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Demandé par François Rebsamen, le rapport de la mission dirigée par Bruno Mettling aura été remis mardi 15 septembre à sa successeuse, Myriam El Khomri.
Le texte très complet débouche sur 36 préconisations allant loin dans les pratiques managériales des entreprises, puisqu'il évoque aussi bien la rémunération que la formation.
L'ensemble est relativement créatif, proposant de nouveaux droits mais aussi de nouvelles obligations.
Il propose notamment des mesures pour rapprocher le salarié et le travailleur indépendant. Pour qu'ils aient des droits plus proches et que les uns et les autres cotisent équitablement au système de protection sociale.
Christophe Bys
Tous les symboles comptent. Le directeur général d’Orange chargé des ressources humaines, Bruno Mettling, le sait bien. Pour son rapport intitulé Transformation numérique et vie au travail, il n’était pas question donc de remettre un de ces pavés de papier à la ministre du Travail Myriam El Khomri. Place à la clé USB.
Est-ce l’effet du sujet ? Toujours est-il que désormais tout devrait aller assez vite. D’ici à un mois, les 19 et 20 octobre, les propositions contenues dans le rapport seront discutées dans le cadre de la conférence sociale annuelle. Le numérique devrait faire l’objet d’une séance plénière et sera discutée dans les ateliers. De quoi nourrir la réflexion de la ministre pour le projet de loi qu’elle présentera fin 2015, début 2016.
Un rapport exhaustif, voire roboratif
Si avant la publication définitive l’attention a été portée sur quelques sujets au fil des fuites dans la presse (la déconnexion, la sécurisation du forfait-jours…), le rapport, très complet, s’appuie sur des auditions de multiples personnalités du champ syndical mais aussi des consultants. Il comporte 36 propositions.
Pour les élaborer, le rapporteur et l’équipe qui a travaillé à ses côtés ont développé un état des lieux où l’on trouve des choses convenues et d’autres beaucoup plus étonnantes. Ainsi en est-il de tout ce qui concerne le management de proximité, et l’unité de l’entreprise : Bruno Mettling a par exemple indiqué qu’il craignait que le développement du travail à distance ne provoque un isolement préjudiciable au bien-être du salarié et à la qualité du travail.
Toutefois, le pilote du rapport a aussi estimé que la première ligne managériale indispensable pour mener à bien la transformation numérique des équipes était par ailleurs "en situation de tension". Si on leur confie la transformation digitale, il faudra en profiter pour alléger leur fiche de poste d'autres tâches qui leur sont actuellement demandées.
Lors de la présentation à la presse, Bruno Mettling a, à plusieurs reprises, insisté sur l’importance de trouver des solutions face au danger réel en matière de santé au travail des salariés submergés par la connexion permanente et menacés d’infobésité, quand ils ne sont pas tout simplement en quelque sorte "analphabètes" en numérique - c’est-à-dire qu’ils ne maîtrisent pas les outils de base - une forme d’exclusion qui pourrait à terme se révéler des plus radicales.
L’éducation numérique, une priorité
Le premier volet des 36 propositions concerne justement le développement de l’éducation numérique par les moyens de la formation professionnelle. Le rapport demande que le numérique fasse partie des savoirs fondamentaux dès l’école et souhaite que dans les six prochains mois, les branches professionnelles "lancent une consultation […] pour mesurer leur besoin en formation".
Le rapport propose aussi de placer la transformation numérique au cœur des dispositifs de professionnalisation et de passerelles entre les métiers. A l’heure de la transformation digitale, le rapporteur estime qu’un effort volontaire doit être fait pour favoriser les reconversions vers les métiers du futur. Car, comme la ministre, il parie que le développement du numérique va créer de nouveaux emplois.
Dans la sixième proposition, il est ainsi proposer de développer les formations de reconversion, tandis que la huitième invite à "privilégier le management de proximité au sein de l’effort d’éducation numérique". Sans oublier de mobiliser la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) pour préparer l’adaptation (mesure n°5).
