Trois projets innovants présentés au Forum innovation défense
Démocratisation de la simulation, reprise en interne de technologies open source pour les adapter à des besoins militaires ou encore renforcement de la sécurité des puces électroniques... Au Forum innovation défense, les militaires tentent d’anticiper la guerre du futur.
Gabriel Thierry
De l’innovation technologique, mais avec une teinte kaki. Le ministère des armées présente depuis ce jeudi 110 projets innovants internes ou soutenus par la défense française à l’occasion de la troisième édition de son forum dédié à l’innovation, la vitrine du travail de l’agence de l’innovation de défense. Revue de trois projets instructifs sur la manière dont les armées se réinventent.
1. Démocratiser la simulation chez les militaires
Cela fait quarante ans que l’armée de l’Air et de l’espace s’appuie sur des simulateurs de vols pour former ses pilotes. C’est une technologie essentielle mais très chère. Dans une réponse parlementaire, le ministère des Armées évaluait ainsi à 29 millions d’euros le coût total d’un centre de deux cabines de simulation Rafale à Mont-de-Marsan.
En s’appuyant sur des technologies grand public – un mélange de jeux de simulation aériens et de casques de réalité virtuelle –, les militaires veulent désormais démocratiser l’usage de la simulation. Ils sont ainsi en train de développer un nouveau programme de simulateurs bien moins onéreux. Les deux premières cabines de cockpit mises au point au centre d'instruction des équipages d'hélicoptères (CIEH) n’ont coûté que 30000 euros.
Une économie qui s’explique par des besoins bien moins pointus. Avec ce projet de simulation massive en réseau, en gestation depuis trois ans, le but n’est pas de reproduire le plus fidèlement possible le vecteur, par exemple l’hélicoptère utilisé. Mais de créer une immersion réaliste d’un scénario de haute intensité, en clair un entraînement tactique de masse.
"On va pouvoir simuler la gestion de la mission et voir comment les différents militaires travaillent ensemble", résume le commandant Fabien du centre d'instruction des équipages d'hélicoptères. Tous les participants à la simulation n’ont d’ailleurs pas besoin d’être aux manettes d’une cabine de cockpit pour suivre la manœuvre. Ce qui permet une nouvelle fois de faire baisser les coûts. L’armée de l’air et de l’espace estime que ses besoins seraient couverts avec cent cabines et cent postes de simulation.
2. Une suite logicielle souveraine pour la DRM
Un moteur de recherche, un générateur de graphes relationnels et un service de traduction. Au premier abord, la suite logicielle Hontas de la direction du renseignement militaire (DRM) ne semble pas particulièrement innovante. Et pourtant, pour les analystes de ce service chargé du renseignement nécessaire à la planification et à la conduite de la manœuvre militaire, elle vient combler un vrai manque. La raison: ces agents ne peuvent utiliser, pour des raisons de sécurité évidentes, les équivalents disponibles pour le grand public.
“C’est notre ‘Google’ interne et hors ligne”, résume l’un des responsables du projet. La suite logicielle Hontas permet ainsi aux analystes de faire un premier tri dans les documents collectés - que ce soit des fichiers extraits de bases de données ou de disques dur et de clé usb -, de représenter des relations et enfin de traduire des documents ou des fichiers audio.
Porté par la section intelligence artificielle de la DRM, créée il y a trois ans, ce projet est en service depuis 18 mois. Les neuf développeurs qui planchent en interne sur ce dossier ne réinventent toutefois pas la roue. La suite est en effet basée sur différentes briques disponibles en open-source. Leur rôle est d’abord d’adapter ces services à un fonctionnement hors ligne. Et de sécuriser leur utilisation en gérant les droits d’accès en fonction du besoin d’en connaître. Les développeurs ajoutent au fil de l’eau des nouvelles fonctionnalités, comme par exemple la transcription automatique, ajoutée à la suite en juin dernier.
3. Renforcer la sécurité des puces électroniques
Soutenue dans la cadre du dispositif Rapid par le ministère des armées, la PME bordelaise Eshard, spécialisée dans la sécurité des logiciels embarqués, vient de boucler l’un de ses projets de recherche, Scatter. Sous-traitant de grandes entreprises de la tech, comme Google, Thales ou encore Visa, cette entreprise teste la sécurité matérielle de terminaux ou de cartes à puces, un des fondements de notre cybersécurité.
Sa spécialité ? Les attaques par canaux auxiliaires, en clair l’extraction et l’interprétation de différents signaux émis par un système, comme par exemple l’activité électromagnétique. Un domaine très investi par les attaquants: avec du temps et des moyens, les appareils électroniques sont vulnérables. Lancé il y a quatre ans, le projet Scatter vise justement à étudier une nouvelle technique d’attaque permettant de s’affranchir d’une étape chronophage, la synchronisation du signal. Les résultats, qui viennent d’être présentés dans une publication scientifique, sont prometteurs.
Selon l’entreprise, le test de ce nouvel outil a permis d’obtenir des clés cryptographiques avec trois à dix fois moins de données d’observation nécessaires que des techniques classiques. Un résultat significatif pour Aurélien Vasselle, analyste en sécurité, qui “risque de déplacer le curseur en faveur de l'attaquant”. La technique va bien sûr intéresser les agences de renseignement. Tandis que cette nouvelle menace est désormais à prendre en compte, pour la conception de leurs produits, par les fabricants de téléphones, de cartes à puces, ou d’objets connectés.
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