[NRF 2020] Le Retail’s Big Show et les (vraies) attentes de la retail tech française
Le coup d’envoi du Retail’s Big Show est en passe d’être donné. A la veille de la grand-messe mondiale du retail, qui se tient à New York jusqu’au 14 janvier, L’Usine Digitale a interrogé des entrepreneurs français, emmenés par Business France, sur leurs attentes vis-à-vis de cette édition 2020. Notoriété, business, veille… celles-ci sont nombreuses et posent surtout une question : faut-il se rendre à Big Apple pour réussir ?
Elles sont 22 entreprises françaises à avoir gagné leur ticket pour la NRF au sein de la délégation Business France, qui leur permet, pendant 4 jours, de bénéficier d’un stand labellisé French Tech. Parmi ces jeunes (et moins jeunes) pousses, certaines vont vivre leur baptême tandis que d’autres n’en sont pas, loin s’en faut, à leur première fois. Toutes ont néanmoins un espoir commun : percer et s’affirmer sur la scène internationale, avec en ligne de mire le marché américain où le retail est roi. "Le Retail’s Big Show est le lieu où il faut être repéré pour exister", annonce d’emblée Florence Di Nicola, Marketing Director chez Alkemics. Cette pépite parisienne spécialiste de la donnée produit, qui travaille avec tous les distributeurs français ou presque, vient pour la troisième fois exposer à New York City. "C'est une opportunité unique de rencontrer et de toucher des personnes à d'autres niveaux de discussion", poursuit-elle.
Pendant une petite semaine, des centaines de speakers et quelque 800 exposants vont se succéder pour le faire. Et bien que la délégation FrenchTech soit sans commune mesure avec celle du CES, les start-up françaises y placent beaucoup d’espoirs et d’attentes… qui varient selon leur stade de développement et leur maturité. Parmi les nouvelles venues pour l’édition 2020, Verteego, société experte du machine learning, et qui profite de l'événement pour lancer sa solution Verteego Brain, fruit de 3 ans de R&D, sur le marché international. "L’enjeu de la visibilité est très fort, surtout pour une start-up comme la nôtre qui n’a pas de présence physique aux Etats-Unis", explique Clément Guillon, COO de Verteego. C’est aussi l’occasion de tester l’appétence du marché pour notre solution".
Multiplier les contacts... et concrétiser rapidement
Pour y arriver, le maître mot est networking : entre les entrepreneurs d’abord, dont beaucoup saluent la solidarité qui caractérise la communauté French Tech, et surtout un système de référencement par recommandations. Car contrairement à des événements de taille plus humaine, les start-up ne prennent que (très) peu la parole à NRF. C’est donc dans des événements plus informels, organisés en marge du salon – comme les célèbres "parties" ou les retail tours organisés dans la Grosse Pomme – que les rencontres se font entre les clients et futurs clients d’un fournisseur de technologie.
Si pour des start-up moins avancées dans la commercialisation de leur techno, le nombre de contacts et de rendez-vous fixés constitue de solides indicateurs, pour les autres, le cœur de toutes les préoccupations restera le business, avec la concrétisation rapide de deals, au moins pour obtenir un retour sur investissement – être présent à la NRF n'est bien sûr pas gratuit. Mais les attentes diffèrent assez logiquement. Certains veulent multiplier les contacts, d'autres vont privilégier la qualité. "Notre produit est complexe, explique Cédric Chereau, cofondateur d’UntieNots, start-up fondée en 2016 et spécialisée dans les solutions de fidélisation client qui couple gamification et personnalisation promotionnelle. Il a de l’impact sur le travail de nos clients, dans leurs équipes marketing et commerciale. Je préfère ne gagner quelques contacts, mais avec des discussions très abouties et des next steps extrêmement concrètes".
Trouver des soutiens de poids
Or à la NRF, la concurrence est rude. Avec des centaines d’exposants présents et un pays qui abrite toujours les plus gros retailers de la planète, les entrepreneurs français devront jouer des coudes pour s’imposer et se faire remarquer par les délégations internationales des professionnels du retail. Certains partent néanmoins parfois avec une longueur d’avance, comme UntieNots. Sa force ? Avoir été retenue, au printemps dernier, pour intégrer le premier Retail Accelerator co-organisé par l’Allemand Metro et l’Américain Target, parmi plus de 550 candidatures.
Si c’est le 2e voyage new-yorkais pour UntieNots, il sera différent du premier. "La start-up sera beaucoup plus visible cette année", annonce Cédric Chereau. En Europe, le soutien de Métro lui permettra de déployer, dès février, un nouveau cas d’usage en Russie. L’intérêt de Target lui ouvre de l’autre côté de l’Atlantique un certain nombre de portes, dont des programmes pilotes lancés rapidement avec des noms, qui resteront confidentiels, du commerce américain : "Cela nous donne une crédibilité certaine, d’autant plus que Target est désormais perçu, à raison, comme un distributeur innovant et qui se porte bien", poursuit Cédric Chereau.
