Pourquoi (et comment) Amazon cherche à séduire les petits commerçants

Amazon multiplie les initiatives à l’égard des TPE et PME en mettant en avant les bénéfices apportés par sa marketplace. Un enjeu clé à l’heure où les petits commerçants français accusent toujours du retard vis-à-vis de leurs confrères européens et une source de croissance pour l’e-commerçant soucieux de renforcer son offre de produits proposés par des fabricants français. 

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Pourquoi (et comment) Amazon cherche à séduire les petits commerçants

Fin janvier 2019, Amazon a donné le coup d’envoi de la 2e édition de l’Amazon Campus Challenge. Principe du concours : 450 étudiants de Master regroupés en plus de 100 équipes, en partenariat avec autant de TPE et PME, qui lancent et gèrent leurs propres boutiques jusqu’en mai. Si ce challenge offre aux étudiants une chance d’acquérir des compétences en e-commerce, du côté des petites entreprises françaises, c’est une façon de "franchir le cap tout en bénéficiant du savoir-faire d’Amazon en termes de logistique, de vente et de marketing", explique l’e-commerçant.


C’est peu dire que les vendeurs-tiers sont un vrai enjeu pour l’e-commerçant, qui développe via sa marketplace une batterie d’outils pour les aider à se lancer ou à consolider en e-commerce. "La marketplace est au cœur de l’expérience-client proposée par Amazon", annonce Patrick Labarre, directeur de la marketplace d'Amazon France, que l’Usine Digitale a pu rencontrer dans le cadre du Salon des Entrepreneurs le 7 février 2019. Patrick Labarre y intervenait aux côtés de PME témoignant des bénéfices d’une présence sur la marketplace.

Depuis deux ans, Amazon a multiplié à leur intention la création d’espaces thématiques au sein de sa plateforme : un espace pour les jeunes pousses spécialistes des objets connectés, encore un corner virtuel dédié aux objets faits main, baptisé Amazon Handmade et l'an passé une boutique pour les petits producteurs. Une façon d’adresser des espaces plus personnalisés à des professionnels attachés à leur image, et souvent peu au fait de l’offre de services Amazon. "Le passage à l’e-commerce est parfois perçu comme coûteux ou compliqué, poursuit Patrick Labarre. Or, nous avons des outils très simples pour un prix abordable (39 euros mensuels, NDLR) pour les accompagner dans leur volonté de vendre en ligne et à l’international".

Un positionnement de prestataire de services

C'est le cas du service "Expédié par Amazon", qui les aide notamment à développer leur activité en France mais également à l’international en s’appuyant sur les ressources logistiques d’Amazon (stockage, enlèvement, emballage et expédition de leur stock à travers toute l’Europe), ainsi que sur son service clients. Un service qui peut lever une appréhension liée aux problématiques de logistique, amplifiées à l’occasion des temps forts commerciaux. La start-up Dodow par exemple, qui vend des activateurs de sommeil, a utilisé ce service pour l’expédition de ses commandes au Canada et en Australie. Les produits deviennent par ailleurs éligibles au programme Amazon Prime, leur donnant ainsi accès à des millions de clients Amazon.

C'est la notoriété de ce vrai positionnement de prestataire de services que la société américaine cherche à accroître. Parallèlement à une campagne en télévision à l’automne dernier mettant en avant l'un de ses vendeurs, l’e-commerçant est allé à la rencontre des TPE et PME dans le cadre des Amazon Tour, à Paris et dans les grandes villes de province. Objectif de ces tournées : expliquer comment Amazon peut aider les petites et moyennes entreprises à vendre leurs produits en ligne via son interface.


