Monétisation, bots, intelligence artificielle... Entretien avec David Marcus, le patron de Messenger (Facebook)

Speaker phare du Web Summit 2016, David Marcus, VP Produits Messagerie de Facebook, a accordé une interview à L’Usine Digitale. Monétisation de la plateforme, stratégie, nouvelles fonctionnalités… Il nous dévoile les ambitions de Messenger.

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Monétisation, bots, intelligence artificielle... Entretien avec David Marcus, le patron de Messenger (Facebook)
David Marcus, VP Produits de Messagerie de Facebook

L’Usine Digitale – Facebook investit beaucoup dans Messenger. Quel est le budget dédié?

David Marcus – C’est difficile à déterminer. L’équipe est composée de 150 personnes environ, principalement d’ingénieurs, mais aussi d’un chef de produit, de designers, d’analystes…

Vous avez dépassé le milliard d’utilisateurs mensuels actifs, et les 300 millions d’utilisateurs mensuels actifs sur les appels Voix et Vidéo cet été. Messenger a énormément évolué depuis son lancement. Quelle est aujourd’hui votre stratégie ?

D. M. – Nous continuons à travailler la qualité de la vidéo et de la voix sur Messenger : c’est devenu l’une des plus grosses applications au monde pour ce type d’appels. On a aussi développé de nouveaux modes d’échanges, comme Instant Vidéo. Malgré tout, nous avons encore des fonctionnalités assez standard. Elles marchent très bien avec un network très large. Mais nous voulons continuer à proposer de nouvelles fonctions pour vraiment nous différencier et faire en sorte que Messenger devienne l’application préférée pour communiquer. Les groupes prennent aussi toujours plus d’importance.

Vous avez également lancé une plateforme ouverte aux développeurs en avril 2016. Quel en est l’objectif et quels sont les premiers résultats ?

D. M. – Plus de 34 000 développeurs sont déjà actifs sur la plateforme. Cela nous a permis de construire un écosystème de partenaires. Salesforce, par exemple, est maintenant complètement intégré à Messenger. Les marques et les entreprises peuvent ainsi créer leur présence et leurs services sur Messenger. C’est le cas de compagnies aériennes, comme KLM, qui fait partie du groupe AirFrance/KLM, donc vous pouvez imaginer la suite logique. Mais aussi de Meetic, ou de banques, comme American Express, de grandes marques de mode type Burberry, Tommy Hilfiger… On constate que, pour les entreprises, les taux de conversion sont plus importants.

De combien ?

D. M. – Par exemple, Meetic a lancé un bot de dating. Ils ont créé un personnage masculin et un personnage féminin. Lara de Meetic est votre assistante virtuelle de dating : elle vous pose des questions, vous y répondez et elle vous crée un profil. Chaque jour, vous recevez un carrousel de match. Résultat : le lift de conversion est conséquent. Au total, 30% de gens s’abonnent au service s’il les amène dans Messenger plutôt que sur le site.

C’est donc vraiment la mort de l’appli des marques…

D. M. – Au fond, les applis des marques n’ont jamais vraiment marché. Au tout début, on les téléchargeait toutes, on acceptait toutes les permissions, tracking et notifications… Maintenant, on télécharge de moins en moins et on dit non à tout. Parce qu’on est en "overload". Ce qu’on a envie de télécharger, ce sont les applications qu’on utilise tous les jours.

Côté Web Mobile, on a de vrais problèmes pour garder l’utilisateur. Il n’y a pas d’identité… Lorsque vous fermez une fenêtre ou naviguez sur un autre site Web, vous perdez le contexte.

Messenger se place vraiment entre le web mobile et les applications, avec une couche de messagerie permettant d’avoir plus de fonctionnalités, une vraie conversation riche, avec des personnes ou des bots. Cela permet aux utilisateurs d’avoir des interactions plus aisées avec les marques, et aux marques d’avoir la possibilité d’échanger directement avec leurs clients.

On a ouvert au monde entier la possibilité pour les annonceurs, les développeurs et les entreprises d’acheter des pubs sur NewsFeed

Quel est votre business model ?

D. M. – C’est l’une de nos annonces de ce Web Summit. On a ouvert au monde entier la possibilité pour les annonceurs, les développeurs et les entreprises d’acheter des pubs sur NewsFeed (fil d’actualité de Facebook, NDLR) qui ouvrent des conversations directement sur Messenger.

Pour la première fois, un annonceur peut cibler son audience et passer d’une audience à une conversation "one to one" avec ses consommateurs, ses clients et commencer à construire tout le cycle de vie de son interaction client, d’acquisition, de servicing… Le cas de Meetic est intéressant car c’est un canal d’acquisition pub, full service. L’idée est vraiment d’améliorer le taux de conversion vers l’objectif de l’entreprise en redirigeant les personnes vers Messenger au lieu de les rediriger vers un site Web mobile. C’est notre principale façon de monétiser maintenant.

