Quel régime juridique pour les influenceurs ?
L'encadrement juridique de l'activité d'influenceur s'est renforcé au fil des ans mais reste encore trop méconnu. Il s'agit pourtant d'une question cruciale pour cette nouvelle catégorie d’acteurs dont le nombre a explosé ces dernières années. Cette chronique de Pascal Agosti, avocat associé du cabinet Caprioli & Associés, a pour objet de rappeler les contours du régime juridique.
L’actualité juridique concernant les influenceurs est foisonnante, comme le démontre le décret n° 2022-727 du 28 avril 2022 relatif à l’encadrement de l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. En effet, face à un phénomène désormais répandu dans toutes les strates de la société, le Droit constitue un élément incontournable à connaître pour cette catégorie d’acteurs particulièrement présents sur les réseaux sociaux.
Quelle définition ?
Il n’y a pas de réelle définition législative de l’influenceur. Tout juste le Code de la santé publique considère-t-il à l’art. L.1453-1 que les entreprises produisant ou commercialisant des médicaments et autres produits médicaux figurant dans une liste ou assurant des prestations associées à ces produits doivent rendre publics, sur un site internet public unique, l'objet précis, la date, le bénéficiaire direct et le bénéficiaire final, et le montant des conventions qu'elles concluent avec : "Les personnes qui, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, présentent un ou plusieurs produits de santé, de manière à influencer le public".
L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dans son Code est plus précise en le définissant comme un "individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie. Un influenceur peut agir dans un cadre purement éditorial ou en collaboration avec une marque pour la publication de contenus (placement de produits, participation à la production d’un contenu, diffusion d’un contenu publicitaire, etc.)".
Du contenu. Oui mais est-il réellement désintéressé ?
Son activité est donc de produire du contenu, présenté fréquemment comme des critiques indépendantes ou comme des récits d’expériences personnelles. Parfois, ces contenus sont effectivement le résultat d’une activité désintéressée mais dans d’autres, ils sont le fruit d’une activité commerciale déguisée. Dès lors, le statut de l’influenceur peut varier entre consommateur et professionnel, ce qui induit l’application de règles différentes.
Sa responsabilité peut être engagée en qualité d’éditeur de contenus.
Quelles règles respecter ?
Dans certains cas, le contenu diffusé par les influenceurs devra être identifié comme une publicité commerciale comme l’impose – notamment - l’art.20 de la LCEN ou encore l’art. L.121-4 du Code de la consommation, dispositions dont le non respect est sanctionné. Une obligation d’informations renforcée semble désormais peser sur leurs épaules.
Quelle propriété pour le contenu ?
Ainsi, à l’origine, l’influenceur était à l’initiative du contenu. Mais il est désormais souvent demandé par l’entreprise. Dans cette hypothèse, l’entreprise – considérée comme productrice du contenu réalisé par l’influenceur – se voit par le truchement du contrat qui la lie à l’influenceur, sans clause spécifique nécessaire, investie des droits d’exploitation de la vidéo.
Dans d’autres hypothèses, l’entreprise demande à un influenceur de réaliser un contenu afin de promouvoir ses produits, sans qu’elle prenne la responsabilité de sa réalisation. Il s’agit d’une œuvre de commande. Dans cette hypothèse, la question de la propriété de l’œuvre est à prévoir contractuellement.
Qu’en est il si l’influenceur apparaît dans le contenu ?
Ici, la question se pose de savoir si l’influenceur peut ou non être qualifié de mannequin conformément à l’art. L. 7123-2 du Code du travail. En effet, l’influenceur peut présenter à sa communauté des vêtements et accessoires de mode ou poser comme modèle pour une marque. Le contrat conclu entre l’entreprise et l’influenceur serait alors un contrat de travail, comprenant une clause relative au droit à l’image.
De manière subsidiaire, l’influenceur en charge de réciter un texte et jouer des scènes imaginées par une entreprise pour une vidéo de promotion de ses produits pourrait être qualifié d’artiste interprète sous réserve d’originalité. Il se verrait donc reconnaître des droits patrimoniaux et moraux sur son interprétation.
Mais l’activité de l’influenceur peut induire le respect de règles complémentaires
L’activité d’un influenceur peut avoir des impacts sur les règles qui s’appliquent à lui.
Les réseaux Instagram et Snapchat ont, désactivé les comptes de certains influenceurs à raison de leurs activités publicitaires, en particulier celles en lien avec des plateformes de trading douteuses. En outre, Nabilla Benattia a payé d’une amende transactionnelle à la DGCCRF pour avoir commis des pratiques commerciales trompeuses après que son compte Snapchat a fait la publicité d’un site de formation de trading en ligne.
Dans le même ordre d’idée, fin 2021, l’ACPR et l’AMF ont-elles lancé plusieurs enquêtes à l’encontre d’influenceurs contre "les arnaques aux crypto-actifs" pour lesquelles ces derniers pourraient être considérés comme des complices. L’Etat français a décidé de protéger les influenceurs stars de moins de seize ans en promulguant la Loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
Bref, au vu de la professionnalisation accrue de certains influenceurs, le Droit devient un élément essentiel à ne pas négliger pour éviter certains écueils liés à sa méconnaissance, que ce soit en termes de propriété intellectuelle, de responsabilité ou "d’arnaques".
Pascal Agosti, avocat associé, docteur en droit
Caprioli & Associés, société d’avocats Membre de JurisDéfi
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