
Nos relations aux données en général, et à nos données en particulier, ont changé. C’est un euphémisme. Pour cette raison, Evelyn Ruppert , sociologue des datas à l’université de Goldsmiths (Londres) vient de créer "Big Data and Society", un site scientifique interdisciplinaire sur le sujet. Dans un entretien qu’elle a donné au sociologue britannique Mark Carrigan, éditeur de Sociological Imagination, dans The Impact Blog (en anglais) elle explique sa démarche.
Un sujet aujourd'hui traité seulement sous l'angle informatique
"Notre motivation de départ, c’est la façon problématique dont le sujet du big data est aujourd’hui traité par l’économie, l’industrie, les gouvernements et les universités". Pour la chercheuse, la plupart du temps, le sujet n’est vu que sous les angles de l’analyse informatique, du stockage et du traitement des données. Sa publication s’intéressera, elle, de façon critique et avec des méthodes adaptées, aux impacts sociaux, culturels, économiques et politiques du sujet. Sociologie, anthropologie, philosophie devraient être au rendez-vous.
Comprendre les choix qui président à l'utilisation des datas
Ce qui justifie la présence du terme société (society) dans le nom de la publication. Interrogée sur le terme big data, plutôt galvaudé aujourd’hui, Evelyn Ruppert s’explique. "Nous avons choisi cette expression justement parce qu’elle est devenue populaire et très médiatique." De bonnes raisons pour prendre un peu de recul pour de l’analyse.
Sans entrer dans la technique, Evelyn Ruppert veut aussi comprendre en ouvrant ce site les choix qui sont faits par exemple pour générer et configurer les data dans le cadre des pratiques digitales quotidiennes ou ceux qui président à la curation des données, à leur catégorisation, à leur nettoyage, aux façons d’y accéder, à leur analyse et ou à toutes les actions réalisées sur ces données….
Vers une science sociale des données ?
Il est essentiel, selon la chercheuse, d’ouvrir la discussion à des disciplines scientifiques multiples, en particulier en sciences humaines. Et si elle admet que chaque discipline voudra sans doute faire entendre sa voix plus fort que les autres, l’aspect très matériel, très concret, du big data, devrait en faire un sujet naturel de conversation transdiciplinaire. Evelyn Ruppert avertit néanmoins : de la même façon qu’il ne faut pas se contenter d’un regard informatique sur les big data, il n’est pas question de tomber dans les mêmes travers techniques côté sciences humaines.
"Les enjeux du big data ne relèvent pas seulement de nouveaux domaines épistémologiques ou de nouvelles ontologies. Il s’agit de comprendre les conséquences, la façon dont les mondes individuels, de groupe ou sociaux sont construits, triés, connus et gouvernés. […] C’est un engagement beaucoup plus riche que l’on pourrait appeler science sociale des données."
Il est à noter que la publication s’inscrit dans le prolongement du site éponyme de Sage, éditeur de logiciels de big data.
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