Que pouvait bien chercher BMW dans les bornes d’Autolib’ ?

Les deux vrais-faux techniciens envoyés par BMW sur les bornes d’Autolib’ ne faisaient que des tests de routine, affirme le constructeur. Possible, mais ils auraient pu faire bien plus : une borne est un point d’accès potentiel aux secrets industriels de Bolloré.

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Que pouvait bien chercher BMW dans les bornes d’Autolib’ ?

Que cherchait BMW dans les bornes d’Autolib’ ? Rien, selon le constructeur allemand, qui "conteste formellement toute accusation d’espionnage" dans un communiqué émis le 10 septembre. BMW reconnaît qu’il a effectué des "tests de routine" les 21, 22 et 26 août à Paris, mais affirme que leur seul but était de vérifier la compatibilité des bornes de recharges avec ses véhicules électriques. Au salon automobile de Francfort, sur le stand du constructeur allemand, on s’étonne que l’affaire sorte juste avant le grand rendez-vous où précisément BMW annonce son arrivée sur le véhicule électrique. Il n’est d’ailleurs pas tout seul puisque son concurrent Volkswagen a lui-même annoncé de grandes ambitions alors qu’il était resté très timoré dans ce domaine.

La méthode du constructeur laisse songeur : selon Le Figaro, les deux techniciens de haut-niveau de la société P3 Group qui ont été arrêtés en flagrant délit le 5 septembre se seraient fait passer pour des agents de maintenance afin de justifier leurs interventions, matériel informatique à l’appui, sur des bornes de recharge d’Autolib’. Quant au but affiché, vérifier la compatibilité… "Cela aurait été plus simple de nous le demander, rétorque un porte-parole d’Autolib’. C’est ce qu’ont fait d’autres constructeurs, avec qui nous avons collaboré."

Accès au système d’information

Du côté d’Autolib’, l’heure est à l’inquiétude : "Ces techniciens se sont connectés avec des ordinateurs sur nos bornes. Il y a des technologies de pointe derrière. Nous ne savons pas ce qu’ils ont pu récupérer, jusqu’où ils ont pu remonter." Une borne Autolib’ est en effet plus qu’une simple prise électrique. C’est un point d’accès au cœur du succès d’Autolib’ : son système d’information. Les bornes sont en liaison directe avec les serveurs du centre de Vaucresson. A partir de cette propriété de la famille Bolloré, dans les Hauts-de-Seine, le système informatique développé au sein du groupe suit en temps réel les Bluecar géolocalisées, gère des dizaines de milliers de réservations par semaine, la disponibilité des voitures aux 4 000 stations de recharge et, bien sûr, la tarification des trajets effectués.

C’est cette intendance de la charge qui fait tourner le service. La gestion des parcs de bornes de recharge est au cœur du développement de l’électromobilité. BMW, qui a lancé en juin 2013, avec notamment Bosch, Daimler et Siemens, le projet Intercharge, ne le niera pas. Son but ? Mettre en place un service permettant aux conducteurs de se recharger sur n’importe quel point de charge en Europe grâce à une plateforme de "roaming" (gestion de l’itinérance).

Données sur la batterie

L’autre pilier d’Autolib’, c’est bien sûr la batterie lithium-métal-polymère (LMP) des Bluecar. Une technologie, cousine du lithium-ion, que Bolloré développe pratiquement en exclusivité depuis presque quinze ans. Le groupe, qui affirme y avoir investi plus d’1 milliard d’euros, répète à l’envi que sa technologie LMP est plus sûre que le lithium-ion et offre 250 km d’autonomie aux Bluecar. Au lancement d’Autolib’, il y a deux ans, Vincent Bolloré assurait : "Notre objectif industriel est de démontrer la capacité de notre technologie lithium-métal-polymère."

Quel rapport avec les bornes ? Toujours le système d’information. Autolib’ est un formidable banc d’essais en conditions réelles : plus de 2 000 voitures en usage intensif, qui enregistrent et envoient aux serveurs de Vaucresson tous les paramètres d’utilisation de la batterie : appels de puissance, cycles de charge-décharge, température, évolution de la capacité de stockage, etc. Autant de données précieuses sur la technologie LMP que peut convoiter un industriel intéressé par l’électromobilité. Et par le stockage de l’énergie en général : Bolloré envisage de multiples applications à sa technologie.

Selon Autolib’, l’heure est à l’évaluation des dégâts. Les équipes travaillent à identifier d’éventuelles traces d’intrusion au centre de Vaucresson. Bolloré a porté plainte pour "abus de confiance", "intrusion dans un système automatisé de données" et "dégradation". L’enquête est en cours et, si rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que BMW et P3 Group espionnaient Autolib’, écouter aux bornes ne paraît pas si innocent.

Manuel Moragues, avec Pauline Ducamp (à Francfort)

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