Antitrust : La Commission européenne accentue la pression sur Amazon et ouvre une nouvelle enquête
La Commission européenne poursuit son enquête sur l'utilisation des données non publiques des vendeurs tiers par Amazon et vient de formuler une liste d'accusations. Elle a également décidé d'ouvrir une nouvelle procédure sur la "Buy box" et le label Prime pour vérifier que les pratiques du géant américain ne violent pas le droit de la concurrence.
L'étau se resserre autour d'Amazon en Europe. La Commission européenne vient d'adresser au géant américain une communication de griefs sur l'utilisation des données des vendeurs tiers. Elle annonce également l'ouverture d'une nouvelle enquête antitrust sur la "Buy box" et le label Prime.
Amazon utilise les données des vendeurs
Pour rappel, en juillet 2019, la Commission a ouvert une enquête approfondie sur l'utilisation par Amazon des données non publiques des vendeurs tiers de la marketplace. Elle vient d'adresser ses griefs à l'entreprise, une étape classique des enquêtes menées par la Commission. Elle permet d'échanger avec l'entité visé par la procédure d'investigation.
"C'est une information importante car la Commission aurait pu fermer son enquête", explique Thomas Oster, avocat au barreau de Paris au sein du cabinet Bird & Bird, auprès de L'Usine Digitale.
Les conclusions préliminaires montrent que "des volumes considérables de données non publiques des vendeurs sont à la disposition des salariés de l'activité de vente au détail d'Amazon", affirme la Commission dans son communiqué. "Ce sont les volumes de vente et les prix qui intéressent particulièrement Amazon", précise le juriste.
Prendre des décisions commerciales stratégiques
Ces données sont utilisées pour "calibrer les offres de détail" et les "décisions commerciales stratégiques" au détriment des autres vendeurs de la plateforme. Ce qui permet au géant de l'e-commerce de "concentrer ses offres sur les produits qui se vendent le mieux" et de les ajuster en fonction des données des vendeurs.
Cette situation permet à l'entreprise de Jeff Bezos d'éviter "les risques normaux de la concurrence" et de tirer parti de sa position dominante sur le marché de la fourniture de service de marketplace en France et en Allemagne, soit les plus grands marchés d'Amazon dans l'UE.
Si ces pratiques sont confirmées, elles violent l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'UE qui interdit les abus de position dominante sur le marché européen, indique l'institution. Elle ajoute néanmoins que l'envoi des griefs ne préjuge pas de l'issue de l'enquête et invite Amazon à répondre à ces accusations.
Nouvelle enquête sur la Buy Box et Prime
Parallèlement, la Commission annonce l'ouverture d'une nouvelle enquête sur la "Buy box" et le label Prime d'Amazon. "Les conditions de concurrence sur la plateforme d'Amazon doivent également être équitables. Ses règles ne devraient pas favoriser artificiellement les offres de vente au détail d'Amazon ou avantager les offres de détaillants qui utilisent ses services logistiques et de livraison", explique
Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de la concurrence.
En premier lieu, l'exécutif européen va examiner les critères fixés par Amazon pour sélectionner le "vainqueur" de la "Buy box". Pour rappel, la "Buy box", ou boite d'achat, désigne le bouton jaune "Ajouter au panier" présent sur les fiches produit. Elle permet à un internaute d’ajouter un produit à son panier d’achat. Or, lorsque plusieurs vendeurs proposent un même produit, un seul vendeur sera sur la Buy Box.
Discriminer les vendeurs plus compétitifs
L'algorithme qui permet de choisir l'heureux élu reste très obscur. "L'objectif d'Amazon est de vendre le plus donc il veut déterminer quelle offre a le plus de chance de plaire aux consommateurs. Pour se faire, il prend en compte le prix de vente, la qualité de service, les délais de livraison et la réputation du vendeur", explique Thomas Oster.
Or, lorsqu'Amazon vend un produit similaire, il n'a aucun intérêt à offrir la "Buy box" à un vendeur qui propose une offre moins chère. "Cela peut constituer une discrimination envers les vendeurs plus compétitifs car ils se retrouvent excluent de facto de ce dispositif", souligne le juriste.
L'autre aspect de l'enquête porte sur la possibilité pour les vendeurs d'atteindre effectivement les utilisateurs Prime. Un point très important car, comme la Commission le rappelle, ils ne cessent de croitre et ont "tendance à générer plus de vente". Plus précisément, l'institution examinera si les critères fixés par la société américaine pour permettre aux vendeurs de proposer des produits aux utilisateurs Prime, dans le cadre du programme de fidélisation, conduisent à un traitement préférentiel des vendeurs qui utilisent les services logistiques et de livraison proposés par Amazon, par rapport aux commerçants qui utilisent leurs propres services.
Amazon pourrait échapper à une amende
Si ces accusations s'avèrent exactes, Amazon risque une amende pouvant aller jusqu'à 10 % de son chiffre d'affaires mondial, qui était de 280 milliards de dollars en 2019. Mais si l'entreprise accepte de prendre certains engagements, elle pourrait échapper à cette sanction pécuniaire, en vertu d'une procédure alternative prévue par l'UE. "Cette procédure a déjà été utilisée dans le cadre de la procédure sur les clauses de parité sur la vente des livres numérique d'Amazon", précise Thomas Oster.
Voici la réponse officielle d'Amazon : "Nous sommes en désaccord avec les affirmations préliminaires de la Commission Européenne et nous mettrons tout en œuvre pour que celle-ci ait une parfaite compréhension des faits. Amazon représente moins de 1 % du commerce de détail mondial, et il existe des distributeurs bien plus importants dans chacun des pays où nous opérons. Aucune entreprise ne se soucie davantage des petites entreprises, ou n'a fait plus pour les soutenir au cours des deux dernières décennies, qu'Amazon. Plus de 150 000 entreprises européennes vendent par l'intermédiaire de nos boutiques. Elles génèrent des dizaines de milliards d'euros de revenus annuels et ont créé des centaines de milliers d'emplois".
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