Télécoms : une "grande loi numérique" pour succéder au plan France Très Haut Débit ?

La filière des infrastructures télécoms et les collectivités locales se posent la question de l'après plan France Très Haut Débit. Le sénateur Patrick Chaize, auteur d'une proposition de loi récemment votée au Sénat sur la qualité des réseaux de fibre optique, appelle maintenant à une "grande loi" pour fixer les nouveaux objectifs de complétude du réseau et y adjoindre les moyens nécessaires, puisque Orange fait la sourde oreille. 

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Télécoms : une
Le sénateur Patrick Chaize au colloque de l'Avicca, le 16 mai 2023.

Mise à jour le 17/05/2023 à 16:25 : contrairement à ce que l'article indiquait précédemment, un représentant de la Fédération française des Télécoms était bien présent au colloque organisé par l'Avicca le 16 mai, en la personne d'Olivier Riffard, DG adjoint de la FFT, qui a participé à une table ronde.

Les tensions entre les collectivités, les opérateurs télécoms, l'Arcep et le gouvernement autour des questions de qualité et de couverture des réseaux de fibre optique semblent avoir débouché sur une impasse. Et le vote de la proposition de loi du sénateur Patrick Chaize au Sénat, il y a deux semaines, destinée à mieux encadrer la sous-traitance dans le déploiement des réseaux, ne suffira pas à résoudre les problèmes selon l'aveu même de son promoteur qui appelle désormais le gouvernement à plancher sur "une grande loi pour continuer la transformation numérique de la France".

Atteindre le 100% THD alors que les déploiements ralentissent

Le fond du problème est l'objectif du "100% très haut débit" partout en France, dont l'urgence est désormais dictée par l'extinction du réseau cuivre d'Orange, support de l'ADSL, prévu pour s'éteindre progressivement d'ici 2030. Alors que 80% des locaux sont aujourd’hui raccordables en FTTH, ce qui correspond aux objectifs du Plan France Très Haut Débit fixés il y a 10 ans, les raccordements ont ralenti depuis deux ans en zones moyennement denses déployées par Orange et dans les grandes villes. Admettons que les problèmes de qualité du réseau finissent par se résoudre, restera celui des déploiements.

À fin 2022, 34,5 millions de locaux étaient raccordables, soit une augmentation de 4,8 millions en un an, contre 5,76 millions en 2021. Mais comme l'a relevé la présidente de l'Arcep Laure de la Raudière au colloque organisé le 16 mai par l'Avicca, l'association des collectivités actives dans le numérique, "certaines couvertures sont désormais meilleures en zone rurale" qu'en zones denses. Car ce sont les réseaux d'initiative publique (RIP), subventionnés par les collectivités, qui sont désormais le moteur du déploiement. Certains RIP, par exemple dans l'Aisne, l'Oise, la Sarthe ou la Corrèze, ont achevé leur déploiement.

Les opérateurs font l'autruche, le gouvernement rassure

"La stratégie d'Orange semble incohérente. Maintenant que le Conseil d'Etat a rendu sa décision, validant la nature de ses engagements, les déploiements devraient reprendre", a déclaré Laure de la Raudière, évoquant la validation de la mise en demeure adressée par l'Arcep à Orange.

Le ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot était là pour réaffirmer son objectif de rendre accessible le THD à tous les Français. Ce dernier assure mener des discussions avec les opérateurs pour poursuivre les déploiements en zones très denses, notamment en facilitant l'accès au génie civil. Il a réitéré la concrétisation d'un droit au THD pour tous, qui passera sans doute par un tarif social sous condition de ressources. Mais l'Avicca et Infranum, qui représente la filière des infrastructures télécoms, déplorent l'absence d'indicateurs partagés par tous permettant d'avancer dans la même direction. Aussi bien pour les déploiements que pour les problèmes de qualité du réseau. Selon eux, le gouvernement ne mesure pas l'ampleur des difficultés.

Une grande loi sur le numérique pour fixer le cap de l'après France THD ?

"Le travail à faire est beaucoup plus profond et doit reprendre tous les items sur lesquels il n'y a pas de vision politique. Il faut qu'on dise 'le 100% fibre c'est à telle échéance, et on va y arriver de cette façon'. Il faut qu'on sache quel est le projet politique. Aujourd'hui, je ne sais pas où on veut aller, ni comment on finance. D'autres sujets ne sont pas couverts, comme l'arrêt de la 2G et de la 3G", explique Patrick Chaize. "L'Arcep manque d'indicateurs", poursuit-il, déplorant un "bras qui tremble en prenant la photo".

"On n'a pas eu de grande loi sur le numérique depuis Axelle Lemaire, ajoute Philippe Le Grand, président d'Infranum. Il reste des chantiers pas assez appréhendés. Est-ce qu'une loi ne serait pas le meilleur vecteur pour une stratégie nationale ?"

Une fois les raccordements terminés, reste la question des coûts d'exploitation

La question même du 100% THD reste floue. Où doit s'arrêter le FTTH ? Doit-il couvrir toutes les zones que couvraient le cuivre ou davantage ? Et ensuite, il y a la question de passer du raccordable au raccordé. Actuellement, 18,1 millions de prises sont effectivement raccordées. Sur ce point, deux problèmes se posent liés aux coûts : celui du financement des raccordements en parties privatives (nécessitant des travaux) et des raccordements longs et complexes ; et celui de l'exploitation, autrement dit du modèle économique des RIP à long terme, qui sont par définition non rentables.

La filière réclame la création d'un fonds de péréquation, qui permettrait une redistribution pour tenir compte des différences de coûts d'exploitation du réseau entre les zones urbaines et les zones rurales. Concrètement, cela reviendrait à prélever une somme sur le tarif payé par les abonnés FTTH, différente en fonction de leur zone géographique, collectée par les opérateurs commerciaux et répartie par départements en fonction des besoins au profit des collectivités exploitantes. La filière suggère également de faire contribuer la taxe "Ifer" au dispositif, voire d'y affecter une éventuelle taxe télécoms sur les Big Tech.

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