Taïwan : un institut chinois servait à recruter des ingénieurs du secteur des semi-conducteurs

Les médias taïwanais ont révélé en début de semaine l’existence d’un bureau établi avec le soutien de la Chine au sein de l’université nationale de Hsinchu, hub des semi-conducteurs taïwanais. Le recrutement de travailleurs étrangers est une des stratégies utilisées par la Chine pour rattraper son retard dans le domaine des puces électroniques.

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Taïwan : un institut chinois servait à recruter des ingénieurs du secteur des semi-conducteurs

C’est un épisode révélateur de la lutte sans merci qui se joue dans le secteur des semi-conducteurs. A Taïwan, l’université nationale de Tsing-Hua (NTHU) est au cœur d’une polémique après la découverte d’un bureau qui aurait servi de couverture à la Chine pour recruter des ingénieurs taïwanais et récolter des informations sur le secteur hautement stratégique des semi-conducteurs.

Basée à Hsinchu, cœur battant de l’industrie taïwanaise des semi-conducteurs, l’université abritait l’antenne d’un institut créé en 2015 avec le soutien des autorités de Xiamen, en Chine – et donc sous contrôle du parti communiste chinois. Révélée par la presse taïwanaise en début de semaine, l’existence du bureau a été confirmée par les autorités taïwanaises, qui enquêtaient déjà sur le dossier.

"L’université Tsing-Hua est connue pour être le berceau des talents du secteur des semi-conducteurs, se désole le député du parti au pouvoir, Chao Tien-lin, membre de la commission sur la défense nationale du parlement. Grâce à ce bureau, le Parti communiste chinois utilisait le réseau des anciens élèves pour recruter des ingénieurs taïwanais, et récoltait des informations sur le secteur des semi-conducteurs taïwanais au service de l’industrie chinoise."

"Il manque 600 000 travailleurs à la Chine"
L’annonce a créé un petit électrochoc à Taïwan, où toute coopération avec les autorités chinoises requiert une autorisation préalable du gouvernement. Le ministère de l’éducation a exigé la fermeture immédiate des bureaux de l’institut, et promis l’ouverture d’une enquête sur l’existence de coopérations similaires dans d’autres facultés.

"Ces pratiques mettent en péril la confiance de nos partenaires et la place de Taïwan dans la chaîne d’approvisionnement mondiale", déploraient hier lors d’une conférence de presse une coalition de chercheurs et de parlementaires.

L’épisode est symptomatique des efforts de la Chine pour rattraper son retard en matière de puces électroniques. Malgré des montants colossaux investis dans le secteur, les concepteurs et fabricants chinois ne parviennent pas à talonner les leaders mondiaux du secteur, et notamment le taïwanais TSMC qui possède plus de 90% du marché de la fabrication de puces dernière génération.

"La Chine est à la recherche de talents pour son industrie des semi-conducteurs et de la tech, rappelait en début de semaine le directeur du bureau de la sécurité nationale taïwanais. Nous estimons qu’il leur manque environ 600 000 travailleurs pour répondre à la demande."

Les universités, une stratégie de repli pour la Chine
Situé à moins de 200 km des côtes chinoises, et partageant une langue commune avec la Chine, Taïwan constitue une terre de choix pour recruter ces précieux travailleurs. Pour éviter la saignée, le géant TSMC disposerait ainsi d’un plan "détaillé", qui s’avèrerait "très efficace", selon un ancien conseiller de TSMC en la matière.

"La méthode de la Chine était jusqu’alors de compter sur quelques personnes-clefs au sein de l’industrie, qu'elle approchait via des sociétés écrans enregistrées dans un pays tiers, poursuit l’expert. Mais comme le secteur s’est progressivement verrouillé, la coopération avec les universités est devenue une stratégie de repli pour la Chine."

Une stratégie au moins fructueuse à Hsinchu, où la direction de l'université assure tout ignorer des activités du bureau. "Le gouvernement n’a pas réussi à détecter de manière systématique ces pratiques au sein des université notamment en raison du respect de la liberté académique, estime le député Chao. Mais cet exemple doit servir d’opportunité pour éviter que la Chine n'exploite cette brèche."

Les semi-conducteurs, entre objets de convoitise et protection
La question est particulièrement sensible à Taïwan, pays démocratique de 24 millions d’habitants revendiqué par Pékin. Elle s’y télescope notamment avec les stratégies d’influence de la Chine visant à convaincre les Taïwanais d’accepter une annexion chinoise : un projet auquel est majoritairement opposée la population, tout comme la présidente Tsai-Ing Wen, réélue en 2020 sur un programme de défense de l’indépendance de Taïwan.

Or, dans ce bras de fer, l’avance des semi-conducteurs taïwanais offre une protection conséquente face aux menaces d’invasion chinoise. "La position du gouvernement actuel est pour nous très utile, surtout par rapport au gouvernement précédent qui cherchait au contraire à se rapprocher de la Chine, juge l’ancien conseiller de TSMC. C’est important car la Chine va continuer à employer ce genre de méthodes, non seulement à Taïwan, mais aussi dans d'autres pays leaders du secteur comme la Corée du Sud."

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