Pour Aston Martin F1 Team, la quête de la pole position passe par l'analyse de données
Depuis ses locaux dernier cri installés sur le circuit de Silverstone dans le Northamptonshire, la marque britannique et équipe de Formule 1 Aston Martin mise sur une toute-puissance technologique capable d’alimenter ses résultats sportifs.
En plein cœur de la campagne anglaise trône fièrement le circuit de Silverstone. Ce sont presque six kilomètres d’asphalte, à environ deux heures de voiture de Londres, travaillés chaque année par des dizaines de courses et des bruits de moteurs incessants. C’est ici, sur la terre d’accueil du Grand Prix automobile de Grande-Bretagne, lequel fait partie depuis 1950 du championnat du monde de Formule 1, que le constructeur britannique Aston Martin a installé ses quartiers.
Ce lundi 29 mai, ses équipes sportives et techniques emménagent dans de nouveaux locaux flambant neufs, pensés pour soutenir les performances des pilotes de l’Aston Martin F1 Team (AMF1). Sur ce site de 37 000 mètres carrés, on trouve des installations à la pointe de la technologie : d’une soufflerie pour tester l’aérodynamisme des Formules 1 à une série d’autoclaves pour porter la fibre de carbone à de très hautes températures, en passant par une salle de contrôle réservée aux ingénieurs qui observent et analysent les courses en direct.
Début 2021, alors qu’elle faisait son grand retour en F1 après 60 ans d’absence, l’écurie Aston Martin s’est fixée l’objectif ultime de remporter un titre de champion du monde dans les cinq ans et compte bien mobiliser tous les leviers à sa disposition pour y parvenir. La marque tant appréciée de James Bond a ainsi fait le choix, cette année, de conserver dans son giron le pilote espagnol Fernando Alonso et son homologue canadien Lance Stroll. Mais, en attestent ses nouvelles infrastructures plus innovantes les unes que les autres, elle compte aussi insister sur une approche plus technologique de la discipline, avec au cœur de sa stratégie l’analyse constante et massive de données.
Des ajustements en pleine course grâce à la data
"Mon travail consiste à faire en sorte que la voiture aille plus vite, et c'est ce que je fais grâce à la technologie", résume Clare Lansley depuis le circuit de Silverstone. L’actuelle chief information officer de l’Aston Martin F1 Team a été recrutée à l’été dernier, après avoir officié chez McLaren et Jaguar Land Rover, dans le but d’incarner un nouvel élan technologique. Elle supervise notamment la gestion des flux de données en temps réel pendant les courses entre le pilote, sa Formule 1 et une équipe d’une soixantaine de techniciens et ingénieurs en coulisses.
Fernando Alonso et Lance Stroll ne sont pas, en effet, les seuls responsables de leurs performances. Lorsqu’ils courent, de week-end en week-end sur les circuits de Monaco, Miami ou Djeddah, les moindres paramètres de leurs voitures (usure des pneus, conditions météorologiques, état des ailerons ou des amortisseurs…) sont extraits par quelques 300 capteurs et disséqués sans attendre sous la forme de données quantitatives. "Nous pouvons ensuite les transmettre directement à notre simulateur, explicite Clare Lansley auprès de L’Usine Digitale. Nos pilotes testeurs sont postés dans le simulateur à tout moment de la course car si les ingénieurs veulent faire une autre simulation, changer tel paramètre, supposer qu'il y a maintenant un vent latéral de X km/h, nous pouvons voir quels seront les paramètres optimaux."
C’est là tout l’objectif de ce passage de données au peigne fin : anticiper la suite de la course et prévoir ou non des changements avant la ligne d’arrivée. Chaque information est donc analysée et interprétée le plus vite possible en salle de contrôle, laquelle communique avec l’ingénieur de piste. Et c’est ce dernier qui a la charge de transmettre des données synthétisées et des conseils aux pilotes par transmission radio.
Un exercice similaire d'analyse de données s’opère aussi dans le cadre de la construction et l’assemblage des 13 000 pièces composant une Formule 1. Selon les résultats des simulations et des courses, celles-ci doivent être remplacées ou améliorées. Leur rythme de production est intense et les allers-retours nombreux entre les salles d’ingénierie, de fabrication et de contrôle. Ce qui oblige les équipes d’Aston Martin à mobiliser d’importantes quantités données, pour toujours rester sur le qui-vive, y compris en dehors des week-ends de compétition "Les règlements de la FIA [Fédération internationale de l’automobile] sont publiés chaque semaine d'un point de vue technique, ce qui permet d’améliorer en permanence la voiture", précise Clare Lansley.
