
Le colloque annuel de l’Arcep est en général le moment pour le ministre en place, en charge du numérique, de rappeler chaque catégorie d’acteurs - régulateur compris - à sa mission. En ouverture de l'édition 2014, Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique du gouvernement Valls II, n’a pas dérogé à la coutume. Mais elle a placé son discours à un niveau très différent. Celui de la République et de ses valeurs.
Une république numérique
Elle a rappelé que pour elle, "derrière les évolutions technologiques se cachent des enjeux politiques essentiels pour le gouvernement ". Avant d’ajouter que le numérique était devenu l’affaire de tous et non de quelques ingénieurs ou geeks, et qu’il " appelle une réponse politique au sens noble." La France, selon Axelle Lemaire, n’est ni une "start-up nation" comme Israël, ni la tech city londonienne, ni la Silicon Valley californienne, mais une " République numérique ". Et cette République doit s’interroger sur le renouvellement de ses valeurs dans cette nouvelle ère.
Derrière le label, Axelle Lemaire a ainsi politisé le sujet du numérique. Même si cela a sûrement surpris une partie du public venu entendre les éternelles considérations technologiques soulevées par les télécoms, la ministre a affirmé que sous leurs apparences purement techniques, la gouvernance d’Internet, le développement des plates-formes de service ou le déploiement des infrastructures étaient trop importants pour n’être regardés que d’un point de vue purement libéral. Une occasion pour Axelle Lemaire de rappeler le sens de la concertation publique lancée samedi dernier, appelant l’Arcep et les acteurs des télécoms à participer.
Le plan France Très haut débit toujours prioritaire
La secrétaire d’État a aussi rappelé ses chantiers prioritaires, notamment le plan France très haut débit dans lequel le gouvernement a confirmé son engagement dans un contexte de budget restreint. Lançant au passage un petit rappel aux opérateurs télécoms quant à leurs propres engagements.
"La France a une longueur d’avance" dans la fibre optique et les opérateurs doivent confirmer leurs investissements. La secrétaire d'Etat a ajouté qu’elle ferait évoluer le plan avant la fin de l’année pour prendre en compte la connexion des entreprises. "Le temps de la réflexion en silo sur l’aménagement du territoire est terminé. Nombreux sont ceux en région qui ne comprennent pas qu’on leur parle fibre alors qu’ils n’ont même pas de connexion voix mobile ?" Elle a lancé une cartographie, qu'elle qualifie d’objective, des zones blanches s’appuyant sur les "data" disponibles. Elle débouchera sur un bilan et de nouvelles mesures. Elle a aussi évoqué un cadre d’attribution pour les licences 4G outremer et plus globalement, la confirmation de la demande de l’attribution des bandes de fréquence 700 MHz avant fin 2015.
"Nous devons mobiliser les réflexions sur l’infrastructure, le contenu, les usages, pour favoriser l’accès à l’emploi, le débat citoyen, la transformation individuelle et collective. Nous avons dix ans de retard sur cette réflexion ! Nos voisins européens, les collectivités et même les usagers, eux, n’ont pas attendu." La semaine prochaine sera remis le rapport Verdier-Camani sur le service universel des télécommunications. Depuis juillet, un état des initiatives et innovations d’accompagnement des usagers est en cours. Pour accompagner tous ceux que la culture numérique aiderait à sortir de leur situation. "C’est tout l’enjeu des écosystèmes French Tech en région", a-t-elle déclaré. Elle souhaite que l’agence du numérique (NDR. En création) soit la traduction institutionnelle de ce mouvement.
La neutralité du Net, un problème européen
Sur la neutralité du Net, elle a prôné l’implication des États et de la Commission européenne. "De nouvelles règles du jeu sont nécessaires. Et le président de la République a demandé un travail sur l’intégration et la modernisation des organisations, que je vais réaliser avec Fleur Pellerin, ministre de la Culture. Les plates-formes de service audiovisuel n’échappent pas aux valeurs et aux règles du jeu équitable."
Pour la secrétaire d'Etat, "il faut un secteur des télécoms fort, avec des acteurs paneuropéens forts, et pour cela, assouplir via un travail long et difficile les règles de la concurrence à l’échelle européenne." Un soutien à distance aux opérateurs européens qui aimeraient grossir sans systématiquement voir leurs projets entravés par l’autorité européenne de la concurrence.
S’adressant directement au régulateur, Axelle Lemaire a expliqué qu’il ne fallait pas "confondre indépendance et irresponsabilité". Approuvée par la suite par Jean-Ludovic Silicani actuel président de l’Arcep, elle a souhaité que son successeur soit nommé (l’an prochain) via un processus public et transparent pour que tous les candidats puissent faire valoir leur expérience.
Emmanuelle Delsol
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