Netflix perd des abonnés : pourquoi c'est la fin d'un modèle
Netflix a dévoilé pour la première fois en 10 ans une perte nette d'abonnés au premier trimestre. Seulement 200 000, mais cela a suffit pour que la plateforme de streaming soit massacrée en bourse. C'est la fin d'une ère de croissance sans partage pour l'entreprise, qui va devoir revoir ses fondamentaux. Entre autres mesures, elle compte mettre un terme au partage informel de comptes et envisage sérieusement d'introduire une offre incluant de la publicité.
200 000 clients sur un total de 221,6 millions, ce n'est vraiment pas grand-chose. Pourtant, cette perte d'abonnés, dévoilée par Netflix lors de la publication de ses résultats du premier trimestre 2022 le 19 avril, a fait l'effet d'une bombe sur le marché. L'action Netflix a perdu 35% de sa valeur à Wall Street depuis mardi. Le chiffre d'affaires a progressé de 10% à 7,87 milliards de dollars au premier trimestre, mais le bénéfice a reculé de 6,5% sur un an, à 1,6 milliard de dollars.
Une contre-performance multifactorielle
Reed Hastings, le patron de l'entreprise californienne, attribue cette contre-performance à quatre facteurs qui "compliquent la croissance de la base d'abonnés sur de nombreux marchés" : une concurrence de plus en plus forte (Disney+, Apple TV+, Amazon Prime Video, HBO Max, Paramount+…), le ralentissement de l'adoption des smart TV, le partage de compte, et la conjoncture macroéconomique (guerre en Ukraine, croissance atone, inflation, crise sanitaire). Netflix s'est aussi retiré du marché russe, ce qui lui a fait perdre 700 000 abonnés d'un coup.
La part de marché mondiale de la plateforme dans le streaming est estimée à 45,2% par Parrot Analytics, en recul de 10,5 points sur un an. Les autres plateformes lui disputent les abonnés, mais aussi les programmes. Le choix croissant proposé aux spectateurs augmente la volatilité des abonnés.
Pourquoi cette réaction du marché ?
Plusieurs facteurs expliquent la réaction très négative du marché après les annonces de Netflix :
- La plateforme avait prévu 2,5 millions d'abonnés supplémentaires au premier trimestre. C'est donc une contre-performance significative.
- Elle prévoit de perdre 2 millions d'abonnés supplémentaires au deuxième trimestre. C'est donc une tendance de fond.
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C'est la première fois en 10 ans que Netflix enregistre une perte nette d'abonnés. Jusqu'à présent, l'entreprise était considérée par la Bourse comme une valeur de croissance. C'est terminé, et cela a logiquement des conséquences sur ses multiples de valorisation.
Quel plan pour se sortir de cette mauvaise passe ?
Netflix estime que le partage informel de compte permettrait à 100 millions de foyers de profiter d'un abonnement sans payer. Elle travaille par conséquent sur un forfait dédié à ce type de partage, ce qui lui permettrait de créer non plus de simples profils supplémentaires, mais des sous-comptes associés à des identifiants différents, transférables sur un nouveau compte principal le cas échéant. La facturation se ferait en fonction du nombre de sous-comptes créés. Des tests sont actuellement menés au Chili, au Costa Rica et au Pérou.
Changement historique là encore, Netflix réfléchit à lancer d'ici deux ans une offre moins chère qui serait en partie financée par la publicité. Il s'agirait d'un revirement historique pour l'entreprise qui fête ses 25 ans cette année. Elle a déjà pivoté par le passé, mais toujours conservé ce modèle d'abonnement simple et illimité (historiquement, elle louait des DVD par abonnement qui étaient expédiés et retournés par voie postale).
Les limites de l'abonnement "one size fits all" dans un univers concurrentiel encombré
Mais la concurrence l'oblige à bouleverser ses fondamentaux. D'une part, plus elle est rude, moins il devient facile d'augmenter le prix de l'abonnement pour maintenir la croissance du chiffre d'affaires. Il faut donc d'un côté faire plus de volume et pour cela, au contraire, baisser les prix, et de l'autre proposer des offres plus segmentées afin de satisfaire les différents besoins. Dans le même temps, il faut continuer à investir dans les programmes malgré des marges qui se réduisent. Pour contrecarrer cette tendance sans augmenter les prix pour le consommateur, la publicité reste le modèle de référence.
Canal+ a été confrontée aux mêmes problématiques. Avec des forfaits à 8,99 euros, 13,49 euros et 17,99 euros, Netflix pratique aujourd'hui des tarifs en moyenne plus élevés que ceux de la concurrence. D'autre part, de nombreuses plateformes aux Etats-Unis offrent déjà cette option publicitaire. C'est le cas de Peacock de NBC qui s'est lancé à 4,99 dollars par mois, de HBO Max, ou encore de Hulu. Disney+ prévoit aussi de le faire d'ici fin 2022.
D'ailleurs, c'est une tendance de fond, qui s'observe également dans le secteur du jeu vidéo en streaming : Xbox et Playstation poursuivent des initiatives parallèles de jeux free-to-play financé par la publicité. Enfin, Netflix envisage à plus long terme d'entrer sur d'autres types de contenus, tels que les événements sportifs. La plateforme a par ailleurs déjà commencé à développer une offre de streaming de jeux vidéo pour diversifier ses revenus.
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