"Nous investissons 20 millions d'euros sur 5 ans pour améliorer le parcours client", Stéphane Solinski (Sport 2000)
Sport 2000 lance son plan de transformation digitale. L’enseigne, qui va ouvrir son site marchand cette année, fait figure d’ovni dans le commerce, notamment sur un secteur plutôt précurseur en matière d’innovation. Pourtant, la trajectoire choisie par Stéphane Solinski, son dirigeant depuis 7 ans, a un mérite : lancer Sport 2000 dans l’omnicanal à une époque de maturité du marché. Il précise pour L'Usine Digitale sur les détails de sa stratégie.
L’Usine Digitale : 2020 marque l'entrée de Sport 2000 dans l’e-commerce. Pour quand cela est-il prévu ?
Stéphane Solinski : Nous commençons par lancer un site BtoB au premier semestre, qui implique que les adhérents mutualisent leurs stocks. Le site grand public, dont le nom n'est pas encore arrêté, est prévu lui pour le dernier quadrimestre. Nous avons reporté au plus tard ce projet tout simplement parce que l’e-commerce n’est pas le premier levier de croissance rentable. Sport 2000 devait en priorité unifier l’actionnariat [la coopérative a été reprise à 100% par ses adhérents en 2018, NDRL] et en tant que directeur général, j'ai proposé au Conseil d’Administration que l’on s’occupe des fondamentaux du retail, et qu’on y rajoute, en temps voulu, une couche d’e-commerce.
Comment lance-t-on un site en 2020 lorsqu’on compte 537 magasins sous plusieurs enseignes différentes ?
On a pris soin de travailler sur des logiciels communs pour traiter les données et aider à la prise de décision. Nous travaillons avec l’éditeur français Ginkoia, qui fournit un logiciel de gestion de points de vente. En 2014, nous avons regroupé les 20 plus gros adhérents et nous avons testé un assortiment commun, avec un certain volume et la mise en place logistique nécessaire. Aujourd’hui, on part de statistiques pour prendre toute décision, ce qui est disons-le une chose assez normale dans le retail !
Avec OneStock, nous allons mutualiser les stocks pour proposer entre autres le ship from store (livraison de magasin à magasin) et le click&collect pour faire du magasin le lieu de vente, d’envoi et de réception des commandes. Il ne s’agit de rien d’autre que de mutualisation de ressources au profit du collectif et du service aux clients. Nous remettons également à plat notre logiciel CRM, et nous mettons en place une base de données communes pour l’ensemble du groupe à toutes les enseignes, pour avoir une vision data globale et faire du prédictif sur les comportements futurs des acheteurs.
En vous lançant aussi tardivement, vous faites le chemin inverse de la plupart des commerçants : vous vous lancez avec un certain nombre de solutions que d’autres ont dû rajouter au fur et à mesure, en revoyant profondément leur copie, avec de nouvelles versions de sites marchands, l'abandon de certains services…
Oui, technologiquement nous créons le contexte pour l’e-commerce en partant d’une distribution optimisée. Nous avons sélectionné de très bons partenaires. Je n’aime pas trop parler d’intelligence artificielle, disons que nous mettons en place de l’intelligence statistique qui va nous permettre de nous rapprocher de la demande, de la réalité… et donc du client. Notre assortiment est très particulier : nous vendons 100% de marques, qui ont des processus à 6 mois entre la commande et la livraison. L’enjeu est de mieux prévoir nos besoins futurs afin de rapprocher notre offre de la demande.
Vous avez un site de location de matériel de ski. Qu’est-ce que cela vous a appris en matière de digital, d’interactions… ?
Ce site a permis de développer les compétences techniques en back et front office, webmarketing et relation client. Il nous a aussi offert la possibilité de tester un écosystème où le web se combine au service en magasin pour un parcours client de location de ski optimum. Enfin, nous avons tissé des partenariats avec les acteurs du web, comme Google, Veepee, et l’écosystème online de notre marché, y compris sur le tourisme.
Quelle est votre vision de l’innovation ?
C’est le client. Je souhaite que lorsqu’un client demande quelque chose, on lui réponde oui ! Alors quelque part, c’est ce que fait Amazon, en proposant 400 millions de références qu’il peut livrer dans la journée. A notre niveau, dans le sport, nous souhaitons approfondir et élargir notre offre et livrer dans de bonnes conditions. La différence avec nous, c’est le facteur humain. Nous avons 500 magasins avec de vrais gens ! Les clients ont plaisir à se rendre en magasin… à condition que l’on ne leur dise pas non.
Nous avons lancé à l’automne le Livret Sport, un système de cagnottage qui récompense la pratique sportive en transformant les efforts en points. Cela nous fournit le flux d’une trentaine d’activités sportives. C’est un programme de fidélité qui marche très bien, et on a aujourd’hui plus de 20 000 membres. Il irriguera notre futur programme relationnel en créant un lien entre l’enseigne et le client au-delà de la transaction. L’enseigne est accompagnatrice pour inciter à la pratique, et c'est exactement ce que l’on sait faire en magasin. Le Livret Sport est aussi très apprécié par les marques car il récompense très simplement la pratique d’un sport.
L’innovation, notamment technologique, est très présente chez les marques et enseignes de sport. C’est spectaculaire à New York, avec les flagships Nike, Adidas et dernièrement Puma. Quel regard portez-vous sur ces magasins spectaculaires ?
Je suis très admiratif de ces flagships. Ça fait partie du jeu, et ça fait progresser ! J’ai longtemps travaillé dans le secteur automobile et j’ai toujours été aussi admiratif des concept cars. Mais ce n’est pas ce que vendent les industriels automobiles. Or dans le commerce, il faut vendre. Chacun son objectif. L’innovation doit être utile.
En France aussi, si on regarde du côté de la distribution spécialisée, l’innovation est partout, avec beaucoup d’investissements sur la RFID, l’encaissement automatique...
Oui, certains sont très en avance, il faut le reconnaître. Mais je reste persuadé que les magasins sans interactions, sans personnel, ce n’est pas l’avenir. Le web doit nous servir à rendre les magasins encore plus humains.
Parlons chiffres. Quels sont vos objectifs ?
Pour commencer, nous affichons 650 millions de chiffre d’affaires en 2019, en croissance d’un peu moins de 4%. Pour une année de sortie de crise de l’actionnariat, c’est pas mal, puisqu’il ne s’agit quasiment que de croissance organique ! Nous visons 900 millions de chiffres d’affaires à l’horizon 2025, un projet qui est porté notament par les ouvertures de magasin [baptisé plan CUP 2024, et axé sur le format de commerce de sport de proximité et digitalisé, NDLR].
Pour ce plan, nous injectons 20 millions en plus des investissements et dépenses récurrentes d’ici 2025, dont une grande partie sur le nouveau parcours client : e-commerce, CRM, SI, logistique, formation… Nous investissons aussi sur la montée en compétences des équipes en lançant cette année la Sport 2000 Académie, qui a vocation à déployer les méthodes indispensables à la mise en oeuvre d’une expérience client qui combine rapport humain et exploitation des outils digitaux. Si on parvient à combiner le meilleur du commerce de proximité et l’efficacité offerte par la digitalisation, on est tranquille pour 20 ans.
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