Pourquoi le Cloud a besoin d'une fiscalité spécifique
Il ne faut pas réguler le secteur numérique, car il n'existe pas, avance une note du centre d'analyse économique.
Pour autant le Cloud aurait bien besoin d'une fiscalité propre, expliquent Jean-Pierre Lieb et Eric Verron, associés, EY Société d’Avocats.
En effet, avec cette technologique de rupture, la localisation de l’outil productif est décorrélée de la source de revenu.
Cela rendant l’activité éminemment complexe à analyser d’un point de vue fiscal.
Outil de rupture technologique bien souvent source d’avantage compétitif, le cloud s’est progressivement généralisé dans les activités économiques. Or ses caractéristiques techniques, ainsi que les nouveaux modèles d’entreprise qui lui sont associés le portent à être intrinsèquement transnational. Une réalité particulièrement complexe pour les services fiscaux étatiques.
Des modèles économiques de rupture
La principale rupture induite par le cloud computing ("informatique en nuage" en français) consiste à donner la capacité d’accéder à un contenu dématérialisé (données, logiciels) depuis n’importe quel appareil connecté à Internet, quel que soit son volume de stockage. Ce service est rendu possible par la mise en réseaux de serveurs, de prestataires et de clients dont les localisations sont aussi variées que les zones du monde actuellement connectées à Internet.
La localisation de l’outil productif décorrélée de la source de revenu
Or si cet espace commun fait partie de ceux qui connaissent l’un des plus forts développements économiques, il regroupe également un ensemble de territoires où les règles fiscales en vigueur sont extrêmement hétérogènes. Quel que soit le service distribué sur le cloud – logiciel ("SaaS", Software as a Service), plateforme permettant au client de déployer des logiciels ("Paas", Plateform as a Service), infrastructure de stockage de données ("IaaS", Infrastructure as a Service), location et vente de contenus dématérialisés – la localisation de l’outil productif est décorrélée de la source de revenu, rendant l’activité éminemment complexe à analyser d’un point de vue fiscal.
Une fiscalité liée à la présence humaine...
Les règles fiscales n’ont pas suivi ces évolutions et n’apportent pas à ce jour de réponse satisfaisante, tant sur la qualification du revenu, que sur la détermination de la source de celui-ci. En droit fiscal français par exemple, la localisation du serveur sur le territoire n’est susceptible d’entraîner la reconnaissance d’un établissement stable du prestataire, et par conséquent la soumission des revenus à l’impôt sur les sociétés en France, qu’à la condition d’avoir une intervention humaine sur le territoire (Rép. de Chazeaux : AN 26-10-1998, p. 5849 et Rép. De Chazeaux : AN 30-7-2001 p.4395).
...À CE JOUR NON ADAPTÉE À L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
Dans le cas contraire, l’activité ne présentera qu’un caractère préparatoire ou auxiliaire, échappant ainsi à toute imposition. La seule exception à la présence humaine ne vaut que lorsque les fonctions typiques liées à une vente sont effectuées de manière complètement automatique par l’équipement informatique en cause. Ainsi les règles actuelles ne permettent que de manière très restreinte de prendre en compte la présence d’un cloud sur le territoire et par conséquent d’attraire, à des fins de taxation, les profits induits par cette activité dématérialisée. Pareillement, la valeur générée par les ventes ou les prestations de services réalisées sur un territoire donné ne peuvent être prises en compte dès lors que ni le prestataire ni le cloud n’a de présence physique sur ce territoire.
Sans parler de l'absence d'harmonisation
C’est pourquoi le cloud nécessite une approche fiscale spécifique, et ce à l’échelle internationale pour tenir compte du flux globalisé des transactions qui y est généré. Ce hiatus entre développement de nouveaux modèles économiques et inadaptation des règles fiscales est d’autant plus patent à l’échelle internationale, car les Etats adoptent des stratégies fiscales différentes. Cette absence d’harmonisation se révèle être un véritable défi que le programme BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), lancé en 2013 par l’OCDE a l’ambition de relever.
Jean-Pierre Lieb et Eric Verron, associés, EY Société d’Avocats
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