Alléger sans fragiliser
Pour réduire les émissions de CO2, les constructeurs automobiles allègent leurs véhicules. La simulation les y aide, comme ici pour valider le changement de matériau et d’épaisseur d’un pied milieu de caisse, ainsi que le process d’emboutissage associé. Un matériau plus résistant pourra être moins épais sans pour autant fragiliser la pièce.
Contraints par des réglementations ou des questions de coûts, les industriels tentent de limiter l’impact environnemental de leurs process de fabrication. Pour utiliser le minimum de matières premières, limiter les rebuts, réduire les consommations d’énergie et de fluides ou limiter l’usure des outils, en tenant compte de paramètres tels que la climatisation, l’éclairage des locaux ou la dispersion des odeurs et des poussières, ils se tournent de plus en plus vers la simulation.
En commençant au cœur de l’atelier. Là, les outils de Manufacturing executive system (MES) permettent de collecter les véritables données de production et d’alimenter les modèles numériques servant de base à la simulation. Cela aide à comprendre les process et à expliquer les défauts ponctuels. Le fabricant italien Tenaris a ainsi réduit de 15°C la température de coulée de ses corps de vannes pétrolières, entraînant une baisse de 15 % de sa consommation en énergie de chauffage et en eau.
Des gains possibles sur…
L’énergieL’éclairage
Le chauffage et la ventilation
Les fluides (eau, air, gaz…)
Les matières premières
Les taux de rebut des pièces finales
Les odeurs et les poussières
La maintenance
Le démantèlement
Une démarche économique viable
Dans des domaines comme l’emboutissage, la forge ou la fonderie, la simulation met au point et améliore les process de fabrication en même temps que les pièces à réaliser. "Pour garantir leurs objectifs de réduction d’émissions de CO2, tous les constructeurs automobiles allègent leurs véhicules. Mais pour garantir la sécurité, ils utilisent des aciers plus performants à haute limite d’élasticité (HLE), voire à très haute limite d’élasticité (THLE)", constate Vincent Chaillou, le directeur opérationnel d’ESI Group. Et ils profitent de leurs hautes caractéristiques pour créer des pièces "hardies". Il faut alors procéder à de l’emboutissage à chaud, ce qui change la nature cristalline du matériau. "On sort des zones de travail habituelles et la simulation prédictive est la seule voie économiquement viable pour comprendre le comportement de la matière, afin de développer ces nouveaux process de production", avance encore Vincent Chaillou. Notons que l’Europe est en pointe sur ces sujets grâce à des constructeurs comme Peugeot ou Volkswagen.
Dans la fonderie, où le taux de rebut sur les pièces les plus complexes (culasses, carters de moteur d’hélicoptère…) peut atteindre 15 %, la simulation permettrait de ramener rapidement ce taux à moins de 5 %. Une démarche économique et verte. Le recyclage des rebuts entraînant aussi un surcoût énergétique.
La simulation d’usinage par enlèvement de matière est également essentielle pour réduire les temps de cycles et garantir la sécurité de l’usinage. "Mais de plus en plus de clients s’intéressent à la réduction de l’énergie nécessaire. C’est d’ailleurs la problématique du projet Angel, que nous portons au sein du pôle Systematic avec l’aide d’industriels comme Airbus, Messier-Bugatti-Dowty et Snecma", constate Gilles Battier, le PDG de Spring Technologies.
Les outils de simulation sont aussi au cœur de métiers comme l’emballage. "L’un de nos clients a utilisé la simulation pour remplacer le PET de ses bouteilles par un matériau biodégradable à base d’amidon de maïs. Il a ainsi pu dimensionner la bouteille, mais aussi mettre au point le process de soufflage/extrusion garantissant un bon équilibre entre quantité de matières, qualité du produit, durée de vie des moules, réduction des rebuts et diminution de l’énergie nécessaire", explique Antoine Langlois, le directeur technique de MSC Software France.
Vers des bâtiments plus économes
Dans le domaine du bâtiment, l’accent est pour le moment mis sur l’augmentation des performances énergétiques des ouvrages construits. "Cela influe fortement sur nos outils et méthodologies de travail. L’utilisation de la maquette numérique 3 D permet d’être cohérent et de ne rien oublier, tout en étant capable de faire travailler tous les intervenants en parallèle et non plus séquentiellement, explique l’architecte Thierry Rampillon du cabinet Cr&On. Cela nous permet de chiffrer dès le début le projet en garantissant un niveau de performances et de nous y tenir. Il est clair que cela nous permettra aussi, dans un futur relativement proche, de simuler et d’optimiser le coût environnemental de la construction. Nous maîtrisons déjà mieux les quantités de matériaux à mettre en œuvre, ce qui limite les déchets."Optimisation énergétique
Certes, pour le moment, les outils de simulation du marché n’intègrent pas directement de fonction d’optimisation énergétique. "Mais Comsol Multiphysics comporte un module d’optimisation générique, véritable boîte à outils que nos clients peuvent utiliser pour faire de l’optimisation énergétique. L’un d’entre eux s’en est notamment servi pour augmenter le débit d’un ventilateur sans changer la vitesse de rotation de son moteur, en jouant sur la géométrie des pales. Il suffit de maximiser une fonction objectif", explique Jean-Marc Petit, le responsable de Comsol France. Une approche générique que confirme Jean-Pierre Roux, le directeur des ventes d’Altair France : "Nos solutions peuvent être employées à des fins d’optimisation énergétique des process de production, pour peu que les industriels disposent des bases de données adéquates." Elles restent malheureusement encore trop souvent à construire.
Jean-François Préveraud
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