Peut-on détruire les originaux papier ?

Le numérique ne bouleverse pas que les business models. Pour le prendre en compte, les règles et les lois sont elles aussi en pleine mutation.

Chaque semaine, les avocats Eric Caprioli, Pascal Agosti, Isabelle Cantero et Ilène Choukri se relaient pour nous fournir des clés pour déchiffrer les évolutions juridiques et judiciaires nées de la digitalisation : informatique, cybersécurité, protection des données, respect de la vie privée...

Aujourd’hui, regard sur la valeur des documents numériques comparée à celle de leur grands frères papier.

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Peut-on détruire les originaux papier ?

L’usage du papier est omniprésent aujourd’hui. Un comble pour une période où le digital est censé influer en profondeur sur le mode de fonctionnement de la société et renvoie à des objectifs environnementaux, souvent hypocrites. Mais pourquoi ? Le papier est encore aujourd’hui synonyme de sécurité juridique, de permanence, de preuve. Cette vision, bien que techniquement dépassée, reste ancrée dans notre inconscient collectif mais aussi dans l’appréhension du risque probatoire des entreprises de toutes tailles, dans les secteurs industriel, bancaire mais aussi hospitalier... En effet, pour ces dernières, comment rapporter la preuve d’un contrat, d’un acte quelconque pour ces dernières si elles ne conservent pas l’original papier ?

Que nous dit la loi ?

Le Code civil (art. 1348 al.2) prévoit que l’on peut se passer d’un écrit original (souvent synonyme de papier) "lorsqu’une partie ou le dépositaire n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable.". Ainsi, sous réserve de pouvoir démontrer la fidélité et la durabilité de la copie numérisée d’un original papier, une entreprise pourrait détruire les originaux papier et ainsi se passer des nombreux rayonnages et armoires, voire des centres d’archivage de ces originaux. Cela permettrait d’éviter un double archivage (papier et numérique) et de réaliser des économies plus que conséquentes.

Oui, mais la jurisprudence dans tout ça ?

Des jurisprudences ont pris en compte le progrès technique, notamment dans le secteur bancaire. Ainsi, dans un arrêt du 3 septembre 2015 de la Cour d’appel de Lyon, une banque n’avait pas pu produire les originaux des contrats dans la mesure où elle avait mis en place un système d’archivage répondant aux spécifications de la norme AFNOR Z 42 013 et qui correspond aux exigences de fidélité et de durabilité précitées. La Cour souligne que la fidélité "à l’original" des copies produites n’était pas contestée "pas plus que l’imputabilité de leur contenu à l’auteur désigné" et valide implicitement la destruction des originaux papier par la banque en disant que cette dernière n’était pas "en mesure de produire l’original des contrats". Le juge est donc au faîte des questions technologiques et accepte - mais pas n’importe comment – des copies numérisées en lieu et place d’originaux papier si l’entreprise peut rapporter la preuve de la fiabilité de son archivage (en recourant par exemple à des prestataires référencés comme au sein de la Fédération des Tiers de Confiance)

Ne pas confondre vitesse et précipitation

Il ne s’agit pas de se lancer dans un projet de destruction des originaux papier tête baissée. La mise en place d’une solution fiable de numérisation et de destruction des originaux nécessite la mise en place d’une équipe projet en associant l’ensemble des acteurs au sein de l’entreprise (DSI, Directions métiers, Direction Juridique, DRH...) sous l’égide de la Direction générale et une analyse des risques auxquels l’entreprise s’expose. La constitution d’une Gestion Electronique des Documents (GED) probante le vaut bien.

Pascal Agosti, Avocat associé, Docteur en droit

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