Plan France Très Haut Débit : un "succès" sans dérive budgétaire, selon France Stratégie
Il aura fallu 35,7 milliards d'euros d'investissements publics et privés pour couvrir 43 millions de locaux sur l'ensemble du territoire. L'évaluation du Plan France THD, réalisée à travers un rapport remis au ministre délégué au Numérique le 11 janvier, dresse un bilan positif du déploiement de la fibre en France. Avec quelques bémols.
Un "succès". C'est, pour résumer, le bilan du Plan France Très haut débit, dressé dans un rapport de France Stratégie remis ce mercredi 11 janvier à Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications. Ce rapport, une mission d'évaluation de politique publique commandée par le gouvernement et la Commission européenne, visait à mesurer l’impact économique du Plan France THD en termes d’investissements, d’emploi et d’attractivité des territoires.
Pour le président du comité d'évaluation Pierre-Jean Benghozi, directeur de recherche au CNRS et professeur à l'École polytechnique, le Plan THD a "permis de répondre aux objectifs qui lui étaient assignés en mettant rapidement un réseau très haut débit à disposition sur l’ensemble du territoire, en en maîtrisant les budgets et les coûts, en s’ajustant aux besoins locaux de chaque territoire. La France est ainsi devenue l’une des meilleures élèves de l’Europe en termes de déploiement de la fibre alors qu’elle était dans les profondeurs du classement il y a une dizaine d’années."
13,3 milliards d'investissement public
Lancé en 2013 et doté d'un budget de 13,3 milliards d'euros d’investissements publics, son objectif était d'apporter une connexion internet supérieure à 30 Mb/s à tous les Français en 2022. À fin 2022, la couverture s'élève à 99% des locaux sur l'ensemble du territoire, avec un mix technologique alliant fibre, ADSL, câble coaxial, satellite et radio.
77,6% de la population française se situait en zone blanche du très haut débit fixe en 2015, ce qui plaçait la France au 26ème rang européen. En 2022, elle est remontée au 12ème rang pour le THD, et dans le peloton de tête européen pour la fibre, souligne le rapport de France Stratégie.
Inégalités des territoires
Le rapport nuance ce bilan en soulignant les inégalités de déploiement selon les territoires. Dans les zones d’intervention privée, 88% des locaux sont éligibles au FTTH "mais les derniers déploiements tardent à être réalisés notamment dans les périphéries de certaines grandes métropoles". Dans les zones d’initiative publique, au 4e trimestre 2021, seuls 60% des locaux étaient raccordés via des technologies filaires, et 51% au FTTH. Le rapport présume qu'au rythme actuel, la généralisation de la fibre devrait être atteinte en 2025 dans les zones d'initiative publique.
Au total, 22,4 milliards d'euros auront été investis dans les zones d’intervention publique pour 18 millions de locaux à couvrir, financés à 42% par des opérateurs d’infrastructures via des partenariats publics-privés.
Deux autres bémols sont signalés. "La relative déception quant à l’appropriation du THD au service de la numérisation des entreprises" ; s’agissant des entreprises, 32% disposaient d’un abonnement au très haut débit fin 2020, et 55% seraient raccordées à la fibre en 2022. Et "la question de la qualité des déploiements et de la maintenance de ces réseaux", remarque Pierre-Jean Benghozi.
La rapidité aux dépens de la qualité
"Il ne faut pas oublier que la contrepartie du succès du PFTHD en termes de couverture a été de donner la priorité à la rapidité des déploiements. Cela s’est notamment traduit par un large recours à l’externalisation d’interventions de terrain, dans un cadre de contrôle initial relativement lâche, conduisant à une multiplicité des intervenants, des opérateurs et sous-traitants agissant dans les différents réseaux d’initiative publique, sans toujours un contrôle suffisant de la qualité des prestations." Une situation bien connue, dont se sont saisis le régulateur et la filière, qui a mis en place un plan qualité dont les bénéfices sont attendus dans les mois à venir. Le rapport insiste que "les financements envisagés pour une maintenance 'courante' n’y suffiront pas".
C'est bien la question de "l'après" qui se pose. À cet égard, le rapport piloté par France Stratégie met en exergue l'une des clés du succès du Plan France THD : sa gouvernance, "assurée de manière partagée entre collectivités locales et services de l’État, et articulée à différentes formes de partenariats privés", qui a rendu possible "une grande flexibilité du dispositif". Pierre-Jean Benghozi recommande ainsi de "conserver et développer les compétences acquises pour anticiper et se projeter dans l’après-déploiement", en favorisant "l’appropriation des réseaux par les usages d’un côté", et en assurant "leur consolidation, leur maintenance et leur résilience d’autre part".