Accélérer le transfert, "un avantage concurrentiel direct"
Afin de subvenir à ses copieux besoins de stockage et de performance des données, l’écurie Aston Martin a fait appel en mars 2021 à la société états-unienne NetApp, dont le logo habille la carrosserie de ses Formules 1. Ce mois-ci, les deux entreprises ont réaffirmé et approfondi leur partenariat, avec pour objectif principal d’optimiser et accélérer l’accès aux données pour les équipes d’AMF1.
La course de vitesse n’a pas seulement lieu sur les plus grands circuits internationaux mais aussi, de manière plus abstraite bien que primordiale, d’un ordinateur à l’autre. Pour Clare Lansley, il est devenu indispensable que ses ingénieurs postés en Angleterre puissent avoir accès aux données en temps réel sur une course à plusieurs milliers de kilomètres : "La deuxième place est pour le premier des perdants et un centième de seconde, c’est souvent la différence avec la première place. Donc, quand on parle de latence, d’un outil qui prend trop de temps à démarrer, d’un blip, ça a un impact direct sur les performances de la voiture."
L’équipe utilise à cet effet plusieurs solutions de NetApp, dont le FlexPod, cette architecture pré-intégrée construite avec Cisco. Lors de chaque course, deux de ces appareils sont amenés sur place en bord de piste et permettent de stocker et relayer d’importantes quantités de données vers les ingénieurs d’Aston Martin. Le tout très rapidement et dans les deux sens, grâce au logiciel SnapMirror également fourni par NetApp. Celui-ci réplique les données à vitesse grand V sans requérir de serveur de réplication externe et permet une communication bien plus rapide entre plusieurs sites, y compris en cas d’imprévu.
Clare Lansley prend l’exemple du dernier Grand Prix d’Australie, pendant lequel les ingénieurs d’AMF1 basés à Silverstone et ceux en déplacement à Melbourne ont eu une fenêtre de tir de deux heures seulement pour valider leurs derniers réglages de course. "Le fait que nous puissions utiliser SnapMirror et réduire de moitié le temps de transfert pour récupérer les données nous a donné un avantage concurrentiel direct, décrit la chief information officer. Nous l'avons appliqué sur la piste où nous avons obtenu une troisième et quatrième place, ce qui est notre meilleure performance cette saison."
La rapidité d’accès à ces données est toujours le maître-mot et AMF1 parle d’une "agilité des données, du bord de piste jusqu’au siège en passant par le cloud". Le constructeur a choisi pour cela un stockage hybride avec, d’un côté un lac de données sous la solution scalable de NetApp Ontap Cluster et, de l’autre un stockage dans le cloud.
Un futur entre sobriété et IA
Depuis le début de la saison compétitive 2023, l’équipe Aston Martin est celle qui a le plus amélioré ses temps (- 2,441 secondes après cinq courses) par rapport à l’an dernier. Des résultats encourageants, que Clare Lansley attribue en partie à l’accent mis sur l’analyse de données. Les mois suivants seront décisifs, assure-t-elle : "Reconnaissons-le, la technologie est endémique dans l'ensemble de l'industrie F1. Il y a tellement de possibilités que nous pouvons exploiter en matière d'efficacité et d'analyse prédictive... Nous en faisons un peu mais nous pouvons toujours en faire plus."
Mais, à force de perfectionner et d’accélérer le traitement de la data, verra-t-on à l’avenir la courbe de progression technologique s’aplanir dans la Formule 1 ? La Fédération internationale de l’automobile, qui régit le championnat du monde, fixe déjà un plafonnement des coûts pour les équipes qui concerne tant la fabrication des voitures, les activités d’ingénierie et les infrastructures informatiques. Dans le cadre de son plan visant à faire de la Formule 1 un sport automobile neutre en carbone d’ici à 2030, la FIA fait savoir que la consommation d’énergie des écuries liée au stockage et au traitement de données pose également question.
Reste donc à déterminer où mettre le plus efficacements ses moyens humains et financiers. "L'une des fonctionnalités que nous avons récemment ajoutées à nos systèmes est la possibilité de consulter la consommation d'énergie en temps réel ainsi que la température du data center, ce qui permet de prendre la décision de la régler", note Matt Watts, chief technology evangelist chez NetApp. Sur sa gestion du stockage, Aston Martin utilise également des solutions optimisables de l’entreprise américaine, activables et désactivables selon les besoins.
Cette quête de ménagement énergétique chez AMF1 s’accompagne toutefois d’un appétit prononcé pour d’autres innovations, lesquelles pourraient aussi être utiles à l’amélioration des performances des pilotes. Lorsqu’on l’interroge sur l’avenir de la Formule 1 et des étapes à suivre pour Aston Martin, Clare Lansley avoue ne pas rester insensible aux récents et médiatiques progrès en matière d’IA. "Il s'agira davantage de ce que nous n'avons jamais fait auparavant, en particulier concernant notre gestion des données. En termes d'analyse, la combinaison avec l'IA sera le prochain changement qui nous donnera un avantage concurrentiel."
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