[MWC 2023] La 5G millimétrique, entre promesses révolutionnaires et non-sujet en Europe
Le déploiement de la 5G dans les bandes de fréquences hautes, celles des ondes millimétriques, constitue un moyen d'augmenter les capacités du réseau dans les endroits très fréquentés et dans les environnements industriels où les besoins en bande passante sont élevés. En France, l'attribution de ces fréquences n'a toujours pas de calendrier.
Dans les travées du Salon international du mobile à Barcelone, on vous assure que vous n'avez encore rien vu du potentiel de la 5G. Et dans la profusion de jargon à retenir cette année, figure la 5G millimétrique. Elle tient son nom de la bande de fréquences utilisées pour fonctionner, entre 24 et 28 GHz, appelées ondes millimétriques. Par convention, on s'y réfère en France sous le terme de bande 26 GHz. Sa particularité est de permettre de transporter des volumes beaucoup plus importants de données. Mais, alors que ce spectre a déjà commencé à être utilisé aux États-Unis et au Japon, sa commercialisation reste embryonnaire en Europe.
Une partie des acteurs de l'écosystème, au premier rang desquels les équipementiers télécoms et électroniques, poussent pour une adoption plus large. "C'est un sujet particulièrement structurant pour notre industrie, une véritable évolution technologique", plaide Jean Vivaldi, senior director business development France chez Qualcomm. "Gérer ce spectre dans un smartphone est une prouesse technologique. Puisqu'on a investi en R&D, on a envie de la pousser", explique son collègue Philippe Poggianti, VP business development 5G.
Peter Jarich, directeur de GSMA Intelligence, le cabinet d'études de l'association internationale représentant les intérêts de l'industrie du mobile, ne tarit pas d'éloges sur cette technologie. "Nous nous attendons à ce que le rythme d'adoption accélère. La 5G millimétrique fait le lien avec tout ce qui est discuté au MWC : la 5G privée, le métavers… On ne peut pas avoir tout cela sans la 5G millimétrique".
L'Arcep pas pressé d'attribuer les fréquences
L'organe des régulateurs européens des télécoms, le Berec, est lui aussi déterminé à évangéliser sur la 5G millimétrique. "La 5G millimétrique sera l'un des moyens d'atteindre notre objectif d'un accès à 1 Gb/s pour tous en Europe d'ici 2030", a déclaré Konstantinos Masselos, son président, au MWC 2023. "La 5G millimétrique jouera également un rôle essentiel pour avancer vers la 6G, qui s'appuiera sur des fréquences au-dessus de 100 GHz. La 5G n'a pas seulement besoin d'être plus rapide. Elle doit être plus intelligente, plus sûre, plus efficace, plus résiliente, et réduire la consommation énergétique", a-t-il poursuivi pour illustrer les bénéfices de cette technologie.
Pourtant, le régulateur français, l'Arcep, n'est pas pressé d'attribuer ces nouvelles fréquences. Pour le moment, il se contente de "favoriser les expérimentations" en délivrant des autorisations ponctuelles dans la bande 26 GHz. 14 projets ont vu le jour depuis 201, par exemple en gare de Rennes (SNCF, Nokia, Orange), à La Défense, et à l'Orange Velodrome à Marseille.
Un intérêt pour la 5G fixe
"Ultérieurement, l’Arcep préparera l’attribution de la bande de fréquences 26 GHz. Quelques services avec de très forts besoins de bandes passantes sont envisagés comme par exemple des services de multimédia augmenté avec multiples prises de vues lors d’événements sportifs ou culturels ou encore la gestion d’outils industriels dans les usines", détaille l'Arcep, qui a publié fin 2022 les réponses à sa consultation publique sur la bande 26 GHz, "mettant en exergue un intérêt de certains acteurs pour la poursuite d’expérimentations des cas d’usage". L'enthousiasme est modéré…
C'est ce que nous a confirmé Orange, qui reconnaît "ne pas être pressé". Dans sa réponse à la consultation de l'Arcep, l'opérateur indique "qu’à ce stade, les problèmes techniques, la difficulté d’identification de cas d’usages avec un modèle d’affaires pertinent associé, l’écosystème non mature de terminaux constituent des freins majeurs au déploiement de cette bande à court et à moyen terme".
Aucune date n'est fixée pour l'attribution de ces fréquences, qui a fait l'objet d'enchères dans d'autres pays européens. 14 pays en Europe ont rendu le spectre disponible. L'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni, la Norvège et l'Autriche sont notamment en avance sur le sujet. Pour l'instant, le premier cas d'usage en Europe concerne la 5G fixe.
La clé pour débloquer toutes les promesses de la 5G ?
Les autres cas d'usage bien identifiés pour la 5G millimétrique sont les lieux où se concentrent de forts besoins à un même moment : stades, gares, métro, aéroports, grandes artères commerçantes ; ainsi que les usages professionnels (bureaux et industrie 4.0). La 5G millimétrique permet de compléter la bande principale pour atteindre des capacités supérieures et suivre la croissance des usages.
"Selon Ericsson, d'ici 2028, chaque smartphone consommera 46 Go de data, dont 80% de vidéo. La midband va saturer", explique Philippe Poggianti de Qualcomm. "La 5G millimétrique permettra de livrer toutes les promesses de la 5G : débits, 5G fixe, massive IoT…".
Il faut savoir que les ondes millimétriques sont en outre disponibles en très grande quantité. Les capacités allouées aux opérateurs seront 5 à 10 fois supérieures à celles de la bande 3,5 GHz, avec des largeurs de bande de 200 à 800 MHz par opérateur, contre 70 à 90 MHz dans la bande principale.
10% des terminaux 5G compatibles
Mais les ondes millimétriques ont aussi leurs inconvénients. Plus on monte dans les bandes de fréquences, plus la portée des antennes et la pénétration indoor sont faibles. Cela nécessitera donc des efforts d'investissement significatifs, en termes de nouvelles cellules et d'adaptation de la grille existante puisque ce réseau nécessite un hardware spécifique. Par ailleurs, les opérateurs télécoms ont déjà du mal à monétiser leur réseau 5G dans la bande 3,5 GHz.
Cela explique sans doute pourquoi seulement 20% des opérateurs qui ont accès au spectre millimétrique, dans le monde, ont lancé un service commercial sur cette bande de fréquences, d'après les chiffres de la GSMA. L'organisation souligne également que seuls 10% des terminaux 5G actuels sont compatibles avec cette technologie. Pour fonctionner dans cette gamme de fréquences, ils doivent avoir un modem RF et une antenne spécifiques. D'après Qualcomm, 170 terminaux de 65 fabricants sont compatibles aujourd'hui sur le marché, principalement haut de gamme.
Des fréquences en plus pour gagner plus
A l'heure actuelle, les trois grands opérateurs américains (Verizon, T-Mobile, AT&T) utilisent le multibande. AT&T, par exemple, a déployé ses équipements dans une cinquantaine de villes aux États-Unis. Reste à les rentabiliser, et le barouf autour de la 5G millimétrique au MWC ressemble fort à une incantation.
"Nous sommes tous dans cette salle pour gagner plus d'argent. Et nous savons que les changements de génération technologique apportent plus de valeur. La 5G standalone, la 5G advanced, la 5G millimétrique sont des outils essentiels de cette révolution, tout cela accessible à travers l'Open Gateway" présenté cette semaine par les opérateurs, a-t-on pu entendre de la bouche d'Henry Calvert, head of network à la GSMA.
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