Quand l'ESCP Europe ubérise l'enseignement à la grand-papa

A l'ESCP s'est tenu le festival de l'entrepreneurship. Pendant une grosse demi-journée, les étudiants ont proposé des animations autour de nouveaux business model. 

Dans une ambiance très énergisante, plusieurs équipes ont peaufiné une mise en scène de leurs projets d'entrepreneuriat. 

C'est la deuxième des trois étapes de leur cursus de formation, qui allie nouvelles méthodes pédagogiques et ouvertures sur l'extérieur.

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Quand l'ESCP Europe ubérise l'enseignement à la grand-papa
Une imprimante 3D peut-elle réinventer le business model de l'industrie du luxe ? Vous avez 3 heures...

Mercredi 19 octobre 2016, une fois entré dans les locaux de l’ESCP Europe à Paris, l’ambiance n'est pas forcément celle qu’on imagine dans une école de commerce classée sur le podium des meilleures écoles françaises. Ce n’est pas tant le food truck qui vend des pizzas à l’entrée qui étonne. Entre la foire exposition et la kermesse, des stands sont disposés un peu partout dans les locaux à l’occasion de l’entrepreneurship festival, dont c’était la huitième édition. Commencé à 9 heures le matin, le happening devait se terminer vers 23 heures et a vraisemblablement débordé un peu, tant l’énergie déployée semblait difficile à arrêter.

Cette manifestation symbolise la démarche originale déployée par l’école de commerce pour les étudiants qui ont fait le choix de suivre le certificat Entrepreneuriat en dernière année. A la manœuvre, notamment, Sylvain Bureau, normalien et docteur en économie made in Ecole Polytechnique, qui explique : "Les écoles de commerce ont été pensées pour former de futurs cadres dirigeants dans les grandes firmes internationales. Il faut adapter leur modèle à l’entrepreneuriat".

Nouvelle pédagogie pour nouvelle posture

Mais alors quel est le lien entre ce renouveau pédagogique et ce hall où un groupe d’étudiants s’affaire autour d’une planche et deux tréteaux recouverts de plusieurs centaines de souliers féminins nichés à proximité de lunettes de soleil et d’une imprimante 3D. Fabio, étudiant de l’ESCP en entrepreneuriat et participant à cette journée, résume la démarche de son équipe (ils sont quatre, lui compris). "Nous travaillons sur la thématique fablab et production locale, que nous voudrions appliquer au monde de la mode. Aujourd’hui, nous espérons créer un début de réseau sur ces thèmes", explique-t-il. En attendant, les premiers essais de l’imprimante 3D débutent. D’ici quelques minutes, des montures de lunettes en 3D seront produites, assure Fabio. De quoi révolutionner le monde de la mode;

Un peu plus loin, c’est un amoncellement de palettes qui voisine avec une flopée de flacons et des semis. Voici l’atelier "alimentation durable ou comment renouer avec la nature", nous précise une jeune fille entourée d’un quator d’étudiantes et étudiants. "Les thèmes de la quinzaine de stands présents sont reliés aux tendances de la société du moment", précise Sylvain Bureau.

Laurent Qy ESCP Europe

Bienvenue dans le monde des entrepreneurs qui, rappelle Sylvain Bureau, "ont des projets qui ont un impact sur le réel, avec la volonté de le changer". Pour lui, parler d’entreprenariat social est un quasi pléonasme. "Les grands enjeux entrepreneuriaux ont toujours des enjeux hors business. Quand on crée AirBnb, Uber ou Facebook, on a un impact sur toute la société. C’est vrai pour toutes les entreprises", explique Sylvain Bureau. Pour lui, un entrepreneur veut toujours changer le monde, une vision que n’aurait sûrement pas reniée Peter Drucker (le chantre de l’entrepreneuriat venu des business school américaines) ou l’économiste autrichien Schumpeter qui n’a pas seulement écrit un jour l’expression "destruction créatrice" mais aussi des pages capitales sur le rôle de l’entrepreneur dans les économies capitalistes. Mais ceci est une autre histoire.

