Pourquoi le cloud oblige l'OCDE à revisiter le concept de territorialité

L’avènement du cloud computing dans les modèles économiques initiés par les Gafa a achevé d’éprouver les limites des règles fiscales de territorialité appliquées par les Etats afin de répartir et imposer les profits taxables des multinationales.

Mais la réunion des pays de l’OCDE autour du projet BEPS pourrait bien changer la donne et imposer une nouvelle vision de la fiscalité appliquée aux transactions internationales, anticipent Jean-Pierre Lieb et Eric Verron, Associés, EY Société d’Avocats.

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Pourquoi le cloud oblige l'OCDE à revisiter le concept de territorialité

L’utilisation du cloud computing dans les nouveaux modèles de développement commercial a ébranlé l’édifice fiscal dont les règles de territorialité sont assises, depuis la première partie du XXe siècle, sur la localisation physique des agents économiques et du profit réalisé. Le cloud implique en effet que les produits ou les services vendus puissent être stockés dans un serveur situé sur un territoire différent de celui du vendeur (ou de l’intermédiaire) ou encore, et bien souvent, de celui du consommateur.

La territorialité, un concept malmené

Le serveur d’où partent les services et les produits vendus peut donc être situé partout dans le monde, voire à plusieurs endroits simultanément. Ce "transit" de la vente ou de la prestation de service via le cloud dématérialise les flux liés à l’activité économique, cassant la grille de lecture traditionnellement usitée dans cette matière. Le concept de territorialité actuellement appliqué en matière d’impôt échoue à tenir compte des nouvelles réalités économiques.

Une prise de conscience internationale

Lancé en 2013 par l’OCDE et approuvé par les ministres des finances du G20 et les gouverneurs des banques centrales, le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) a pour vocation de trouver de nouvelles approches ainsi que des solutions communes pour lutter contre l’érosion de la base taxable des Etats induite par les nouveaux modèles économiques et contrer le transfert de bénéfices vers des pays à fiscalité plus avantageuse. Cette initiative traduit une prise de conscience commune de la part des acteurs institutionnels, ainsi que leur intérêt grandissant pour les produits générés par le cloud et l’économie digitale.

les solutions de l'OCDE

Il est emblématique que la première action de ce projet intitulée "Relever les défis fiscaux de l’économie numérique" aborde plus particulièrement les questions liées à l’utilisation du cloud. A cet égard, les solutions proposées par l’OCDE s’attachent à mieux préciser, voire redéfinir le concept de territorialité : il est ainsi envisagé de modifier la définition de la présence taxable, ("établissement stable") en introduisant un nouveau lien reposant sur la "présence significative" d’une entreprise dans un Etat, dans les cas suivants :

- lorsque l’entreprise conclut un contrat avec un prestataire dont les éléments essentiels sont négociés en son nom ;

- lorsque ces contrats conduisent à un transfert de propriété ;

- lorsqu’ils conduisent à la fourniture de services par l’entreprise.

Il est en outre envisagé d’opter pour une retenue à la source directement appliquée aux ventes de produits et de services numériques, ceci afin que ces activités puissent faire l’objet d’un traitement fiscal adapté.

l'établissement stable en question

Enfin, dans le cadre de l’action 7 : "Empêcher l’évitement artificiel du statut d’établissement", le rapport examine la possibilité de refuser que les activités présentant un caractère préparatoire ou auxiliaire puissent prétendre aux exceptions du statut d’établissement stable, au motif qu’elles constituent des composantes essentielles d’une activité (Rapport de l’Action 1, page 171 & 172). On trouve parmi les exceptions remises en cause, les bureaux d’achat et les installations aux fins de collectes d’informations.

Ces évolutions, qui pourraient sembler de prime abord modestes, sont en réalité absolument structurantes pour un des concepts clés de la fiscalité des activités et des transactions internationales. Rupture technologique, puis économique, le cloud pourrait également faire bouger les lignes, en introduisant de nouveaux concepts à même de s’étendre à d’autres champs de la fiscalité.

Par Jean-Pierre Lieb et Eric Verron, associés, EY Société d’Avocats

Les avis d'experts et points de vue sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs et n’engagent en rien la rédaction.

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