Quantic Dream fait condamner pour vol l'un des anciens salariés visé par des photomontages douteux
Le tribunal a toutefois fait un tri dans les accusations de l’entreprise, largement déboutée dans le calcul de son préjudice.
Nouvel épisode dans l’affaire des photomontages douteux de Quantic Dream. Ce lundi 5 décembre, le studio de jeux vidéo vient en effet d’obtenir devant le tribunal judiciaire de Paris la condamnation d’un de ses anciens salariés. Poursuivi pour vol et piratage informatique, l’ancien chef du service informatique était parti de l’entreprise en 2017 après avoir été victime d’un de ces photomontages.
Qualifiés d’épiphénomène par la direction en réponse aux interrogations de trois médias, Le Monde, Mediapart et Canard PC, ces photomontages, notait le quotidien du soir, étaient au contraire pour d’autres la manifestation d’une culture d’entreprise dysfonctionnelle et toxique. Le conseil des prud’hommes de Paris avait également souligné en novembre 2019 leur caractère "homophobe, misogyne, raciste ou encore profondément vulgaire".
Seules quelques accusations retenues
Si le procès, qui témoigne des relations fraîches existant entre le studio de jeux vidéo et certains de ses anciens salariés, a tranché dans le sens de Quantic Dream, il ne s’agit toutefois que d’une demi-victoire pénale pour l’éditeur racheté par le géant chinois NetEase à la fin de l’été. Certes, l’ancien chef du service informatique a été condamné à une amende de 4000 euros, dont 2500 euros avec sursis pour le vol de données internes. Mais il a également été relaxé dans le même temps d’une bonne partie des accusations de piratage informatique.
De même, les indemnités obtenues par l’éditeur de jeux vidéo ont été drastiquement revues à la baisse: 2000 euros pour son préjudice moral, soit dix fois moins que demandé aux juges. Et le studio, qui demandait 35 000 euros pour son préjudice matériel, a été débouté sur ce plan, les magistrats estimant que le vol de données n’avait pas causé de préjudice.
Jugement "équilibré"
A l’audience, le 20 octobre, le président du tribunal correctionnel, qui a qualifié “d’équilibré” le jugement rendu, s’était d’ailleurs étonné de certaines des affirmations des avocats du studio de jeux vidéo. Ces derniers assuraient ainsi qu’un logiciel propriétaire, ayant coûté plusieurs millions d’euros de développement, faisait partie du lot de 20 gigaoctets de fichiers volés et copiés sur un serveur du nouvel employeur du mis en cause.
"Vous avez un expert qui soutient cela ?", avait demandé, sceptique, le magistrat à Quantic Dream. "La brigade d'enquêtes sur les fraudes aux technologies de l'information dit qu’il n’y a rien de sensible dans ces données, qu’il ne s’agit que d’un ensemble de processus pour la gestion des habilitations", s’étonnait le juge.
A la barre, l’ancien salarié avait simplement évoqué le téléchargement, avant son départ de Quantic Dream, d’une ample documentation professionnelle. "Je voyais que les choses allaient mal tourner, je me suis dit qu’il valait mieux avoir un maximum de choses, soulignait-il. Si demain on m’attaque sur l'insuffisance professionnelle, il faut pouvoir s'en expliquer."
Procédure-bâillon pour la défense
L’autre volet des poursuites concernait la suppression, malgré une mise à pied, d’une messagerie électronique d’une salariée. “J’ai accédé à son compte à sa demande car elle ne savait pas le faire”, a indiqué au tribunal l’ancien responsable informatique de Quantic Dream, finalement condamné pour cette suppression de données. Selon ses dires, l’employée, "paniquée", en conflit également avec le studio de jeux vidéo, craignait que l’entreprise ne surprenne sur sa boîte mail ses échanges avec son avocat.
Après un premier classement sans suite en avril 2018, Quantic Dream, elle-même visée par une plainte de son ancien salarié, avait à nouveau dénoncé des intrusions informatiques un an plus tard. L’ouverture d’une information judiciaire avait alors élargi les poursuites au vol, une procédure judiciaire qualifiée de procédure-baillon par Raphaël Kempf.
Si l’avocat du mis en cause se réserve la possibilité de faire appel, il remarque également que le tribunal a bien estimé, dans son jugement, qu’une partie des données récupérées étaient "strictement nécessaires à sa défense" de l’ancien salarié. Les deux parties sont toujours opposées aux prud’hommes, un dossier qui doit être plaidé en appel dans le courant de l’année 2023.
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