Que va faire Myriam El Khomri du très ambitieux rapport sur le travail du CNNum ?

Myriam El Khomri a reçu mercredi 6 janvier le rapport Les nouvelles trajectoires, rédigé et préparé par le Conseil national du numérique. A cette occasion, elle a précisé sa position en matière de statut des travailleurs des plateformes de type Uber ou pu expliquer comment selon elle, le compte personnel d'activité actuellement à l'étude était un outil pertinent pour accompagner les nouvelles trajectoires professionnelles à l'heure du numérique. 

 

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Que va faire Myriam El Khomri du très ambitieux rapport sur le travail du CNNum ?
Myriam El khomri, Nathalie Andrieux et Benoît Thieulin

Mercredi 6 janvier, Benoît Thieulin, le président du Conseil national du numérique et Nathalie Andrieux, directrice générale adjointe de La Poste et qui a supervisé le rapport sur numérique et travail, remettait le résultat de leurs travaux à la ministre du Travail, Myriam El Khomri.

Après avoir écouté les discours des uns et des autres, ce qui frappe c'est le décalage entre le volontarisme raisonné de Benoît Thieulin et la prudence de la ministre du Travail. Chacun est dans son rôle : le premier dans celui d'agitateur d'idées, avec une vision longue, quand la seconde doit gérer de délicats équilibres, notamment avec les partenaires sociaux, qui, on ne le dira jamais assez, n'ont pas fait preuve d'une grande capacité d'innovation sur le sujet du numérique, syndicats de salariés ou organisations patronales confondues.

Donner de nouveaux droits aux auto-entrepreneurs

Sur la question de ce qu'on a appelé le capitalisme de plates-formes, elle a précisé sa vision des choses assez proche de celle développé dans le rapport. Dans ce dernier, le Conseil national du numérique est plutôt favorable à la création de nouveaux droits pour les travailleurs recourant à ses nouveaux intermédiaires, arguant que ces nouvelles formes de travail cumulent un lieu de subordination juridique et économique. La ministre a, pour sa part, indiqué qu'elle ne souhaitait pas qu'il y ait des années de contentieux pour définir si le chauffeur recourant à une plate-forme est ou non salarié.

La raison en est simple : le chômage est élevé en France et le gouvernement ne semble pas vouloir envoyer un signal négatif. Car "le développement de l'économie collaborative est porteur d'emplois ", indique Myriam El Khomri, qui souhaite pourtant créer de nouvelles protections pour les salariés concernés. Autrement dit, le gouvernement pourrait s'orienter vers statut d'auto entrepreneur (contesté par certains) mais assortis de nouveaux droits (formation, protection sociale....) qui restent à définir.

Ce que montre très bien le rapport du Conseil national du numérique c'est l'inadéquation des statuts d'hier avec le monde de demain. Benoît Thieulin a ainsi estimé que "deux révolutions sont en cours, numérique et écologique, qui nécessitent un renouvellement des méthodes utilisées pour les traîter".

De nouveaux outils qui devront faire leur preuve

Les deux parties ont été d'accord pour estimer que le compte personnel d'activité (CPA) pourrait être un outil essentiel pour préparer le futur. Le changement introduit par ce nouvel outil est que l'obtention des droits ne sera plus seulement dépendante du statut occupé mais de la personne. Salarié vous avez obtenu des heures de formation, vous pourrez les utiliser deux ans plus tard quand vous aurez créé votre entreprise. Quasi lyrique et mitterrandienne (façon 1981), Myriam El Khomri a indiqué que le but annoncé du CPA était "de rendre aux individus du pouvoir d'action sur leur vie ".

Plus terre à terre, elle s'est dite intéressée par les pistes de réforme de la valorisation des acquis de l'expérience (VAE) contenues dans le rapport, notamment l'assouplissement de la condition d'ancienneté y donnant droit et l'expérimentation d'autres formes de valorisation des acquis que celles actuellement prévues, par exemple par des Mooc et d'autres formes d'autoformation et d'autoévaluation en ligne.

Pour aller au-delà, le Conseil national du numérique estime qu'il est urgent que l'Etat reconnaisse le rôle joué par les individus. Audacieux, il remarque le développement de nouveaux services publics rendus par le tiers secteur (associatif, non marchand) facilité par le numérique, allant jusqu'à parler " de nouveaux services publics personnalisés de pair à pair ", que la puissance publique ne peut pas assurer et qu'elle devra à l'avenir encourager.

En finir avec beaucoup de bruit pour rien

Sur cet ambitieux dossier, la ministre est restée discrète, renvoyant à l'expertise nécessaire des recommandations qui devra être faite par l'administration du ministère du Travail. Même si elle ne le dit pas, elle est par ailleurs bloquée par les négociations en cours, notamment sur le compte personnel d'activité.

En donnant un avis trop tranché, elle pourrait déstabiliser les partenaires sociaux. Pourtant, si le numérique requiert des changements et imposera des changements, ceux-ci concernent aussi la façon de travailler des partenaires sociaux et de l'administration. Myriam El Khomri aime citer le cas de la digitalisation de Pôle Emploi, que Benoît Thieulin pousserait bien plus loin, de sorte que Pôle emploi ne soit plus seulement un guichet mais un lien de rencontres et relations horizontales de pair à pair. Il n'est pourtant pas certain que cet organisme n'est pas l'arbre qui cache la forêt des administrations enkystés dans des fonctionnements administratifs hérités des Trente Glorieuses.

Le président du Conseil national du numérique a regretté fort justement que "trop souvent, le temps du débat public est dilapidé pour des sujets mineurs, médiatiquement et politiquement inflammables, mais sans potentiel de transformation politique, économique et social. Le CPA, le revenu de base, l’économie coopérative, les services publics de Pair à Pair, dessinent les contours de notre nouveau contrat social à l’heure de la révolution numérique ".

Pour sa part, Nathalie Andrieux s'est inquiété " d'une possible catastrophe dans les 20 années qui viennent ", tout en affichant un optimisme volontaire. Le constat est sur la table. Le temps est à l'action. Est-elle possible à un an d'une élection présidentielle ?

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