Parmi les exemples cités par l’e-commerçant, Dodow a réalisé en 2018 la moitié de ses ventes en ligne sur les marketplace Amazon, soit 101 742 produits vendus, pour un chiffre d’affaires de 4,3 millions d’euros. Vertbaudet a vendu pour sa part 14 000 références en France, Allemagne, Espagne, Italie et Grande-Bretagne, avec une présence auprès des membres Amazon Prime. "Nous avons renforcé notre présence en Europe en complétant nos propres sites internationaux et nous pouvons via ce canal proposer la livraison en un jour ouvré auprès des clients Prime, alors que nos sites assurent une livraison dans les normes standards de trois jours ouvrés", témoigne Vertbaudet. Pour Amazon, c’est toucher du doigt un rêve que beaucoup de gros e-commerçants rêvent d’atteindre : une offre exhaustive et un nombre de vendeurs dont la croissance est exponentielle.

Retard des PME françaises en e-commerce

Mais le chemin n’est pas simple, même lorsqu’on s’appelle Amazon. Outre un déficit de notoriété sur ses outils, l'entreprise doit faire face à un certain retard des commerçants français en e-commerce. Selon le Conseil National du Numérique, seules 16% des PME et TPE françaises vendaient en ligne en 2015. Un taux qui place l’Hexagone au 13e rang européen. Si la marketplace d’Amazon France revendique 10 000 vendeurs-tiers (le même chiffre qu'en 2014, NDLR), elle est encore loin de sa version allemande qui en dénombre à date 75 000. Même constat sur l’exportation. Selon Deloitte, seuls 8% des entreprises françaises vendent en ligne à des consommateurs dans d’autres pays européens, contre 10% des entreprises allemandes.

Proposer davantage de produits de fabricants français

Le géant américain est confronté à une autre difficulté. Il a été accusé, du fait de règles trop rigides, de déréférencer trop brutalement ses vendeurs. A l’été 2018, Caurette, une maison d'édition alsacienne, a enregistré une chute de son chiffre d’affaires de 20% pendant quatre mois, notamment à l'étranger, du fait de son déréférencement brutal, entraînant une réaction officielle de Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État au Numérique, qui a appelé en novembre 2018 les professionnels français qui rencontraient des difficultés avec Amazon à le signaler au gouvernement. "C’est une bonne chose, analyse Stéphane Jauffret, président et cofondateur de SellerMania, une société qui accompagne les PME et les marques sur les marketplaces, et premier directeur de la marketplace, lancée en 2003. D’un côté, Amazon privilégie la satisfaction des clients, et se montre donc très exigeant avec ses vendeurs qui doivent respecter les règles du jeu. De l’autre côté, certains commerçants réalisent l’intégralité de leur chiffre d’affaires sur Amazon, et peuvent se retrouver dans une situation délicate. Un gendarme est donc nécessaire". L'Union européenne cherche elle aussi à réguler les relations entre les plateformes et leurs vendeurs et planche sur une réglementation qui pourrait être adoptée dans les prochains mois. De son côté, Patrick Labarre précise : "Le commerçant garde la main sur ses produits, ses prix et son stock. Nous veillons de notre côté à ce qu’il respecte ses engagements en matière de qualité de produits et de délais de livraison".

Une certitude : Amazon multiplie depuis les gestes à l’égard des petits commerçants français, consciente de la nécessité d’établir des rapports de confiance avec cette typologie d’acteurs... mais aussi pour pouvoir proposer à ses clients des produits de fabricants français, à l’heure où les produits chinois arrivent en nombre et peuvent poser question en termes de réglementation et de qualité. "Amazon sait que la qualité et la durabilité des produits sont aujourd’hui de vraies demandes des consommateurs", ajoute Stéphane Jauffret. Une stratégie qui lui permet également d'attirer une clientèle chinoise avide de produits français et d’aller attaquer Alibaba et JD.com qui mettent les moyens nécessaires pour se développer en France.

Pour conquérir encore plus de professionnels, la plateforme va élargir son offre et vise désormais à faciliter les ventes de produits lourds et encombrants. "Certaines sociétés ont peur d'y aller car elles craignent qu’Amazon ne soit pas adapté, conclut Stéphane Jauffret. Il existe cependant des solutions et une réelle opportunité d’y être parmi les premiers vendeurs".

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