Le greenwashing transformé en oeuvre d'art

Retournons à l’Avenue de la République et à ses étudiants disruptifs. Pour les former à leur métier, des cours sont bien dispensés mais la moitié d’entre-eux ne portent pas sur des matières liés au "business". Sylvain Bureau en est convaincu : on devient autant sinon plus entrepreneur en lisant Peter Drucker justement qu’en visitant un atelier d’artiste ou une exposition. Alors plutôt que de multiplier épreuves de contrôle continu et examens terminaux assortis éventuellement d’un mémoire, la pédagogie du certificat commence avec l’élaboration d’une œuvre d’art. Les étudiants ont quelques jours pour réaliser une opération originale.

Le sous-texte est clair : créer une entreprise, c’est comme créer une œuvre d’art, réaliser quelque chose d’inédit à partir de rien, s’inspirer de ce qui existe déjà pour trouver la voie de sa singularité. Sur le stand "Alimentation durable", les étudiants sortent leur ordinateur pour montrer le film très amusant qu’ils ont réalisé à cette occasion. Une fausse publicité pour un "biomisateur". Reprenant tous les codes de la publicité qu’ils détournent joyeusement, ils ont inventé une sorte de de bombe aérosol dont le contenu magique transforme en produit bio les pires avatars chimiques, jusqu’aux pollueurs professionnels.

Mais il ne s’agit pas seulement de rire. Aujourd’hui, l’équipe compte rapprocher l’alimentation durable des étudiants, en proposant notamment de construire le potager de l’ESCP Europe, sur les fameuses palettes. Pour ce stand, l’équipe a fait travailler l’économie circulaire, récupérant ici ou là, mais aussi en finissant quelques achats (le minimum assurent-ils). Ils ont aussi noué des partenariats avec Leroy Merlin, Optimiam, une appli anti gâchis alimentaire, ou l’association les retoqués. "La capacité de trouver des partenaires fait partie des critères d’évaluation", précise Sylvain Bureau. Parmi les autres critères figurent aussi l’implication des équipes, et prise de risque oblige, la capacité à rebondir en cas d’échec. "Certaines équipes s’effondreront peut être, mais peu importe, ce qui compte pour nous c’est ce qu’ils en tirent comme leçon", poursuit Sylvain Bureau.

Transformer la blockchain en service concret

On n’en est pas là. A quelques pas, une autre équipe est à fond sur la blockchain. "Ce qui nous a frappés, explique Soukaina qui fait partie de l’équipe, c’est que parmi les étudiants autour de nous, tous n’étaient pas forcément intéressés ou au courant. Alors nous avons voulu créer une idée de business qui leur serve dans leur vie quotidienne." Sur un parcours en cinq étapes, où on trouve aussi bien de la vaisselle que des enveloppes kraft ou un jeu de cartes créé pour la journée, l’équipe a développé des services spécifiques. Par exemple, après une identification via la technologie blockchain, ils proposent une sorte de dossier en ligne pour étudiants recherchant appartement. En trois clics, la démonstration est concluante. A côté, on explique comment assurer son ordinateur de la même façon. Soukaina est impatiente d'avoir les réactions des vistieurs, pour adapter le produit et aller encore plus loin dans la démarche.

L’idée d’entreprise n’est pas encore mûre mais là n’est pas l’important. Les étudiants ont quelques semaines pour peaufiner leur projet. Interrogés sur cette formation, une des étudiantes s’enthousiasme : "cela n’a rien à voir avec ce qu’on a fait avant. C’est un super format où on garde une grande autonomie." Créera-t-elle son entreprise dans la foulée. Elle n’en est pas sûre : "ça dépendra des opportunités qu’on me proposera mais, assure-t-elle, les outils reçus nous serviront plus tard. J’en suis certaine". Y compris ce qui est attendu de la troisième partie de ce parcours initiatique : les étudiants doivent présenter un prototype et un business model. Des compétences qui intéresseront leurs futurs emplois, quels qu’ils soient.

Laurent Qy ESCP Europe

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