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Crash aérien : cet étrange "effet tunnel" qui paralyse les pilotes
Que s'est-il passé dans la tête du copilote de l'A320 de la Germanwings ? L'enquête ne permet pas encore de le savoir. Dans leurs laboratoire, des scientifiques mettent au point des technologies numériques qui pourraient contrecarrer des comportements irrationnels, intentionnels ou non.
Olivier James
Mis à jour
26 mars 2015
Comme si plus rien autour n’existait. L’alarme a beau retentir de manière assourdissante, les indicateurs du tableau de bord alerter sur le péril qui se profile, les pilotes restent prostrés aux commandes de l’appareil. Ce genre de situation peut expliquer une partie des accidents d’avions (dont les trois-quarts sont imputables à des facteurs humains). La question de la détection du comportement irrationnel des pilotes d’avion commence à être prise au sérieux par les industriels.
"Il a été prouvé que les pilotes pouvaient persister dans leurs erreurs et avoir un comportement pathologique débilitant, explique Frédéric Dehais, enseignant chercheur au sein de l’école d’ingénieurs ISAE-Supaero, à Toulouse. On a constaté qu’ils souffraient dans ces moments-là d’une lésion transitoire pré-frontale, conduisant à l’apparition de mécanismes prédateurs ancestraux." Verdict de ce spécialiste du facteur humain et de la neuroergonomie dans l’aéronautique : "Les pilotes peuvent être victimes d’un effet de tunnelisation de leur attention." Un phénomène qui peut être vécu par chacun d’entre nous, explique le chercheur. Regarder cette vidéo permet de comprendre le phénomène :
Des neurosciences au traitement du signal
Autrement dit, en cas de panique, le cerveau passe dans un "tunnel cognitif". Les pilotes se focalisent alors sur un élément, en oubliant tout le reste, et voient leurs capacités à prendre les bonnes décisions réduites. "En raison de cet effet tunnel, les pilotes peuvent devenir insensibles aux alertes et négliger des alarmes, précise Mickaël Causse, ingénieur chercheur de l’ISAE-Supaero. Ils souffrent alors d’une forme de surdité inatentionnelle. Des alarmes peuvent alors ne plus passer les barrières de la conscience." La preuve avec cette vidéo, présentée par l’ingénieur, montrant un pilote qui n’entend pas l’alarme tonitruante lui indiquant que ses trains d’atterrissage ne sont pas déployés :
Un comportement qui peut être aggravé par les pressions auxquelles les pilotes sont soumis, comme les délais à tenir coûte que coûte et le manque à gagner des compagnies en cas de retard. Cette vidéo qui reconstitue un événement réel montre comment les pilotes peuvent réagir de manière presque absurde à une situation de grand danger :
Les technologies numériques à la rescousse
Les travaux menés au sein de l’école d’ingénieurs se situent à la frontière de la neuroscience, de l’intelligence artificielle et du traitement du signal. Et intéressent de plus en plus les industriels. Deux thèses universitaires sont aujourd’hui menées sur ce sujet entre l’ISAE-Supaero et Air France. Des rapprochements ont été effectués avec Airbus et Thales qui pourraient conduire à des solutions concrètes. Le défi est grand : comment améliorer l’interaction entre les hommes et les machines pour réduire les erreurs humaines ?
Les pistes de réponses commencent à émerger. Une des voies envisagée : retirer de l’information aux pilotes ! Pour contre-intuitive qu’elle semble, cette solution paraît pourtant prometteuse. Plutôt que d’inonder les pilotes en signaux de toutes sortes, ne vaudrait-il mieux pas au contraire retirer de leur champ de vision les informations inutiles pour ne conserver que les plus importantes ? "Une autre possibilité serait de faire apparaître sur les écrans un avatar numérique du pilote montrant la marche à suivre, explique Frédéric Dehais. Cette suggestion de l’action peut activer les neurones miroir des pilotes et entraîner un effet de mimétisme."
Un défi culturel à relever
Un système audio qui appellerait le pilote par son nom pourrait aussi le réveiller de sa torpeur. Qui n’a pas déjà fait cette expérience d’entendre son nom au milieu du brouhaha ? "La mise au point d’un système de pilotage spécifique, adapté à la manière de piloter de chaque individu, pourrait aussi avoir une utilité", rajoute Mickaël Causse. Idem pour les sytèmes d’"eye tracking", qui permettent de suivre le regard des pilotes dans le cockpit : placés en face d’eux, ils pourraient détecter une trop grande focalisation visuelle du pilote et le forcer à réagir. Voire à contrôler son pilotage.
Ces technologies seront-elles vues par les pilotes comme une assistance utile ou comme une intrusion dans leur pilotage ? "Un pilote m’a déjà rétorqué que son cockpit n’était pas une GameBoy !", témoigne Frédéric Dehais. Au-delà de la mise au point de technologies favorisant les interactions hommes-machines, c’est une révolution culturelle qui va devoir être menée dans le secteur aérien.
Olivier James
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