La NRF représente par ailleurs un accélérateur commercial indéniable pour une société comme Armis, qui vient pour la seconde fois à New York et qui a participé au programme Impact USA de Business France. "Cette année, le marché américain est l’un des axes de notre développement, explique David Baranes, cofondateur de cette plateforme SaaS qui digitalise le prospectus papier et les opérations commerciales des enseignes à l'aide de l'intelligence artificielle. La start-up a anticipé sa deuxième participation à NRF en identifiant 300 retailers américains qui pourraient être intéressés par sa solution, puis leurs décideurs, qu’elle a contactée dans la foulée.
Pour Akeneo, spécialisé dans les solutions de gestion de l'expérience produit (PXM) et dont c’est la troisième participation, l’arrivée de Salesforce comme investisseur en 2018 et un partenariat technologique noué avec Magento (Adobe) permettront cette année encore d’accentuer le poids de la start-up dans l’écosystème de la retail tech. "La stature internationale permet de prendre des rendez-vous avec des décideurs d’Amérique Latine, d’Asie et du Moyen-Orient", explique Johan Benoualid, vice-président ventes et partenariats.
Toucher le top management us ? Pas vraiment
C’est également le cas d’ActiveViam, un éditeur de solutions analytiques in-memory pour la prise de décision opérationnelle, qui déjà présent en 2019 au sein de la délégation, est également partenaire Microsoft Azure et qui animera par ailleurs un atelier aux côtés de l’un de ses clients, Intermarché, avec un focus sur ses outils de pricing. "Nous avons constitué une équipe aux Etats-Unis en août dernier, donc notre objectif est maintenant de rencontrer les retailers US, ainsi que les retailers allemands et britanniques, explique Georges Bory, co-fondateur, avant d’ajouter : "mais c’est en réalité plus facile de rencontrer les directions de l’innovation françaises qu’américaines".
Car finalement, les cibles ne sont pas forcément celles que l’on croit… Ce que cherchent avant tout ces entrepreneurs, c’est de rencontrer les dirigeants… français. "Les équipes des retailers français viennent à NRF pour faire leurs courses", résume Clément Guillon (Verteego). L’entrepreneur, dont la technologie est encore en phase de test chez une dizaine de retailers français, espère consolider ces premiers déploiements. "On rencontre très facilement, et dès l’avion, des patrons des achats, des top managers", abonde Georges Bory. Pour David Baranes, "NRF permet de faire en quelques jours ce qu’on ferait un an à faire en temps normal. Tout le monde est présent, on peut voir tout le monde en même temps, ou presque !"
Pour beaucoup, l’explication tient avant tout à l’événement en lui-même. "C’est une histoire de contexte, analyse Florence Di Nicola. Il n’y a pas d’enjeu commercial immédiat, les discussions sont plus informelles, on est au tout début de l’année… Tout le monde est réceptif !". "New York est un cadre privilégié, les décideurs sont là pour ça, et ils ont la tête à ça", confirme Cédric Chereau (UntieNots). Pour d’autres, ce constat, quasi unanime chez la dizaine de start-up interrogées par L'Usine Digitale, cache peut-être une vraie problématique. Le top management français délaisserait selon certains, et en nombre, les événements du secteur se déroulant dans l’Hexagone, préférant se concentrer sur les "grands" salons comme NRF. "Il manque aussi un élan au niveau européen, ajoute un membre de l’écosystème. La NRF permet d’ouvrir les frontières, même si elle ne donne pas forcément accès aux distributeurs européens".
Faire sa propre veille.. et adapter son offre face à la concurrence
Au-delà du business et de la génération de leads, NRF reste un formidable concentré de ce qu’il se passe dans le retail, des tendances de fonds aux innovations de rupture, comme par exemple trouver de nouveaux cas d’application de la réalité virtuelle et augmentée. Pour les start-up, c’est aussi l’occasion de vérifier si leur modèle est véritablement disruptif, pertinent à l’international, et s’il peut être répliqué à l’identique ou sur d’autres verticales. C’est aussi un moyen de savoir d’ajuster, parfois de revoir son positionnement en repérant d’éventuels concurrents, tout en gardant un œil sur les Big Tech (Oracle, Salesforce, Microsoft) et les Gafa et leur implication de plus en plus visible dans le retail.
Des partenaires technologiques mais aussi des concurrents qu’il faut également apprendre à connaître, tout comme la culture de l’innovation, différente aux Etats-Unis. Pour Florence Di Nicola, il est ainsi indispensable de maîtriser "l’art du pitch à l’américaine" pour réussir. Pour Cédric Chereau, par ailleurs, bien connaître les manières de travailler aux Etats-Unis est indéniablement un atout. "Cette culture du oui est fantastique, contrairement à la culture du coût, qui est souvent la première question posée par un retailer français", poursuit l’entrepreneur. Mais attention, "les retailers américains aiment bien faire eux-mêmes… Il faut donc toujours veiller à leur présenter un produit mature, ultra-scalable, opérationnel, et qui va leur faire gagner du temps", conseille-t-il. Un travail de longue haleine, alors que le gouvernement, visiblement conscient des barrières, est également à l’œuvre pour aider les pépites à s’internationaliser via son classement Next40.
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