Volta Medical mise sur l'intelligence artificielle pour soigner les troubles du rythme cardiaque
La start-up marseillaise Volta Medical a développé un système d'apprentissage automatique afin d'aider les médecins à trouver les zones à ablater dans le cœur de patients atteints de fibrillation atriale, le trouble du rythme cardiaque le plus complexe et répandu dans le monde. Ce logiciel est en phase de test dans le cadre d'une étude multicentrique internationale. L'Institut Cardiovasculaire Paris Sud (ICPS) fait partie des centres investigateurs. L'Usine Digitale a pu assister à l'une de ces interventions.
"C'est une petite révolution dans le traitement des patients difficiles atteints de fibrillation atriale", lance avec enthousiasme Jérôme Horvilleur, cardiologue spécialisé en rythmologie interventionnelle au sein de l'Institut Cardiovasculaire Paris Sud (ICPS), en parlant de VX1. Ce logiciel, développé par la pépite marseillaise Volta Medical, est actuellement testé dans le cadre d'une étude multicentrique internationale à laquelle participe l'ICPS.
Démontrer l'efficacité du logiciel
L'objectif de cette étude, baptisée TAILORED-A, est de démontrer l'efficacité du logiciel VX1 dans le traitement en bloc opératoire de la fibrillation atriale (FA). Ce trouble du rythme cardiaque, le plus complexe et le plus répandu au monde, consiste en des contractions du cœur de manière à la fois erratiques, rapides et irrégulières. Elles empêchent le cœur de pomper correctement le sang. Ce qui multiplie par quatre ou cinq la probabilité d'avoir un accident vasculaire cérébral (AVC).
Cette tempête électrique se situe au niveau des oreillettes, c'est-à-dire des cavités supérieures du cœur qui pompent le sang avant qu'il ne soit renvoyé dans les ventricules. C'est la raison pour laquelle le traitement de la FA vise à ablater certaines parties de l'oreillette gauche afin de rétablir un signal électrique considéré comme normal. Ces ablations créent "des petites cicatrices pour bloquer ou pour éteindre des zones ayant un dysfonctionnement électrique", détaille Jérôme Horvilleur à L'Usine Digitale.
Or, la principale difficulté est de localiser les zones à traiter. En effet, "à l'intérieur de l'oreillette, il est très difficile de distinguer les signaux vraiment pathologiques liés à la FA, des signaux pathologiques mais qui ne sont pas forcément en lien avec la FA et ceux normaux", détaille le cardiologue et investigateur principal de l'étude en cours. "Nous n'avions pas d'outils pour faire le distinguo", ajoute-t-il. Une phrase conjuguée au passé puisque le logiciel de Volta Medical vise justement à épauler le médecin dans la recherche des zones pathologiques.
La phase d'exploration pour trouver les signaux pertinents
Sous anesthésie générale, l'ablation de fibrillation atriale se fait en deux temps : l'un consiste à localiser les zones à traiter et l'autre à les ablater. Dans le détail, des cathéters munis d'électrodes vont être amenés dans le cœur par la veine fémorale, située au pli de l'aine, pour enregistrer les signaux électriques cardiaques et déterminer les foyers de l'arythmie. C'est la phase dite d'exploration électrophysiologique cardiaque.
La phase d'exploration électrophysiologique cardiaque grâce à un cathéter de cartographie en forme de raquette (encadré en rouge)
La cartographie cardiaque tridimensionnelle permet au médecin de se repérer dans les cavités du cœur. Zone par zone, il va déterminer, en fonction des signaux enregistrés, s'il est nécessaire ou non de la détruire. C'est là que le logiciel de Volta Medical entre en scène.
VX1 va analyser les électrogrammes mesurés dans le cœur du patient en temps réel pendant l'opération afin d'identifier les signaux à traiter, appelés électrogrammes dispersés. Il fournit également une estimation de la longueur du cycle à partir des électrogrammes enregistrés grâce à la cartographie et aux différents cathéters utilisés pendant la procédure.
Un algorithme développé par des médecins pour des médecins
Un écran de contrôle (voir ci-dessous) permet à l'opérateur de voir les zones pathologiques repérées par le logiciel. Il repose sur un système d'apprentissage automatique propriétaire. Celui-ci a été développé par les fondateurs de Volta Medical, Julien Seitz, Clément Bars, Jérôme Kalifa et Théophile Mohr Durdez, trois médecins et un data scientist. Ils ont utilisé une base de données contenant 275 000 signaux issus de 105 patients atteints de fibrillation atriale. Chaque signal a été scrupuleusement annoté pour savoir s'il était ou non lié à la FA.
L'écran de contrôle de Volta Medical sur lequel est modélisé le cathéter de cartographie qui capte les signaux électriques du coeur. Ici, il est indiqué à l'opérateur que les points A1-A2, B3-C3 et C1-C2 montrent des signaux pathologiques qu'il convient d'ablater.
Le logiciel permet ainsi de comparer en temps réel les signaux du patient malade à ceux préalablement annotés. Si le signal repéré est considéré comme pathologique par l'algorithme, alors VX1 prévient l'opérateur. En pratique, des points – dont la couleur dépend du pourcentage de corrélation avec la base de données – apparaissent sur l'écran de contrôle. Ces derniers vont ensuite être reportés sur le modèle 3D.
Ablater les zones pathologiques
Une fois la phase d'exploration déterminée, le médecin va encercler les zones malades afin de créer le tracé le plus logique et procéder à leur ablation grâce à des courants de radiofréquence. Ce type de traitement peut également être réalisé avec de la cryothérapie, c’est-à-dire l’application de froid grâce à un ballon de gaz qui une fois dégonflé épouse la forme de la zone à ablater.
La phase d'ablation des zones pathologiques après les avoir annoté (points rouges et blancs) grâce au logiciel VX1
"C'est un véritable gain de confiance et de confort pour l'opérateur, déclare Jérôme Horvilleur. Le logiciel permet d'avoir tous les signaux qu'il faut traiter." En effet, il faut bien imaginer que les cathéters récoltent des milliers de signaux pour chaque zone, qui doivent ensuite être analysés par le médecin pendant parfois plusieurs heures.
Depuis un an, l'ICPS a utilisé VX1 sur une vingtaine de patients. Le résultat est très encourageant, d'après le cardiologue. "Pour le moment, nous sommes très contents de ce que nous avons pu voir", indique-t-il. Au-delà d'un meilleur traitement pour les patients difficiles à soigner, le logiciel permet également de récolter de précieuses données pour en apprendre davantage sur la FA.
Approuvé par l'Europe et les Etats-Unis
Le logiciel VX1 a reçu le marquage CE et l'approbation de la Federal and Drug Administration (FDA), l'agence américaine en charge de réguler les denrées alimentaires, les médicaments et les dispositifs médicaux. Mais Volta Medical, qui a récemment levé 23 millions d'euros, n'est pas encore dans une phase active de commercialisation. Son but est aujourd'hui de poursuivre les études cliniques afin de prouver l'efficacité et l'intérêt du dispositif et d'avoir les retours des médecins utilisateurs.
A ce titre, une étude vient d'être lancée aux Etats-Unis, pays où Volta Medical possède une équipe de cinq personnes. Les résultats de l'étude menée actuellement à l'ICPS, au côté de 17 centres en Europe, devraient être disponibles en 2022 puis publiés autour de 2023.
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