
De la Silicon Valley à l'IOT Valley de Toulouse, il n'y a qu'un pas, que Luc Julia, brillante tête pensante de l'innovation chez Samsung, a franchi ce 24 septembre. L'un des pères de Siri, le système de synthèse vocale d'Apple, passé chez Samsung, n'est pas vraiment du genre à se livrer en public. D'habitude, l'homme ne répond pas aux journalistes et préfère les discussions à bâtons rompus avec ses pairs. C'est d'ailleurs ce genre d'échange qui lui a donné envie de rester dans la Silicon Valley, le premier jour où il y a mis les pieds, confie-t-il face au public passionné du "Roof" de l'IOT Valley.
L'esprit de la Valley
"La Valley, ça n'a jamais été mon rêve. A cinq ans, je voulais être chercheur au CNRS !, explique-t-il. Les Etats-Unis, a priori ce n'était pas mon truc. J'ai fait une halte au MIT à Boston, plus tard à Standford. Et puis un jour, dans la Valley, l'un de mes collègues de labo m'a dit : il faut que tu ailles au Bay CHI (Computer human interaction) chaque premier mardi du mois au Xerox Park. J'arrive là-bas, un peu avec la chair de poule : Xerox Park, pour un informaticien, c'est l'endroit où tout a commencé.
Et là je vois face à moi tous les gars référencés dans ma thèse: des gens de HP, Xerox, IBM... C'étaient mes héros, et les poils ont continué à se hérisser. Mais le moment où j'ai vraiment saisi ce qu'était la Silicon Valley, c'est quand la discussion a débuté. J'ai immédiatement compris que je n'allais jamais partir.
Tous étaient là pour faire avancer les choses, partager leurs idées. Ce qui est bien dans l'émulation, c'est de pouvoir discuter avec des savants qui sont au moins aussi forts que vous, et faire avancer les idées de manière incroyable juste en phosphorant à plusieurs. Les gars n'hésitaient pas à lancer des idées nouvelles, à la marge, comme des gamins de 50 ans. Voir ces gens, mes héros, discuter de façon complètement débridée, cela m'a marqué. C'est tout l'esprit de la Valley résumé."
La période Siri : bons et mauvais souvenirs
Quels souvenirs garde-t-il Luc Jullia de l'aventure Siri chez Apple ? Le plus mauvais est assez savoureux : "C'est le jour où Tim Cook, le CEO d'Apple, a débarqué dans mon bureau pas très content, me montrant un tweet. Le message contenait une capture d'écran de Siri qui répondait à la question 'quel est le meilleur smartphone ?' Le système répondait : 'le Nokia Lumia 900' ! Alors évidemment, j'ai répondu que je n'étais pas Siri, et que je n'étais pas au courant. Il s'avère, après enquête, que la 'faille' venait de notre fournisseur 'Wolfram Alpha', qui apportait le contenu pour les questions hors-Wikipedia. J'ai pris une grosse soufflée, non seulement par Tim Cook, mais aussi par Phil Schiller, en charge du marketing. Ce jour-là, ils me haïssaient !"
Et le meilleur souvenir ? "Quand on fait de la technologie, une start-up, le but est d'améliorer la vie des gens. Ultimement, même de sauver une vie. Ça peut paraître absurde mais c'est comme ça. Et avec Siri, on l'a fait ! Un jour, un type qui réparait sa voiture dans le Tennessee s'est retrouvé coincé sous 5 tonnes de ferraille. Il était là, seul, pris au piège, avant de se rappeler qu'il avait son iPhone dans sa poche arrière gauche. Il a réussi à déclencher Siri et à dire 'call 911'. Vingt minutes après, les secours sont arrivés, et c'est ce qui l'a sauvé."
Apple / Samsung, quelles différences ?
La culture Apple ne lui manque-t-elle pas ? "Le Samsung d'avant et Apple étaient semblables, juge Luc Julia. Apple était un peu le mouton noir de la Silicon Valley, pas vraiment intégré, avec une culture du secret et non du partage. Cela ne correspond pas forcément à ma définition de l'innovation. Pour moi l'innovation c'est l'échange, ça ne peut pas être secret. Jusqu'à récemment, c'était pareil chez Samsung mais depuis trois ans, nous sommes en train de changer. Au lieu d'avoir cette culture du secret, sans collaborer avec l'extérieur, j'essaie d'insuffler cet esprit de la Valley dans ce géant."
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