Xavier Niel fustige la hausse des tarifs du dégroupage et veut accélérer la fermeture du cuivre
Auditionné le 22 mars par la commission des affaires économiques du Sénat, le fondateur de Free s'en est vertement pris à la hausse des tarifs du dégroupage, qui reviendrait à accorder "une rente de situation" à Orange et retarderait le passage des abonnés à la fibre.
Décidément, les tarifs du dégroupage mettent les nerfs à vif des dirigeants du secteur des télécoms. Après les passes d'armes musclées entre la dirigeante d'Orange Christel Heydemann et la présidente de l'Arcep Laure de la Raudière, c'est Xavier Niel qui est monté dans les tours ce mercredi 22 mars, lors d'une audition devant la commission économique du Sénat.
Le fondateur du groupe Iliad renvoie l'opérateur historique et l'Arcep dos à dos, accusant le régulateur de "se coucher devant Orange". Son problème ? L'extinction programmée du réseau cuivre, dont les conditions ne lui semblent "pas satisfaisantes", d'autant plus si les tarifs du dégroupage augmentent en parallèle. Ces derniers correspondent au prix payé par les opérateurs alternatifs pour louer ces lignes de cuivre afin de vendre de l'ADSL à leurs clients.
Les tarifs du dégroupage au centre des critiques
La situation est la suivante : Orange se plaint de la hausse des coûts de maintenance de ses lignes ADSL, et de pertes de revenus qui vont s'amplifier au fur et à mesure de la bascule du cuivre vers la fibre optique. L'opérateur chiffre la perte de revenus de gros à 1 milliard d'euros de revenus d'ici 2025, et table sur une hausse de 2 euros du tarif du dégroupage par ligne pour les compenser. Il a récemment obtenu de l'Arcep une augmentation de 39 centimes.
Lors de la présentation des résultats annuels du groupe Iliad, son DG Thomas Reynaud a qualifié cette hausse de "totalement injustifiée". "C'est l'effacement de la capacité de financement des trois opérateurs alternatifs, qui représentent plus de 60% des investissements dans les réseaux FTTH en France", a-t-il ajouté.
Une hausse trop précoce pour une fermeture trop tardive du cuivre
"Si Orange reçoit plus de recettes du cuivre, on ne le motive pas à fermer ses réseaux. Si Orange a un problème de rentabilité sur ces lignes, qu'il les ferme ! On ne va pas pousser des gens à migrer si le réseau ne ferme que dans cinq ans. Rien ne justifie d'augmenter le tarif du dégroupage tant que le cuivre n'est pas fermé", a développé Xavier Niel devant les sénateurs.
Le fondateur de Free souhaiterait que le réseau cuivre soit fermé le plus rapidement possible afin de rentabiliser plus rapidement ses investissements dans la fibre. C'est aussi l'intérêt de Bouygues Telecom et SFR. Or, il explique que le plan actuel d'extinction du réseau ne permet pas d'aller assez vite. Ce plan prévoit une fermeture commerciale en 2025 (plus personne ne pourra souscrire un abonnement ADSL) et une fermeture technique échelonnée entre 2026 et 2030.
"Erreur générale"
"Quand on déploie une zone en fibre optique, 75-80% des personnes vont prendre spontanément un abonnement à la fibre. Pour 10% des foyers, il va falloir expliquer. Et puis on a les irréductibles, qui représentent 10-15% des foyers. Le seul élément qui va permettre de les faire basculer c'est l'extinction du cuivre. On pense que c'est une erreur générale de laisser cinq ans entre le moment où on dit qu'on va fermer une zone et le moment de la fermeture, car la fermeture commerciale n'a aucun impact sur la migration. Et en plus sur ces zones, on va fortement augmenter le tarif du dégroupage pour subventionner Orange, qui vend l'ADSL 10 euros moins cher que la fibre optique, à perte", explique Xavier Niel.
Pour le principal actionnaire du groupe Iliad, qui "ne comprend pas ce qui nous empêche d'éteindre les grandes villes", si on ne contraint pas la migration des abonnés vers la fibre, elle ne se fera pas d'elle-même. C'est donc une aberration d'entretenir ce réseau plus longtemps, qui profite avant tout à Orange dans la mesure où "les opérateurs alternatifs convertissent plus les abonnés vers la fibre optique qu'Orange".
La proposition de Xavier Niel est donc la suivante : "Nous sommes OK pour une hausse du dégroupage un an avant la fermeture du réseau, pas cinq ans avant". Et de rappeler que l'UE recommande une stabilité des prix du dégroupage.