Quel est le ticket d’entrée ?

D. M. – Il n’y en a pas. Il s’agit d’un algorithme et d’un système d’enchères : cela dépend donc du type de secteur, de qui on veut targeter, à quel moment… Par exemple, la boulangerie du coin, qui a une page sur Facebook et qui a activé la partie messagerie, peut faire une campagne à 50 euros, atteindre ses objectifs de business et avoir 50 clients en plus par jour ou par semaine. Cela ne s’adresse donc pas simplement qu’aux grosses entreprises.

Vous annoncez aussi le lancement de Messenger 1.3. Qu’est-ce qui change ?

D. M. – Nous avons lancé plein d’innovations pour les développeurs qui permettent d’amener encore plus d’éléments natifs à l’application. Comme plus de boutons, de listes virtuelles…

Vous avez signé des partenariats avec Paypal, Visa, Mastercard, American Express… pour pouvoir payer directement depuis Messenger. Le paiement de personnes à personnes est disponible aux Etats-Unis depuis un an et demi. On peut aussi réserver son Uber. Quand verra-t-on cette fonctionnalité en France ?

D. M. : – C’est quelque chose que l’on veut en effet développer et amener en Europe, et notamment en France. Désormais, c’est juste une question de licence, d’environnement réglementaire et de partenaires. Une fois que tout cela sera réglé, on viendra sur le marché français avec grand plaisir. Mais c’est un processus qui prend un peu plus de temps qu’aux Etats-Unis.

Nous allons continuer à investir dans tout ce qui est real time et intelligence artificielle

 

Ces fonctionnalités renforcent les risques de piratage des données. Que mettez-vous en place pour les sécuriser ?

D. M. – Les données sont assez protégées chez Facebook en général. Les communications sur Messenger sont par définition privées et vraiment très sécurisées. Nous avons même lancé les "secret conversation" qui permettent d’activer les push "one to one" et mettre un temps d’expiration aux messages pour qu’ils puissent disparaitre des deux téléphones en même temps. Cela permet d’avoir encore un niveau de sécurité supplémentaire. C’est le "end-to-end encryption" (chiffrement de bout en bout, NDLR). On veut vraiment que Messenger soit l’endroit où vous pouvez avoir toutes les conversations que vous voulez, en toute sécurité. Avec cette fonctionnalité, on est satisfait.

C’est aussi un moyen d’aller en frontal avec Snapchat

D. M. – C’est facile de dire qu’on veut faire ça pour concurrencer tel ou tel service. La réalité, c’est que l’on doit continuer à développer nos services pour répondre aux attentes de nos utilisateurs qui envoient de plus en plus de photos et de vidéos. Au début, Facebook, ce n’était que du texte. Et puis un soir, il y a eu un hackathon. Quelqu’un a rajouté les photos et c’est devenu une part principale et intégrante de la raison d’être de Facebook. Maintenant, les photos sont plus grandes, la vidéo est en autoplay, ou en live. Toutes ces plateformes évoluent avec la technologie. Plus vous avez de haut débit et de capacité, plus le contenu devient riche. A même titre que Facebook et NewsFeed ont évolué, Messenger doit aussi évoluer pour devenir une messagerie de plus en plus visuelle…

En Chine, WeChat est très développé : tout se passe dans l’appli. Nous avons beaucoup de retard en France par rapport à ce service…
D. M. – Je ne suis pas sûr que l’on ait beaucoup de retard. Il y a une méprise en France. Il faut retenir une grosse différence : en Chine, il n’y avait pas d’app, pas de mobile commerce, pas de façon de payer. Mais tout le monde était sur une même plateforme de messagerie. Ils ont donc construit les "layers" dessus. Si on faisait ça en Europe, ça ne marcherait pas.

Messenger doit aussi évoluer pour devenir une messagerie de plus en plus visuelle…

Quelles sont les prochaines étapes pour Messenger ?

D. M. – Nous allons continuer à investir dans tout ce qui est real time et intelligence artificielle. C’est très important pour les développeurs et nous-même d’avoir une compréhension des intentions, et du besoin qui puissent être extraits du langage naturel. Tout ce que nous avons fait en intelligence artificielle a été intégré dans une plateforme qui permet d’utiliser nos "learnings".

On a également encore beaucoup de choses à faire sur l’expérience utilisateur. La messagerie devient de plus en plus visuelle. On va travailler dans ce sens pour que les gens puissent partager plus de contenus en temps réel. Avec la possibilité de créer des expériences toujours plus riches.

Qu’en est-il de la réalité virtuelle ?

D. M. – Lors de la conférence Connect d’Oculus, Mark (Zuckerberg, NDLR) a fait un appel vidéo en réalité virtuelle dans Messenger avec son épouse, Priscilla. On commence à construire ce genre d’expérience. Ce n’est pas un mass market, mais on y travaille déjà…

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