Mycophyto, qui utilise l'IA pour enrichir les sols, lève 4 millions d'euros
Microbiologie et technologie travaillent de concert avec Mycophyto. La start-up s’appuie sur une base de données et sur l’intelligence artificielle pour revitaliser les sols et accélérer le développement des plantes. Une levée de fonds de plus de quatre millions d’euros va l’aider à passer à l’échelle industrielle.
Pour comprendre comment la technologie vient en aide aux agriculteurs et maraichers par l’intermédiaire de Mycophyto, il faut d’abord appréhender le rôle des champignons mycorhiziens. "Ces bactéries du sol interviennent comme rallonge des racines d’une plante pour aller puiser des éléments nutritifs complémentaires dans le sol. Ils multiplient par 1000 la surface d’échange entre le sol et la plante", vulgarise Justine Lipuma, fondatrice de Mycophyto et microbiologiste de formation.
A travers ses recherches, la doctorante a cherché à augmenter les rendements des cultures tout en réduisant les intrants chimiques. "On a des solutions dans les laboratoires de recherche mais elles ne sont pas disponibles pour les agriculteurs. J’avais envie de leur mettre à disposition un outil efficace pour les aider à opérer leur transition sans avoir à faire le choix cornélien entre rendement et impact environnemental." La fondatrice rappelle que les deux s’avèrent indispensables pour nourrir une population grandissante et protéger la ressource et l’environnement.
Une base de données internationale
Mycophyto entend s’inspirer de la nature tout en lui apportant ses technologies. Grâce à une analyse moléculaire et une analyse d’image, l’experte cherche à comprendre les éléments du sol, et identifier les espèces pertinentes au développement des plantes afin de les mettre en culture pour augmenter leur représentation. Les poudres ou les granulés à disperser dans le sol peuvent réunir jusqu’à 25 espèces de champignons mycorhiziens. "Nous avons développé une bio-banque qui se destine à être la plus grande d’Europe sur les espèces de champignons mycorhiziens."
Cette base s’appuie sur les prélèvements de la start-up et sur les données microbiologiques issues de séquençages des sols réalisés en France, en Europe et aux Etats-Unis par différents programmes de recherche.
L’IA à l’écoute des sols
L’intelligence artificielle intervient quant à elle pour prédire le cocktail de champignons idéal en fonction de la nature d’un sol, dans un système développé conjointement avec l’Inria. "A partir d’une coordonnée GPS, on pourra identifier les espèces de champignons les plus adaptés sans avoir à se déplacer pour faire un prélèvement." Mycophyto a ainsi défini sept zones géographiques distinctes en France, excluant toutefois les microclimats ou les terroirs d’exception nécessitant un mélange spécifique. "Une fois identifiés, on va mettre les champignons en culture pour créer la formulation adaptée."
Pour réaliser ses prédictions, l’intelligence artificielle s’appuie sur la météo, la typologie de sol, la physico-chimie du sol et les données réunies dans la base. La start-up travaille avec d’autres sociétés de l’agri-tech comme Weenat pour quantifier les impacts des différentes solutions. Ainsi Justine Lipuma se réjouit que Mycophyto ait pu contribuer à retenir 20% d’eau en plus sur une parcelle de vignes que ses voisines n’ayant pas reçu de formulations. "L’intelligence artificielle intervient en machine learning pour apprendre tant des données statiques que des données dynamiques comme les conditions météorologiques pendant une sécheresse, et mieux prédire ce qui va se passer sur une zone."
Changer d’échelle
Avec une levée de fonds de 4,155 millions d’euros, Mycophyto entend passer à l’échelle pour industrialiser sa solution mais aussi multiplier les données. Son objectif est de réduire ses coûts de production tout en multipliant les quantités avec des cultures de champignons en agriculture verticale.
Pour l’heure, la start-up répond aux besoins d’une trentaine de clients répartis dans quatre filières agricoles principales : les plantes à parfums, aromatiques et médicinales ; le maraîchage ainsi que les cultures de fruits et légumes ; la vigne ; et les aménagements paysagers. Avec cette levée de fonds et l’industrialisation qui en découle, Mycophyto espère pouvoir répondre aux besoins d’autres filières avec un produit plus abordable. "Nous allons également structurer et accélérer la dimension commerciale. Nous commençons à travailler à l’international, notamment en Afrique", conclut la dirigeante.