Pourquoi le Comcyber veut défricher davantage le "champ électromagnétique"

Déjà engagé dans le cyberespace et la lutte informationnelle, le nouveau patron du Comcyber a mis l’accent, pour sa première prise de parole publique, sur l’extension de ses ses actions dans le champ électromagnétique, domaine de la guerre électronique.

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Pourquoi le Comcyber veut défricher davantage le

Nouveau patron, nouvelle feuille de route. Nommé depuis le 1er septembre à la tête du commandement de la cyberdéfense française, le général Aymeric Bonnemaison vient d’esquisser succinctement son projet pour les cyber troupes à travers une première prise de parole publique.

A l’occasion d’une prise d’armes à Rennes, à la mi-septembre, il a ainsi appelé à "encore étendre nos actions dans le champ électromagnétique", faisant ainsi référence au monde des ondes radio et de la guerre électronique. Une posture justifiée par les menaces "hybrides" qui "combinent des actions dans le domaine cinétique comme dans les champs immatériels", précise dans son compte-rendu le commandement de la cyberdéfense.

La conséquence de la numérisation des armées

Cette référence à la guerre électronique "est la conséquence de la numérisation des armées", analyse Elie Tenenbaum, le directeur du Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales. Que ce soit à cause de l’internet mobile ou de la 5G, la distinction entre guerre électronique et lutte informatique semble en effet avoir de moins en moins de sens.

La première renvoie aux opérations de contrôle du champ électromagnétique, par exemple en faisant des opérations de brouillage radio ou les interceptant, tandis que la seconde fait référence aux intrusions informatiques. Mais ces deux mondes se rapprochent. “Théoriquement, il est possible aujourd’hui d’insérer du code malveillant avec des signaux électromagnétiques”, signale par exemple Elie Tenenbaum.

"Le champ électromagnétique devient une porte d’entrée pour des opérations de piratage, et vice-versa, résume ce chercheur. Avec l’explosion de la connectivité militaire, incarnée par exemple par le programme Scorpion de l’Armée de terre, cela démultiplie les possibilités ou les vulnérabilités, suivant que l’on se place du côté de la défense ou de l’attaque."

Extension du domaine de la lutte

Comme son nom l’indique, le Comcyber, créé en 2017, est d’abord chargé de conduire des opérations militaires dans le cyberespace. Soit en résumé "l’espace d’information généré par l’interconnexion globale des systèmes d’information", explique par exemple la chercheuse Frédérick Douzet. Concrètement, les cyber-militaires sont chargés d’opérations de cyberdéfense mais aussi d’attaque, un engagement qui a été théorisé dans deux doctrines.

Outre ce milieu cyber, la cyberdéfense française a également présenté il y un an une nouvelle doctrine en matière de lutte informatique d’influence. "La guerre de l’information au sein du cyberespace fait dorénavant partie intégrante de toute stratégie militaire," expliquait alors le chef d’état-major des armées.

Après s’être structuré sur le milieu cyber et le champ informationnel, le Comcyber semble donc vouloir renforcer ses actions en mettant davantage le cap sur le champ électromagnétique. Une posture qui sera peut-être formalisée à travers la publication d’une quatrième doctrine.

Une réflexion ancienne

Cette convergence entre guerre électronique et cyber était déjà présentée il y a huit dans par le nouveau patron du Comcyber dans un ouvrage, "Attention : Cyber ! Vers le combat cyber-électronique". La réflexion n’est donc pas nouvelle. "L’intégration entre différents milieux, c’est l’un des importants sujets de préoccupation du moment," relève le maître de recherche Philippe Gros.

Ce mouvement “a déjà été acté chez les Américains” ou encore par la Chine, note ce chercheur de la Fondation pour la recherche stratégique, auteur d’une récente étude sur ce sujet. Mais ajoute-t-il, "il y a encore énormément de défis à surmonter pour faire travailler ensemble le cyber et la guerre électronique", qu’il compare "au mariage de la carpe et du lapin". Ainsi, il est plus simple de détecter ou brouiller des communications plutôt que de lancer une attaque informatique sophistiquée contre le réseau de transmission.

Une opération qui demanderait alors un important travail de planification. "Fabriquer une arme cyber, c’est comme préparer un missile de croisière dédié à une seule attaque. Il sera donc difficile de synchroniser ce type d’action avec les opérations électromagnétiques sur le champ de bataille, conclut Philippe Gros. Ce ne sont pas des instruments utilisés selon la même temporalité et la nature de leurs effets est différente."

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