Soyez vigilants sur la rédaction de vos contrats informatiques !
Le numérique ne bouleverse pas que les business models. Pour le prendre en compte, les règles et les lois sont elles aussi en pleine mutation. Chaque semaine, les avocats Eric Caprioli, Pascal Agosti, Isabelle Cantero et Ilène Choukri se relaient pour nous fournir des clés pour déchiffrer les évolutions juridiques et judiciaires nées de la digitalisation : informatique, cybersécurité, protection des données, respect de la vie privée... Aujourd’hui, regard sur les contrats informatiques.
Soyez vigilants sur la rédaction de vos contrats informatiques ! Telle pourrait être l’alerte à adresser aux acteurs économiques pour la rédaction et l’exécution de leurs contrats à l’aune de la réforme du droit des contrats, applicable à compter du 1er octobre 2016. Celle-ci a largement impacté la structure même du Code civil et a intégré les jurisprudences signifiantes des vingt-cinq dernières années dans le cœur même des articles du Code. Mais qui dit modification du cadre légal, dit aussi modification des clauses contractuelles. Voici quelques réflexions à ce sujet.
La clause créant un déséquilibre significatif : la clause "abusive" pour un contrat d’adhésion B2B ?
Les contrats B2B restent malgré tout, (pour une part non négligeable), des contrats d’adhésion. Les professionnels qui entendent bénéficier, par exemple, des services de la galaxie Google doivent cocher une case ou valider via un bouton radio, sans la moindre négociation possible. Sous réserve d’opposabilité ces contrats trouvent donc à s’appliquer directement et notamment certaines clauses qui exonèrent le fournisseur du produit ou le prestataire de services de sa responsabilité que l’on pourrait considérer comme "abusives" (le terme est entre guillemets car adapté à une optique B2C et non B2B).
Mais la réforme du droit des contrats a introduit dans le Code civil un article 1171 qui remet en cause les « pleins pouvoirs » contractuels des prestataires. Désormais sont réputées non écrites « les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » dans les contrats d’adhésion. Certaines exceptions sont prévues, l'appréciation du déséquilibre significatif ne portant ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Selon toute vraisemblance, cette notion de déséquilibre significatif – déjà connue à l’article L. 442-6-I du Code du commerce – devrait être largement débattue devant les tribunaux (de commerce avant tout) et faire l’objet de multiples précisions.
La fixation du prix par le créancier, un casse tête pour un contrat informatique ?
L’article 1165 du Code civil prévoit pour les contrats de prestations de services, qu’ "à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande en dommages et intérêts.".
Cette disposition peut sembler évidente car le fait de connaître le prix d’un service avant de le souscrire semble relever du bon sens. Mais ce n’est pas si simple pour des projets informatiques importants. On ne compte plus les Comités de pilotage où des rallonges budgétaires ont été demandées. Or, sans une clause de prix précise dans le contrat, le prestataire pourrait – en application de cet article- agir sans avoir vérifié au préalable l’accord du client.
Ce point est d’autant plus prégnant pour les prestations de réversibilité ou pour des extensions de services Cloud pour lesquelles les clauses dans les contrats sont souvent peu dissertes d’un point de vue financier.
Notons que cette disposition sur le prix est supplétive par rapport à d’autres qui sont d’ordre public. Cela signifie que les parties peuvent y déroger dans le corps du contrat.
Il conviendra de déterminer pour les rédacteurs de contrat les clauses qui peuvent être maintenues et au contraire celles qui doivent être exclues en raison du caractère supplétif de telle ou telle disposition du Code civil.
La théorie de l’imprévision dans les contrats informatiques
Le nouvel article 1195 intègre la théorie de l’imprévision dans le Code civil, c’est-à-dire que le prix des prestations doit être renégocié en cas de circonstances imprévisibles intervenues pendant son exécution. Cette disposition donne au Juge un pouvoir d’interprétation fort si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord. Il peut ainsi réviser le prix et mettre fin au contrat.
D’autres points de la réforme mériteraient d’être cités autour des sanctions en cas d’inexécution (art. 1127 du Code civil, la notion d’usage...). Ces quelques développements mettent en perspective la nécessité de reprendre les contrats IT alors qu’à l’horizon pointe déjà la réforme de la responsabilité civile...
Pascal AGOSTI, Avocat associé, Docteur en droit
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