Bruxelles ouvre une enquête approfondie sur le rachat d'Arm par Nvidia
A l'issue d'une phase d'investigation, la Commission européenne a décidé d'ouvrir une enquête approfondie sur le rachat d'Arm par Nvidia. Les microarchitectures d'Arm étant utilisées par de très nombreux processeurs sur le marché, elle craint une augmentation des prix à l'encontre des concurrents de Nvidia. Une situation qui violerait le droit de la concurrence européen.
Le mariage entre Nvidia et Arm est-il anticoncurrentiel ? C'est sur cette question que souhaite se pencher la Commission européenne qui a annoncé le 27 octobre 2021 l'ouverture d'une enquête approfondie.
Restreindre l'accès à la technologie
Le rachat pour 40 milliards de dollars en septembre 2020 de la pépite Arm par Nvidia avait provoqué l'ouverture d'une enquête préliminaire par l'exécutif européen. La crainte était que l'entité issue de cette concentration soit en mesure d'inciter à restreindre l'accès des concurrents de Nvidia à la technologie d'Arm. Une crainte confirmée par les premières investigations.
En effet, Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, a déclaré que l'enquête préliminaire "montre que l'acquisition d'Arm par Nvidia pourrait entraîner une restriction ou une dégradation de l'accès à la propriété intellectuelle d'Arm, ce qui aurait des effets de distorsion sur de nombreux marchés où les semi-conducteurs sont utilisés". L'enquête approfondie a donc pour objectif de "garantir que les entreprises exerçants leurs activités en Europe continuent d'avoir un accès effectif aux technologies nécessaires pour fabriquer des semi-conducteurs à la pointe du progrès à des prix concurrentiels", ajoute-t-elle.
Lors de son enquête, Bruxelles va également examiner si l'opération pourrait freiner l'innovation. En effet, elle craint que "les preneurs de licences d'Arm" soient "réticents à continuer de partager des informations commercialement sensibles" avec l'entité issue de la concentration parce qu'ils sont en concurrence avec Nvidia.
Un possible recentrage des dépenses sur les produits les plus rentables ?
Aussi, la Commission va se pencher sur "le possible recentrage" des dépenses de recherche et développement d'Arm sur "les produits les plus rentables pour Nvidia en aval", au détriment des entreprises qui dépendent fortement de certaines licences d'Arm dans d'autres domaines.
La Commission dispose désormais de 90 jours, soit jusqu'au 15 mars 2022 pour prendre une décision. Précision importante : l'ouverture d'une enquête approfondie ne préjuge pas de l'issue de la procédure.
A l'issue de son enquête, si la Commission juge que la concentration est incompatible avec le droit européen, celle-ci pourrait être interdire. En pratique, cette décision radicale est très rare. Dans la majorité des cas, l'institution propose aux entreprises concernées des solutions pour remédier aux préoccupations.
NVIDIA S'ENGAGE À CONSERVER LE MODÈLE DE LICENCE OUVERTE
Les craintes soulevées ne sont ni nouvelles, ni surprenantes. En effet, les deux entreprises ont pris des engagements pour éviter qu'on ne les accuse de former un monopole anticoncurrentiel. Nvidia s'est engagé à conserver le modèle de licence ouverte et de neutralité d'Arm, qui est au cœur de son succès. La marque "Arm" ne disparaîtra pas non plus.
Début octobre 2021, Nvidia avait présenté une série de concessions à la Commission européenne. Son objectif : montrer sa volonté de maintenir Arm comme fournisseur de technologie "neutre". Une démonstration qui n'a pas suffi à convaincre l'institution bruxelloise. "Ces engagements étaient insuffisants pour dissiper clairement les doutes sérieux quant aux effets de l'opération", indique-t-elle.
La CMA et la FTC enquêtent également
La Commission européenne n'est pas la seule à soulever des inquiétudes quant à ce rapprochement. La Competition and Authority Market, l'équivalent de l'Autorité de la concurrence au Royaume-Uni, enquête également sur cette opération.
La Federal Trade Commission (FTC), autorité en charge de l'application du droit de la consommation et du contrôle des pratiques antitrust aux Etats-Unis, a aussi ouvert une procédure. Dans le cadre de cette enquête, de nombreuses sociétés se sont adressées à la FTC craignant que ce rachat ne nuise à la concurrence. Des craintes légitimes étant donné que les designs Arm sont utilisés par tous les processeurs mobiles du marché, qu'il s'agisse de ceux d'Apple, Qualcomm, Mediatek, Samsung ou Huawei.
De leurs côtés, Google et Microsoft travailleraient sur leurs propres puces basées sur les designs Arm. Des travaux qui se compliqueraient considérablement si Nvidia obligerait Arm à modifier sa politique d'octroi des licences de propriété intellectuelle.
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