Publicité en ligne : les engagements de Meta validés par l'Autorité de la concurrence
L'Autorité de la concurrence a validé les engagements de Meta dans le secteur de la publicité en ligne non liée aux recherches. L'entreprise américaine répond ainsi aux préoccupations formulées par Criteo, qui s'était fait évincer de certains programmes de mesure des campagnes publicitaires sur les différents réseaux sociaux du groupe.
Les engagements présentés par Meta visant à rétablir la concurrence sur le marché de la publicité en ligne non liée aux recherches ont été validés par l'Autorité de la concurrence. "C'est la première fois qu'une autorité de la concurrence dans le monde accepte des engagements de la part de la Meta dans le cadre d'une procédure antitrust", a déclaré Benoît Cœuré, le président de l'institution, lors d'une conférence de presse ce 16 juin.
Une saisine initiée par Criteo
C'est Criteo, le spécialiste français du reciblage publicitaire, qui avait saisi l'Autorité de la concurrence en septembre 2019. Il estimait que Meta avait abusé de sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne. Plusieurs pratiques étaient montrées du doigt. En 2018, l'entreprise américaine avait retiré la mise à disposition à Criteo d'API lui permettant d'améliorer les enchères et le suivi des performances de ses campagnes publicitaires.
En parallèle, Criteo s'était vu retirer son statut de partenaire "Facebook Marketing Partner", désormais appelé "Meta Business Partner" (MPB). Ce partenariat permet aux acteurs d'améliorer la qualité de leurs prestations, d'accéder plus facilement aux API et d'améliorer leur réputation auprès de leurs clients. En d'autres termes, il s'agit d'un "label de qualité" permettant à l'entreprise concernée de bénéficier de la confiance de l'écosystème, a résumé Henri Piffaut, vice-président de l'Autorité de la concurrence.
Les craintes formulées par Criteo ont été confirmées par l'Autorité. Lors de son instruction, elle a décelé un certain nombre de pratiques susceptibles d'affecter les conditions de la concurrence, d'une part entre les différents prestataires de services d'intermédiation publicitaire, et d'autre part entre Criteo et Meta.
Meta, au coeur de la publicité en ligne
Ces préoccupations s'expliquent par le fait que Meta a acquis une place centrale sur le marché de la publicité en ligne non liée aux recherches à travers Instagram, Facebook et Messenger. Il propose une gamme de produits et de services aux internautes, aux annonceurs et aux développeurs. Il tire la majorité de ses revenus de la vente de son inventaire publicitaire – l'ensemble des espaces publicitaires disponibles à la vente – aux annonceurs et, dans une moindre mesure, de la vente des inventaires d'éditeurs tiers utilisant le service Meta Audience Networks (MAN).
Les chiffres sont assez éloquents : la part de marché de Meta sur le marché français de la publicité en ligne non liée aux recherches était de 49% en 2018 et de 50% en 2019. Sur le marché de la publicité en ligne sur les réseaux sociaux, elle était d'environ 90% en 2019 et de 75% en intégrant YouTube dans ce marché.
trois engagements
C'est ainsi que pour répondre à ces préoccupations, Meta a pris trois engagements. Le premier concerne les conditions d'accès au programme de partenariat "Meta Business Partner". Pendant cinq ans, il s'engage à proposer l'accès au MBP, en le soumettant exclusivement à "un critère qualitatif" lié "au niveau des dépenses générées sur les API publicitaires au niveau d'une campagne publicitaire". Il a également décidé de réintégrer automatiquement les prestataires qui ont pu, par le passé, utiliser l'API, tel que Criteo.
Le second vise à dispenser aux équipes commerciales de Meta "une formation de conformité" qui portera sur le contenu des communications de ces équipes, en particulier vis-à-vis des clients annonceurs. Cet engagement court pour une durée de 5 ans. En effet, l'Autorité de la concurrence avait estimé que ces équipes avaient adopté dès 2017 "des comportements susceptibles de constituer des pratiques de dénigrement à l'égard de Criteo". Ils ont contribué à l'évincer du programme MBP.
Enfin, Meta s'engage à développer une nouvelle API à destination des partenaires de services publicitaires, dénommée "fonctionnalité de recommandation", pendant trois ans. Elle sera mise à disposition à titre gratuit et permettra aux entreprises éligibles de transmettre des requêtes individualisées pour des recommandations de produits sur les réseaux sociaux contrôlés par Meta ou de transmettre des ajustements d'enchères individualisés.
Un mandataire pour vérifier la bonne exécution des engagements
Pour vérifier le bon respect de ces engagements, un mandataire va être désigné par Meta. Celui-ci sera indépendant mais rémunéré par l'entreprise américaine. Il aura accès à toute information nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès qu'il en fera la demande. Il est également investi d'un droit d'alerte en vertu duquel il pourra adresser des observations à Meta.
Ces trois engagements concernent tous les prestataires de services publicitaires qui, au cours d'une période de 124 jours, ont participé à au moins une campagne publicitaire visant notamment des utilisateurs des services de Meta localisés en France. Toutefois, dès lors qu'une entreprise entre dans leur champ d'application et satisfait aux conditions prévues dans les engagements, elle peut bénéficier des avantages du programme MBP et utiliser "la fonctionnalité de recommandation" pour l'intégralité de ses campagnes publicitaires, sans restriction géographique.
Pourquoi ne pas avoir imposé d'amende à Meta étant donné l'impact potentiellement gigantesque qu'a pu avoir son comportement, peut-on se demander. Il a fallu faire un choix entre une procédure contradictoire beaucoup plus longue et "essayer de restaurer le plus vite possible les conditions de la concurrence", explique Henri Piffaut. La rapidité a été un critère important puisque le marché concerné "migre très vite et est caractérisé par des effets de réseaux".
Plus globalement, l'Autorité veut faire passer un message à toutes les grandes plateformes – les "gatekeepers" comme les appelle l'Union européenne – qui font de l'intégration verticale le coeur de leur stratégie de développement. "Elles peuvent étendre un écosystème mais sans évincer des concurrents, a conclu le vice-président. Ce comportement ne doit jamais aboutir à des exclusions."
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