Sécuriser le cadre juridique du forfait jour
D’autres propositions visent à créer un cadre juridico fiscal, qui soit à la fois incitatif et protecteur. C’est le morceau le plus médiatique, puisqu’il concerne les questions de réglementation du temps de travail. Le rapport propose de sécuriser le forfait jours. Si ce mode d’organisation du travail semble adapté pour les entreprises et les salariés du numérique, les décisions de la Cour de cassation, qui a estimé hors la loi un certain nombre d’accords de branche, ont jeté le trouble. "L’annulation du forfait jours aurait des conséquences graves sur l’emploi numérique" a estimé Bruno Mettling. Sous-entendu, si les entreprises du secteur ne trouvent pas une organisation du temps de travail qui leur conviennent, elles seront tentés de transformé les salariés en indépendants.
Bruno Mettling souhaite donc que la loi précise rapidement, comme la Cour de cassation l’a demandé, la réalité de l’autonomie du travail, de compléter l’appréciation du temps de travail par la prise en compte de la charge de travail, qui elle tient compte du délai donné pour réaliser le travail. Il est aussi question d’intégrer la notion de temps de travail raisonnable.
A cet égard, le rapporteur a aussi souhaité que le durée de repos de 11 heures obligatoire puisse obtenir des dérogations précises, encadrées et assorties de temps de récupération. Toujours dans ce cadre il propose la mise au point de "dispositifs fiscaux incitatifs pour l’essaimage digital des salariés" ou de de "supprimer la référence aux avantages en nature pour les outils numériques".
De nouveaux droits pour les indépendants
La question de la situation des travailleurs indépendants figure aussi dans cette partie du rapport, qui souhaite "réinscrire les nouvelles formes de travail dans notre système de protection sociale". Les auteurs proposent ainsi la création de nouveaux droits attachés à la personne, qui pourraient être transférés d’un statut à un autre. Par exemple, un salarié qui deviendrait indépendant pourrait conserver ses droits à la formation et continuerait à alimenter son compte. C’est l’idée implicite du compte personnel d’activité. Mais le rapport Mettling va plus loin en estimant que ces nouvelles formes de travail qui se sont développés avec le numérique doivent participer au financement de la protection sociale.
De nouvelles obligations pour les plateformes collaboratives
Et dans sa préconisation numéro 16, il va encore plus loin, puisqu’il indique qu’il est nécessaire d’instaurer "un devoir d’information des plateformes de services pour l’établissement des droits et cotisations". Le rapport estime, en effet, que pour les personnes qui ont développé une activité qui est une source de revenus significative sur une plateforme numérique, il n’est pas question que cela soit assimilé à du travail au noir.
Conséquemment, elle doit être "soumise à des obligations similaires en termes de cotisations et de taxes que les activités du secteur formel". Pour les plateformes de type Uber ou Airbnb, cela pourrait signifier de devoir déclarer toutes "les informations nécessaires à l’établissement des droits et des cotisations".
Le numérique, un atout pour le bien être au travail
Le rapport propose également des mesures pour que le développement du numérique soit au service de la qualité de vie au travail. Cela suppose l’instauration d’un droit de déconnecter, complété par un devoir de déconnecter. Il propose aussi qu’au sein de l’entreprise soit mise en place une politique de régulation sur l’usage des outils numériques. Une négociation pourrait être ouverte sur ces sujets dans chaque entreprise, la mission Mettling ne souhaitant pas voir une loi imposant une "coupure légale des mails le vendredi soir". Elle préconise aussi d’intégrer le paramètre numérique "dans la mesure et la prévention des risques professionnels" mais aussi dans "leurs politiques de rémunérations" pour tenir compte des efforts d’adaptation des compétences et des qualifications au numérique.
Parmi les autres préconisations, on notera encore la volonté de développer un dialogue social recourant davantage aux outils numériques et de favoriser "l’accès aux outils numériques des partenaires sociaux". Et pour aller encore plus loin à l’avenir, il souhaite qu’une partie des financements des investissements d’avenir aille vers la recherche en sciences sociales, notamment pour réfléchir à des notions comme le travail passif du client ou les relations sociales dans l’entreprise étendue.
Le champ balayé est donc très vaste. Bruno Mettling et les différents experts qui l’ont accompagné devraient voire au moins une partie de leurs propositions retenues prochainement. Pour la 36e qui demandait l’intégration de la transformation numérique sur la vie au travail, c’est déjà fait.
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