Piratage d'objets connectés par la police : la loi Justice inquiète avocats et défenseurs des libertés

L'association La Quadrature du Net estime que le projet de loi sur la justice "démultiplierait dangereusement les possibilités d’intrusion policière, en transformant tous nos outils informatiques en potentiels espions". Il autoriserait la police à surveiller notamment les smartphones, les assistants vocaux et les webcams.

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Piratage d'objets connectés par la police : la loi Justice inquiète avocats et défenseurs des libertés

Une “surenchère sécuritaire”. Dans un communiqué publié mercredi 31 mai, l’association de défense des libertés sur Internet La Quadrature du Net critique le projet de loi Justice, adopté le même jour par une commission du Sénat. Et plus particulièrement, la possibilité pour la police d’activer, à distance, les appareils électroniques d’une personne à son insu pour obtenir sa géolocalisation en temps réel ou capter des images et des sons.

“Si ce texte était définitivement adopté, cela démultiplierait dangereusement les possibilités d’intrusion policière, en transformant tous nos outils informatiques en potentiels espions”, dénonce l’association. Et si le texte prévoit des mises en œuvre limitées à certains délits, La Quadrature du Net redoute un “effet cliquet” : “la création d’une mesure intrusive sert généralement de base aux extensions sécuritaires futures, en les légitimant par sa seule existence”.

Limiter les risques

Le projet de loi prévoit deux cas de figure. Pour les infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement, la justice pourra autoriser l’activation des données de géolocalisation, par exemple d’une voiture ou d’une montre connectée.

Pour les crimes relevant du grand banditisme et du terrorisme, le juge des libertés ou le juge d’instruction pourront aller encore plus loin. en autorisant l’utilisation du micro d’un smartphone ou d’un assistant vocal pour écouter les conversations. Et aussi l’utilisation de la webcam d’un ordinateur ou d’une caméra intérieure de surveillance pour capter des images.

Le ministère de la Justice justifie ces mesures par la nécessité de limiter les risques pour les enquêteurs, qui doivent jusqu’à présent installer des balises GPS sur les véhicules des suspects ou des micros dans leur domicile. “Ce mode opératoire a perdu de son efficacité face à des délinquants qui ont appris à s’en prémunir”, souligne par ailleurs le Conseil d’Etat. Et d’ajouter : “le recours à cette technique est aujourd’hui une condition du maintien de l’efficacité des techniques spéciales d’enquête”.

Les avocats inquiets

Dans son avis, la plus haute juridiction administrative note cependant que “si la technique envisagée évite l’intrusion dans des lieux privés en vue de la mise en place de dispositifs de captation, elle porte une atteinte importante au droit au respect de la vie privée”. Elle recommande ainsi des garanties supplémentaires pour “assurer une conciliation équilibrée entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée”.

Le projet de loi inquiète aussi les avocats, car il n’interdit pas l’écoute des conversations entre l’avocat et son client, même si leur transcription est prohibée. “Il s’agit là d’une atteinte inadmissible et contraire au secret professionnel et aux droits de la défense”, dénonce ainsi le conseil de l’Ordre du barreau de Paris.

Utilisation légitimée des failles de sécurité

Autre reproche de La Quadrature du Net : les services de police devront exploiter des failles de sécurité des appareils électroniques pour installer un logiciel espion qui permet de prendre le contrôle de la caméra ou du micro. “Il est particulièrement inquiétant de voir consacrer le droit pour l’Etat d’utiliser les failles de sécurité des logiciels ou matériels utilisés plutôt que de s’attacher à les protéger en informant de l’existence de ces failles pour y apporter des remèdes”, note l’association.

Déjà adopté en commission, le projet de loi sera examiné à partir du 6 juin au Sénat, avant un vote prévu la semaine suivante. Il sera ensuite étudié par l’Assemblée nationale. Le gouvernement a engagé une procédure accélérée, qui permet de réduire la navette parlementaire entre les deux Chambres.

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