Streaming : Pour justifier le lancement en demi-teinte de Quibi, son dirigeant blâme Covid-19
Un mois après son lancement, le service de streaming de vidéos courtes Quibi n’a pas trouvé son public. Ses premiers résultats sont en-deçà des attentes de ses dirigeants, qui désignent la pandémie de Covid-19 comme seule responsable de cette contre-performance.
Le lancement de l'application de streaming Quibi, propose des vidéos en format court sur smartphones avec un business model par abonnement, s'est révélé être un échec cuisant. Son patron, Jeffrey Katzenberg, le reconnaît volontiers. A l’origine du service avec l’ancienne PDG de HP, Meg Whitman, le producteur hollywoodien attribue "l’entièreté" de cette contre-performance à la pandémie de Covid-19. C’est ce qu’il a expliqué à nos confrères du New York Times lundi 11 mai 2020, alors que la plate-forme est sortie du top 50 des applications les plus téléchargées sur l’AppStore une semaine seulement après sa sortie, le 6 avril.
LE CONFINEMENT POINTÉ DU DOIGT
Selon la société d'analyse de trafic SensorTower, qui surveille au jour le jour les téléchargements sur les différents magasins d’applications, celle de Quibi n’aurait jusqu'ici été téléchargée que sur 2,9 millions d'appareils. La plate-forme revendique, elle, 3,5 millions de téléchargements et 1,3 million d’utilisateurs actifs. Si elle n’a pas indiqué ses objectifs initiaux, l’entreprise ne peut néanmoins qu’être déçue alors qu’elle a mis en place un essai gratuit de 90 jours. "On est très loin de l’avalanche d’utilisateurs que nous attendions au lancement", a concédé Jeffrey Katzenberg au NYT.
Forte de productions au casting cinq étoiles – Jennifer Lopez, LeBron James ou bien Idris Elba y figurent, par exemple –, le service avait pourtant de quoi susciter l’intérêt des consommateurs, du moins en théorie. S'imposer sur le marché du streaming face à Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ n'est pas mince affaire. Mais pour Jeffrey Katzenberg, l'explication se situe fermement dans la réalité du confinement, le concept de Quibi reposant sur le visionnage de contenus courts en mobilité. "Si nous avions su comment la situation évoluerait après le 1er mars, le jour où nous avons dû prendre une décision concernant le maintien du lancement début avril, nous aurions sans aucun doute fait différemment", a indiqué Jeffrey Katzenberg, exprimant ses "regrets".
En vue de son lancement, Quibi avait levé 1,8 milliard de dollars auprès de différents studios hollywoodiens ainsi que du géant chinois Alibaba… à qui ils avaient présenté la plate-forme comme une réponse aux nouvelles manières de consommer. "J’ai alors cru qu’il y aurait de multiples périodes où les abonnés pourraient l’utiliser entre deux tâches, tout en étant à l’abri chez eux", a détaillé le dirigeant, qui a entendu la déception du public quant au fait de ne pas pouvoir regarder les vidéos sur leur téléviseur et ouvert cette possibilité cette semaine.
Questionné par le NYT sur l'augmentation durant le confinement de l'utilisation de TikTok, une application conçue autout de courtes vidéos générées par les utilisateurs, Jeffrey Katzenberg s'est énervé, estimant qu'il n'était pas pertinent de comparer une application disposant déjà d'un milliard d'utilisateurs avec la sienne, qui vient de sortir. On remarquera néanmoins que toutes ces applications existantes (Netflix, Tiktok, Disney+, Snapchat...) sont autant de compétiteurs qui barrent fermement la route à Quibi depuis le départ.
UNE LISTE DE DÉSAGRÉMENTS ASSEZ CONSÉQUENTE
Pour tenter de corriger la trajectoire prise par le service, Jeffrey Katzenberg a profité de cet entretien avec le NYT pour annoncer une batterie de nouvelles fonctionnalités. Un mode hors-ligne va rapidement voir le jour, tandis que les utilisateurs pourront partager leur activité ainsi que certains contenus sur les réseaux sociaux. Un changement de cap est aussi attendu sur le catalogue de programmes proposés. Malgré de lourds investissements, les "Daily Essentials" – une rubrique qui regroupe des pastilles au sujet de l’actualité et qui est notamment alimentée par les groupes NBC, BBC, ESPN ou encore TeleMundo – n’ont pas a priori pas trouvé leur public.
Outre ces faux pas, Quibi est attaqué sur le plan juridique par la société Eko, qui l'accuse d’exploiter sans son accord sa technologie brevetée permettant de passer aisément du mode portrait au mode paysage sur smartphone. Il a aussi été révélé que Quibi transmettait les adresses e-mail de ses utilisateurs à des partenaires publicitaires sans en informer ses clients, une pratique qui a été modifié en urgence après que les médias américains s'en soient emparés. Enfin, face à des divergences quant à la stratégie marketing à adopter, des membres clé de l’équipe dirigeante ont quitté le projet peu avant son lancement.
Quibi tablait sur 7 millions d’utilisateurs et 250 millions de dollars de revenus pour sa première année d’activité. Des projections qui seront revues à la baisse, d’autant plus que le budget en matière de publicité n’atteindra pas les 470 millions de dollars prévus pour la même période. "Nous resterons très raisonnables dans nos dépenses jusqu’à ce que le contexte nous permette d’envisager un retour sur investissement convenable", a souligné Jeffrey Zatzenberg. Alors que les tournages de productions audiovisuelles sont à l’arrêt, Quibi a décidé d’étaler les sorties de ses contenus originaux afin d’être en mesure d’en proposer jusque début 2021… au moins. La question se pose néanmoins de savoir si elle saura trouver son public avant d'arriver à court de fonds.
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