Reconnaissance faciale : Clearview AI attaqué devant la Cnil pour violation du RGPD

La start-up française Jumbo Privacy, spécialisée dans la protection des données, a mis en demeure Clearview AI devant la Cnil. Elle demande l'ouverture d'une enquête sur les pratiques controversées de cette entreprise américaine spécialisée dans la reconnaissance faciale.

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Reconnaissance faciale : Clearview AI attaqué devant la Cnil pour violation du RGPD

Jumbo Privacy, spécialisé dans la protection des données personnelles, a déposé le 15 juillet une réclamation devant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) contre Clearview AI. La start-up française reproche à cette entreprise américaine spécialisée dans la reconnaissance faciale de violer de nombreuses dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Quatre mois de démarches fastidieuses
A l'origine de cette démarche, Zoé Vilain, directrice stratégie, protection des données personnelles et présidente Europe de Jumbo Privacy, explique à L'Usine Digitale avoir "mandaté Jumbo Privacy pour faire une demande d'accès et de suppression de données personnelles auprès de Clearview AI".

L'objectif de cette démarche était de savoir si l'entreprise avait des données la concernant et "est-ce qu'elles avaient été partagées", poursuit-elle. En effet, cette société a mis au point une sorte de moteur de recherche pour identifier les auteurs d'infractions. Son fonctionnement est très simple : il suffit de prendre une personne en photo, de téléverser l'image puis de consulter toutes les images correspondantes. L'outil de recherche repose sur l'existence d'une base de données regroupant plusieurs milliards de photos aspirées depuis Facebook, Venmo et YouTube principalement.

Mais ClearView n'a pas répondu immédiatement à cette demande et s'en sont suivis quatre mois de démarches dont 9 échanges d'e-mails, l'envoi d'une photo d'identification et la communication de nombreuses informations personnelles (nom, prénom…). L'équipe "Privacy" de Clearview AI exigeait également une photocopie de la carte d'identité de Zoé Vilain. Ce que Jumbo Privacy a refusé de faire. "Donner plus de données à une société qui déjà n'arrive déjà pas à justifier pourquoi elle en a, c'est inadmissible", explique la directrice de la protection des données.


Jumbo Privacy a alors décidé de mettre en demeure Clearview AI pour les obliger à répondre à la demande formulée initialement. "Ils ont fini par répondre de manière très succincte en nous envoyant un PDF qui intégrait ma photographie comparée avec trois autres, raconte Zoé Vilain. La première était la même photo, la deuxième était une autre photo de moi et la troisième était une photo d'une tierce personne. Cela prouve à quel point il peut y avoir des erreurs." L'entreprise américaine a également fourni une "data policy" censée répondre aux questions de Jumbo Privacy sur la base légale et le partage des données. "Ce n'était absolument pas le cas", indique-t-elle.

Exiger l'ouverture d'une instruction sur les pratiques de Clearview AI
Ce sont ces mois de démarche "si fastidieux" qui ont motivé Jumbo Privacy et Zoé Vilain à déposer un recours devant le gendarme français de la vie privée. "Imaginez une personne qui n'a aucune connaissance. Elle enverra sa photo, sa carte d'identité…", relève la présidente Europe de la jeune pousse qui poursuit : "il y avait trop de violation du RGPD à ce stade pour ne pas saisir la Cnil et lui demander d'instruire une enquête sur le sujet".

Dans la plainte, Zoé Vilain demande l'ouverture d'une instruction contre Clearview AI le plus rapidement possible pour protéger et sauvegarder les intérêts des citoyens. "Potentiellement si l'entreprise a des données me concernant, elle en a sur les Français et Européens", indique-t-elle. A la question de savoir si la Cnil n'aurait-elle pas pu agir plus tôt, Zoé Vilain répond timidement que l'organe protecteur de la vie privée avait sûrement beaucoup de dossiers à traiter. "L'équivalent des Cnil au Royaume-Uni, en Australie et au Canada ont ouvert une enquête. Maintenant reste à savoir si la Cnil française va se joindre à elles", déclare Zoé Vilain.

Mais pour Zoé Vilain, il n'est pas nécessaire d'adopter un nouveau cadre juridique sur la reconnaissance faciale. "Au niveau européen, nous avons quand même de très bonnes législations concernant la protection des données personnelles. L'activité de Clearview AI est déjà encadrée par le RGPD", note-elle. Un avis que ne partage apparemment pas l'Union européenne qui travaille depuis plusieurs mois sur une future législation.

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