responsabiliser le marché."
"Nous réfléchissons depuis très longtemps sur la régulation de l'IA. En 2017, nous avons même mis en place the 'AI and Ethics in Engineering and Research (AETHER) committee' spécialement conçu pour travailler sur ces questions. Il comprend des ingénieurs et des juristes de chez Microsoft", raconte Natasha Crampton. En effet, Microsoft est familier avec la régulation de l'IA. En 2016, son CEO Satya Nadella signait déjà une tribune dans Slate dans laquelle il écrivait que "la prochaine étape dans notre quête de l'IA est de convenir d'un cadre éthique". En 2018, le président de l'entreprise, Brad Smith, et le vice-président exécutif de l'entreprise, Harry Shum, signaient un livre de 150 pages intitulé "The Future Computed". Il liste six principes éthiques à respecter pour guider le développement de l'IA : équité, fiabilité et sûreté, confidentialité et sécurité, inclusion, transparence et responsabilité. "Nous avons donc été impliqués dans les débats avec la Commission européenne", annonce Natasha Crampton, sans donner plus de détails sur la nature de la collaboration nouée avec l'exécutif européen. Microsoft a-t-il participé directement à l'écriture du document ? Impossible de l'affirmer.
Faire de la régulation un avantage concurrentiel ?
Evidemment, l'appel à la régulation a un intérêt pour Microsoft. Comme L'Usine Digitale l'expliquait dans un précédent article, la conformité aux réglementations peut facilement devenir un avantage concurrentiel plutôt qu'un casse-tête pour les entreprises technologiques. Proposer sur le marché un système exempt de tout risque, presque "parfait", pourrait être un coup de maître pour se démarquer des offres concurrentes. On comprend mieux l'enthousiasme de Natasha Crampton pour la procédure volontaire de labellisation. Elle ne sera pas obligatoire et offrira en plus un gage de confiance aux consommateurs.
Mais l'enthousiasme de Microsoft n'est pas partagé par tout le monde. Également présent à l'événement, l'économiste Guntram Wolff émet de multiples réserves sur l'applicabilité de la stratégie européenne, sans remettre en cause le besoin de régulation. "L'approche de la Commission européenne manque d'instruments concrets. Comment va réellement faire l'Europe pour être leader dans l'IA face à la Chine et aux Etats-Unis ?", regrette le directeur du think tank européen "Bruegel" spécialisé dans l'économie. Il émet également des doutes sur l'approche technique de la régulation. "Dans la pratique, il me semble par exemple très compliqué de distinguer les IA risquées de celles qui ne le sont pas", poursuit-il.
Un fardeau pour les TPE/PME ?
En outre, Guntram Wolff craint que cette couche supplémentaire de réglementation soit un fardeau pour les TPE/PME notamment vis-à-vis du "montant à engager" pour "être en conformité avec la législation". "Comme pour le Règlement général sur la protection des données, les grandes entreprises technologiques ont les capacités pour se mettre en conformité. C'est très facile pour elles. Regardez, Facebook appelle même à l'instauration d'un RGPD américain !", indique-t-il. Pour l'économiste, la Commission européenne devra trouver le bon équilibre entre le nécessaire respect des droits fondamentaux comme le droit au respect de la vie privée et la volonté de booster ces petits acteurs pour qu'ils ne se fassent pas engloutir par les mastodontes.
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