"Beaucoup de chefs d'entreprises considèrent encore que le numérique n'est pas fondamental", s'inquiète Guillaume Mortelier (Bpifrance)
Directeur exécutif en charge de l'accompagnement chez Bpifrance, Guillaume Mortelier expose les besoins des dirigeants de PME et d'ETI et les actions mises en place pour les aider à passer au numérique. Car tous n'ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes moyens. A eux de trouver en s'aidant éventuellement des outils de Bpifrance de trouver leur chemin... avant qu'il ne soit trop tard.
Vous avez publié il y a quelques semaines un nouveau guide et une application à destination des PME et des ETI. Quel type d'entreprises visez-vous plus particulièrement ?
Guillaume Mortelier : Nous faisons régulièrement des études auprès des entreprises, où nous collectons les réponses de 1500 à 2000 entreprises systématiquement. Grâce à cela nous avons pu dessiner une typologie d’entreprises en fonction de leur appropriation des sujets de transformation. Les conquérants sont ceux qui s’approprient totalement les enjeux et parviennent à mettre en œuvre ; les apprentis savent ce qu’il faut faire mais demandent à être accompagnés et outillés ; les sceptiques ne croient pas à l’intérêt de se transformer ou pensent – a priori – en être incapables.
Si nous avons vocation à embarquer tout le monde dans la transformation numérique, on ne peut pas le faire de la même manière selon les différents degrés de maturité numérique des chefs d’entreprises. Il faut diversifier les outils digitaux, les leviers du changement.
Quel est votre objectif avec ce nouveau manuel ?
G. M. : Nous voulons avoir davantage de PME et d’ETI conquérantes. Pour cela, il faut convaincre les entreprises qui sont loin de l’être, leur montrer comment elles peuvent s’approprier certains outils, notamment les plus accessibles en termes de coûts et de complexité. Pour ce que nous appelons les apprentis, c’est l’occasion de leur donner des outils simples pour commencer à se transformer, à petits pas. Avec ce guide, nous voulons convaincre aussi les sceptiques en leur montrant que le numérique a un effet sur leur activité en leur donnant des pistes pour commencer en douceur.
Il existe encore des sceptiques en 2019 ?
G. M. : Oui, nous voyons encore beaucoup d’entrepreneurs qui considèrent que le digital n’est pas fondamental. C’est plutôt rare dans le secteur du Bt C. Ils sont plutôt dans le BtoB. Ils ne réalisent pas l’urgence de la situation. Aujourd’hui, certains grands donneurs d’ordre déréférencent des fournisseurs parce qu’ils ne sont pas assez digitalisés et, donc, capables de s’interfacer avec leurs propres systèmes.C‘est pour cela que nous insistons sur la sensibilisation des dirigeants, qui n’ont pas toujours conscience de l’enjeu.
L’autre frein que l’on observe souvent, ce sont les dirigeants qui se croient incapables de le faire. C’est très important de le dire. En insistant sur le caractère stratégique, on peut leur faire peur. Ils ont l’impression d’être devant une montagne à gravir et de n’être équipé que de baskets et de t shirt. C’est à nous de leur montrer qu’ils peuvent escalader ce sommet, les aider à trouver des chemins pour cela en les accompagnant. Le guide et l’application sont aussi là pour ça.
Ce sont des situations courantes ? Ou cela reste encore exceptionnel ?
G. M. : Le déréférencement ne se fait pas encore massivement. Mais on sent bien que pour les services achats des grandes entreprises, c’est une tentation de plus en plus grande et ce sera de plus en plus une pression sur les PME et les petites ETI.
Vous avez publié un guide et une appli. A quoi vont-ils servir respectivement ?
G. M. : Le guide pratique est vraiment la suite logique de l’étude sur le digital publiée par Bpifrance Le Lab l’an dernier. Avec ce guide, nous voulons aider les PME à savoir par où commencer leur transformation, comment faire pour embarquer tous les collaborateurs et partenaires de l’entreprise… Un patron de PME n’a pas forcément un directeur des systèmes d’information ou un chef informatique. Le guide est là pour l’aider et l’accompagner à se lancer.
L’application a une autre fonction. Nous l’avons pensée pour aider le dirigeant à s’auto-évaluer. En 10 questions, nous leur proposons de mesurer leur niveau de maturité et de les accompagner dans leur formation. Nous sommes dans une quasi logique de Mooc, où chacun peut aller à son rythme, prendre ce qu’il veut. C’est très ouvert volontairement. Si on a un parcours hyper rigide, on risquerait de les perdre.
Nous visons à les aider à faire un quick win, un gain rapide, pour leur donner envie de se lancer dans la démarche numérique au plus vite. Après, ils peuvent souscrire une de nos offres de conseil pour aller plus loin, sachant qu’elles sont co-financées par Bpifrance à hauteur de 50 %.
Justement comment articulez-vous ce guide et cette appli avec toutes les offres payantes de Bpifrance ? Sont-ils substituables ? Complémentaires ?
G. M. : Avec ces outils gratuits, nous touchons plus de monde. Le digital aide aussi à élargir le spectre des personnes que nous pouvons toucher. Ce sont donc des outils qui viennent en parallèle aux actions de terrain. Ils accompagnent le dirigeant. J’insiste mais nous ne sommes pas là pour imposer un rythme. Il y a un moment où, pour pouvoir s’engager en profondeur dans le digital, il faut investir, notamment pour avoir un système d’information à niveau, alors que nous voyons régulièrement des PME et ETI où tous les salariés n’ont pas de mail.
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