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"Pour la viande in vitro, la première difficulté reste l'obtention de l'autorisation Novel Food", d'après Katia Merten-Lentz
"Pour la viande in vitro, la première difficulté reste l'obtention de l'autorisation Novel Food", d'après Katia Merten-Lentz
La mise sur le marché d'un nouvel aliment au sein de l'Union européenne est conditionnée à de nombreuses règles. La viande in vitro n'y échappera pas, et la première start-up qui recevra ce précieux sésame aura un avantage compétitif considérable sur ses concurrentes. Pour comprendre les étapes de cette procédure, L'Usine Digitale a interviewé Katia Merten-Lentz, avocate associée chez Keller and Heckman, spécialiste des questions liées à la législation agricole et alimentaire européenne et nationale.
L'Usine Digitale : Si une entreprise veut commercialiser sa viande artificielle dans l'Union européenne, quelle procédure devra-t-elle respecter ?
Katia Merten-Lentz : C'est le Règlement "Novel Food" qui encadre cette question. Il date de 1997 et avait pour objectif d'uniformiser les règles sur les ingrédients alimentaires connus et consommés à travers l'Europe. En 2018, ce texte a été révisé pour être plus en faveur de l'innovation, afin de soutenir les opérateurs dans leur démarche tout en conservant un équilibre entre innovation et protection du consommateur. La Commission européenne a introduit la notion de "data protection" de cinq ans, qui permet aux opérateurs de garder le monopole de l'autorisation. Il n'y a plus la nécessité de redemander une autorisation tous les ans. La viande artificielle révèle clairement du champ du Règlement "Novel Food".
La mise sur le marché des novel foods repose sur un système d'autorisation préalable avec un examen national par les autorités sanitaires des Etats membres. La demande est déposée par l'industriel auprès d'un Etat membre. Les autres États membres transmettent leurs remarques sous forme d'un rapport d'évaluation secondaire. La Commission européenne prend une décision finale, après avoir éventuellement consulté l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Si cette décision est favorable à la mise sur le marché du novel food, le produit peut être commercialisé sur l'ensemble du marché européen.
Obtenir une autorisation Novel Food est tout à fait possible du moment que le dossier dans son ensemble est solide et cohérent, tant du point de vue scientifique que du point de vue réglementaire, afin de convaincre la Commission européenne et l'EFSA que l'aliment est sans risque pour la santé et non trompeur pour les populations cibles.
Combien de temps prend cette procédure ?
Obtenir une autorisation Novel Food prend environ deux ans depuis l'entrée en vigueur du nouveau règlement, une fois que le dossier est déposé. Par le passé, le délai était beaucoup plus long, au minimum 3 ou 4 ans.
Des start-up ont-elles déjà déposé une demande ?
Rien n'a encore été commercialisé car aucune autorisation Novel Food n'a été obtenue à ce jour. Mais des dossiers sont en cours de préparation. Il y a une quinzaine de sociétés à l'échelle mondiale qui travaillent sur la viande artificielle, en Israël, aux Etats-Unis, en Espagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en France. Aujourd'hui, la difficulté est de passer d'une projection "recherche et développement" à la production de masse. Personne n'a encore passé ce cap. La première difficulté reste l'obtention d'une autorisation Novel Food, mais la notion de production massive pour être rentable sur le marché est évidemment une donne importante.
Le risque est que le premier qui sortira ouvrira la voie…ou la fermera. Mais je reste très optimiste, car la Commission européenne ne cesse de plaider en faveur d'alternatives aux protéines animales.
Est-il plus simple d'obtenir une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis ?
Il est difficile de comparer les deux approches, mais les Etats-Unis sont de plus en plus dans l'esprit européen. En effet, on a longtemps considéré que les Etats-Unis étaient davantage préoccupés par la seule mise sur le marché avec leurs fameuses "class actions" qui pouvaient littéralement mettre à mort une société.
Ainsi, les Etats-Unis ont un système d'auto-autorisation de mise sur le marché appelé "Self grass" qui permet en quelque sorte à un opérateur de faire sa propre évaluation du risque. En Europe cela n'existe pas, et si un aliment est considéré comme "nouveau" au sens de la réglementation, alors une autorisation de mise sur le marché est indispensable sous peine de voir le produit retiré du marché, le tout assorti de solides amendes. Dans l'Union européenne, l'approche est très précautionneuse tout au long de la chaîne alimentaire et il y a ou il y avait, plus exactement, une réelle méfiance à l'égard de l'innovation.
Au-delà de l'aspect "mise sur le marché", la viande artificielle ne pose-t-elle pas également des questions d'appellation ?
Il peut y avoir des problèmes de "labelling", c'est-à-dire d'appellation d'un aliment réellement "nouveau". La Commission européenne est très attentive au risque que le consommateur ne soit pas trompé par des produits qui ressemblent à des aliments qu'il connaît alors qu'ils ne le sont pas réellement.
"Pour la viande in vitro, la première difficulté reste l'obtention de l'autorisation Novel Food", d'après Katia Merten-Lentz
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