"Au nom du consommateur, on ne peut pas faciliter le piratage", prévient David Kessler d'Orange Studio

Qu'un opérateur téléphonique, fut-il historique, crée une structure de production de cinéma avait de quoi étonner il y a quelques années.

C'est ce qu'a fait Orange avec Orange Studio qui est devenu un intervenant reconnu du paysage cinématographique.

Son directeur général, David Kessler, dresse pour nous les enjeux de cette activité. Il revient sur la place jouée par la salle de cinéma dans l'économie d'un film et sur les enjeux de la réglementation européenne.

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L’Usine Digitale : Pour quelles raisons allez-vous au festival de Cannes cette année ?

David Kessler : Nous avons un agenda professionnel bien rempli, notamment avec des rendez-vous avec des producteurs qui viennent nous présenter des projets. En outre Cannes étant le plus gros marché du film, nous y allons pour vendre des films de notre catalogue.

Nous avons aussi une activité d’interventions dans des débats organisés aussi bien par les officiels français qu’européens. Et pour la première fois depuis quelques années, Orange organise une soirée pour montrer son implication dans le cinéma. Le programme est divers et complet.

Quel bilan tirez-vous de l’exercice 2015 pour Orange Studio ?

En termes d’entrées, nous avons sorti 15 à 20 films avec des résultats satisfaisants. En outre, nous avons sorti l’adaptation du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry qui a été un gros succès international. Il aurait sûrement pu encore mieux faire en France mais il a remporté un très gros succès en Amérique du Sud ou en Chine. Mais dans notre métier, on est déjà dans la production de films pour 2016 et 2017.

Avec l’exploitation internationale du Petit Prince, avez-vous fait un test pour des productions globales ?

Le studio a été créé et s’est développé autour du marché français, dans l’optique de l’aider et de le soutenir. Toutefois, cela ne nous empêche pas d’avoir des investissements en dehors de France, notamment en achetant des droits de films étrangers que nous commercialisons. C’est ce que nous avons fait pour Night Call. Nous avons aussi des projets spéciaux comme le Petit Prince. Par exemple, avec OCS et Orange groupe, nous investissons dans Valérian, le prochain film de Luc Besson, un film qui a une vraie ambition internationale.

Comme son nom l’indique Orange Studio est lié à un opérateur de télécommunications. Pourquoi continuez-vous à financer des films qui seront diffusés en salle ? Pourquoi ne pas les exploiter directement en ligne ?

Pour moi, la problématique est inverse. La nature d’un film est d’être diffusé en salle. Les films qui ont un grand succès sur le Net, en VOD ou en SVOD, sont ceux qui ont rencontré un large public dans la salle. Cela donne une force incroyable au film, qui va être déterminante pour la suite de son exploitation sur tous les autres canaux.

A l’inverse, le phénomène du e-cinéma s’est développé à partir du constat que pour certains films les frais d’édition étaient trop élevés par rapport au chance de succès du film. Autrement dit, certains films ne sont pas faits pour aller en salle. Ceci dit, il n’y a pas d’économie globale du cinéma qui n’inclut pas une sortie en salle, qui reste un lieu déterminant pour son devenir économique.

Quels sont les liens entre Orange Studio et la chaine OCS ? Avez-vous des liens privilégiés de sorte que vous produisez des films pour les diffuser sur OCS ?

Nous avons un lien de cousinage fort. Comme pour Valérian, nous pouvons aller ensemble sur un projet en joignant nos forces. En outre, OCS siège à notre comité d’investissement. Mais, en France, il y a une limite réglementaire qui fait que les chaînes cryptées comme OCS ne peuvent pas investir plus de 25% du total de leurs investissements dit "1ère fenêtre" avec le studio. Cela désigne la première diffusion du film après la salle.

Que pensez-vous de cette limite ?

Cela bloque un peu OCS. Quand on a un gros investissement commun comme Valérian, nous sommes ensuite un peu limités pour d’autres financements communs.

On voit sur les plateformes vidéo de nouvelles formes de création, des mini-séries. En produisez-vous ? Les considérez-vous un peu comme un laboratoire de R & D ?

Pour le moment non. Nous regardons ce qui s’y passe quand quelqu’un qui arrive avec un projet de long métrage a déjà fait du court sur Internet. Pour l’instant c’est ainsi. Nous restons ouverts pour l’avenir en fonction des choix qu’affirmera le groupe Orange.

Vous allez à Cannes où l’an dernier la question du geoblocking et d’un droit d’auteur européen a beaucoup occupé les esprits. Quelle est votre position sur le sujet ?

Nous sommes attachés à l’idée selon laquelle il n’y a pas aujourd’hui de système de remplacement à la territorialité des droits. La vente de droits pour toute l’Europe n’existe pas encore. Si on unifiait le droit d’auteur en Europe, cela profiterait surtout aux plateformes mondiales comme Netflix ou Google.

La commission européenne qui était très intéressée par la question du geoblocking, soit l’impossibilité d’avoir un service uniforme sur le territoire européen, a modéré ses positions de départ. Elle a réalisé que si elle voulait supprimer les frontières il fallait structurer un espace européen capable d’encourager la création.

Aujourd’hui, elle est donc favorable à la portabilité des droits. Un européen français qui va en Italie doit pouvoir y regarder les films qu’il pourrait regarder en France. Il n’a pas à être contraint par la réglementation italienne.

Sur le principe nous y sommes favorables mais il faut des garanties techniques et juridiques. Au nom du consommateur, on ne peut pas faciliter le piratage.

Retournons dans la salle de cinéma. Quel est son avenir ?

C’est difficile d’être un prophète. La salle va se maintenir dans les années à venir. Elle a une dimension irrationnelle, magique. Le tapis rouge, les avant-premières, les festivals, tout cela fait rêver.

La salle est aussi un lieu de rencontres, de réunions. Malgré la multiplication des offres de SVOD, de VOD, la fréquentation ne chute pas. Pour les jeunes, le cinéma reste une occasion de sortie pour un coût relativement modique.

Ceci dit, des circuits parallèles vont vraisemblablement se multiplier. On produira des films qui ne seront pas destinés à la salle, car ce circuit ne peut pas tout absorber. Il va y avoir une diversification des modes d’exploitation avec le numérique.

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