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La start-up française Snips, spécialiste de l'intelligence artificielle, pivote vers les objets connectés. Fini les smartphones, elle s'attaque désormais à Alexa et Google Assistant avec une plate-forme de reconnaissance vocale qui n'envoient pas les données des utilisateurs dans le cloud. Elle lève au passage 13 millions de dollars auprès d'investisseurs français. Mais pourra-t-elle vraiment vaincre les géants technologiques ?
Julien Bergounhoux
Mis à jour
14 juin 2017
La start-up française Snips, qui se spécialise dans le développement de technologies d’intelligence artificielle pour l’électronique grand public, annonce une levée de fonds de 13 millions de dollars ce 14 juin 2017. Ce tour de table implique principalement des investisseurs français : MAIF Avenir et Korelya Capital ainsi que BPI France et Eniac Ventures. Cela porte le total des fonds levés par Snips depuis deux ans à 21 millions de dollars.
Focus sur les objets connectés avec un rival à Alexa
La levée est aussi l’occasion pour Snips de rendre publique sa décision, prise il y a un an, de pivoter vers la reconnaissance vocale appliquée aux objets connectés. Lors de son dernier tour de table, de 6,3 millions de dollars en 2015, Snips se positionnait sur la personnalisation de l’expérience pour les smartphones (ex. : préparer une application à l’avance lorsqu’il est probable que l’utilisateur souhaite s’en servir). "On s’est aperçu au niveau des usages que le besoin en interprétation des requêtes utilisateur est beaucoup plus important que celui des suggestions intelligentes", explique Rand Hindi, co-fondateur et CEO de la start-up.
Snips travaille désormais exclusivement sur une plateforme vocale pour objets connectés (baptisée "Snips Voice Platform"), qui vont de la smart home aux voitures connectées. Son credo pour se différencier face aux géants technologiques reste cependant le même : le "privacy by design", c’est-à-dire la garantie que la plateforme n’aspire pas les données de ses utilisateurs. Dans les faits, cela signifie que Snips effectue le traitement des données vocales (reconnaissance vocale et traitement du langage naturel) sur l’objet lui-même et pas dans le cloud. En comparaison, non seulement Amazon et Google traitent les données dans le cloud mais ils les conservent indéfinement.
La protection des données personnelles, une préoccupation peu mise en pratique
Le souci, c’est que le grand public s’est montré plus que disposé à échanger ses données personnelles contre les services proposés par les géants du numérique jusqu’ici. Mais Rand Hindi a un as dans sa manche. "Avec l’entrée en vigueur de la réglementation européenne GDPR (Réglement général sur la protection des données), les entreprises devront garantir la protection des données de leurs clients. Cela rendra automatiquement Alexa et Google Assistant illégaux, tout comme les services équivalents de Facebook et Microsoft. Ils ne pourront pas avoir systématiquement le consentement de toutes les personnes présentes dans la pièce."
L’Usine Digitale a contacté la CNIL (l’autorité en charge de la protection de la vie privée en France) pour vérifier cette information, et il se trouve qu'elle est inexacte. Les données biométriques sont bien considérées comme "sensibles" par le réglement européen car elles sont "irrévocables" : on ne peut pas changer sa voix ou ses empreintes digitales. Mais la reconnaissance vocale n'est considérée comme biométrique que "lorsqu’elle permet d’automatiser la reconnaissance d'une personne".
Le RGPD ne changera rien
Ainsi, la CNIL nous rappelle que "tant qu’un dispositif de reconnaissance vocale n’est pas mis en place pour authentifier ou identifier les personnes, il n’est pas considéré comme sensible par le règlement européen de protection des données (RGPD), ni soumis à autorisation par la CNIL". En l'état, le règlement ne rend donc pas illégale l'utilisation que font Amazon ou Google des données récupérées par les objets connectés.
Dans le plus cas plus spécifique d'une authentification ou identification automatisée d'un utilisateur, la loi Informatique & Libertés de 1978 impose une autorisation préalable de la CNIL, et le règlement européen imposera dès mai 2018 le recueil d’un consentement exprès de l’utilisateur ainsi que la faculté de retirer ce consentement à tout moment. Même dans ce cas de figure, les géants américains ne devraient pas être inquiétés outre mesure.
1000 développeurs inscrits, 20 fabricants étudient la solution
En plus de la conversion de la voix en texte et du traitement du langage naturel, la plate-forme de Snips prendra en charge la synthèse vocale (conversion du texte en voix) d'ici quelques mois, d’après le CEO. Cinq langues sont supportées pour le moment : Français, Anglais, Allemand, Espagnol et Coréen. Elle est disponible auprès des développeurs depuis deux mois en version bêta et 1000 d’entre eux se seraient déjà inscrits. L'une de ses fonctionnalités différenciantes est la possibilité de personnaliser la phrase de réveil à sa guise (du genre "Hé Snips"). "Tout se fait via une interface web, qui permet au développeur de créer son assistant vocal et de le déployer sur un Raspberry Pi 3", explique Rand Hindi. Des fonctionnalités déjà entraînées sont disponibles par défaut, mais il est bien sûr possible d’en entraîner de nouvelles.
Le développement sur Raspberry Pi est gratuit. Snips ne facture que lorsqu'un client souhaite déployer la plateforme sur un produit fini. Le coût est établi en fonction du nombre d'objets vendus. La puissance requise reste dans tous les cas équivalente à celle du Raspberry Pi 3, soit un CPU cadencé à 1 GHz et 500 Mo de RAM. Une vingtaine d’entreprises effectue des tests dans une optique commerciale, selon Rand Hindi. Le premier partenaire annoncé est Lemon California, qui fabrique des enceintes sans-fil alimentées par panneaux solaires. Etant donné les cycles de développement produit, les premiers objets utilisant la plateforme n’arriveront sur le marché qu’en 2018 au plus tôt.
Les géants américains à côté de la plaque... vraiment ?
Apple a implémenté une solution similaire à celle de Snips dans son enceinte HomePod, les requêtes étant partiellement traitées sur l'enceinte, puis "anonymisées" et chiffrées avant d’être envoyées dans le cloud (et effacées après coup). Le dirigeant de Snips juge cette approche peu intéressante, car le traitement des données dans le cloud n'aurait d'après lui que peu d'intérêt pour ce type d'applications. "Nous nous sommes rendu compte que ça ne sert à rien. Nous avons inventé une nouvelle méthode pour entraîner nos modèles. Nous générons des données synthétiques plutôt que d’attendre de récupérer les données réelles des utilisateurs. On prend 10 exemples et on en génère 10 000 et le modèle est entraîné dessus. Le niveau de qualité reste le même." Une déclaration qui ne manquera pas de décontenancer les sommités de rang mondial que s'arrachent les titans américains.
Pour renforcer sa position face aux grands acteurs américains, Snips a aussi créé un benchmark sur la reconnaissance vocale et le traitement du langage naturel. Et celui-ci donnerait un avantage très important à sa propre solution face à celles de Google, Amazon, Facebook et Microsoft. Rand Hindi assure que Snips a fait preuve de la plus grande objectivité lors de ses tests, et l'entreprise a rendu son outil et ses données disponibles en open source pour le prouver. "Nous avons cherché des benchmarks, mais les géants technologiques ne veulent pas qu’il en existe. Nous avons reproduit quelque chose d’aussi scientifique que possible et c’est pour le montrer qu'on a ouvert les données." Les clients potentiels sont invités à faire la comparaison eux-mêmes et juger du résultat.
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