Empreinte environnementale du numérique : l'impossible sobriété
L'Ademe et l'Arcep ont remis à Bercy le dernier volet de leur étude sur l'impact environnemental du numérique. À horizon 2050, si rien n'est fait, les perspectives en matière d'émissions carbone et de consommation d'énergie sont un signal d'alerte, notamment à cause de la croissance des objets connectés. À moins d'espérer que la digitalisation contribue à la neutralité carbone de l'ensemble de l'économie.
L’Ademe et l’Arcep ont remis le 6 mars à Bercy, en présence des ministres Christophe Béchu (Transition écologique) et Jean-Noël Barrot (Transition numérique et Télécommunications) le troisième volet de leur étude sur l'impact environnemental du numérique, portant la prospective à horizon 2030 et 2050.
Dans leur étude, l’Ademe et l’Arcep dessinent un scénario de référence en projetant les évolutions actuelles du numérique. Ce scénario dit "tendanciel", qui s’applique à 2030 et 2050, repose sur l’hypothèse que les tendances observées (diminution de la consommation d’énergie unitaire des équipements, remplacement du réseau cuivre par un réseau fibre trois fois moins consommateur d’énergie, déploiement de nouvelles infrastructures du fait de la croissance des usages…) se poursuivent.
Une empreinte carbone qui triple en 2050 si la tendance se poursuit
Dans le scénario tendanciel, donc si rien n'est fait, les émissions de gaz à effet de serre du numérique augmentent de 45% à horizon 2030, et triplent à horizon 2050. La consommation d'énergie augmente de 4% en 2030 et 79% en 2050. Et la consommation de métaux et de minéraux de 14% et 59%.
Les causes ? Une croissance des usages (trafic de données multiplié par 6 en 2030), et un parc grandissant de data centers qui pourraient représenter 22% des émissions de gaz à effet de serre du numérique en 2050 malgré une meilleure efficacité énergétique.
Si on voulait faire baisser l'empreinte carbone en 2030 par rapport à 2020, il faudrait recourir à des mesures radicales : allonger de deux ans la durée de vie des équipements, remplacer progressivement les téléviseurs par des vidéoprojecteurs, ne pas augmenter le nombre d'antennes des réseaux mobiles ni le nombre d'équipements, améliorer les performances énergétiques des équipements réseaux et des datacenters, et optimiser le codage des services numériques et la gestion des flux de données.
Un scénario de sobriété dont on voit mal comment l'atteindre, compte tenu de la croissance des utilisateurs, des usages, et si la 5G poursuit son avancée par exemple en utilisant de nouvelles fréquences qui nécessiteront d'installer de nouvelles antennes pour améliorer la couverture. Dans le scénario tendanciel, le nombre d'équipements augmente de 65% en 2030...
L'explosion des objets connectés, problème peu anticipé
Cependant, si l'on considère la neutralité carbone globale de l'économie française, comme le fait l'Ademe avec ses scénarios pour 2050, on peut avoir à la fois un secteur du numérique dont l'empreinte carbone progresse fortement, mais qui contribue aussi à la neutralité carbone du pays.
Par exemple, dans son scénario présentant la plus forte implication du numérique au service de la société, celui-ci devient le maillon central de la décarbonation en digitalisant tout sur son passage. Ses émissions (+372%) sont compensées par des innovations technologiques comme la capture et la séquestration de carbone. Les applications domotiques sont partout, les loisirs sont virtuels, les villes sont des smart cities, la consommation de données explose et le nombre d'équipements (x14) avec, qui sont remplacés à un rythme élevé.
S'il est un domaine où le nombre d'équipements augmente dans quasiment tous les scénarios de l'Ademe à horizon 2050, c'est celui des objets connectés. Ce qui va poser le problème de la disponibilité et de la dépendance aux ressources et aux métaux stratégiques pour les fabriquer, surtout à partir de 2030.
On est donc face à un choix de société : le tout numérique en espérant que cela contribue à la neutralité carbone générale mais en allant dans le mur au niveau des ressources, ou l'abandon d'un système dans lequel on glisse déjà, où l'IoT est omniprésent et nécessite l'extension sans fin des réseaux mobiles, mais avec un objectif de sobriété qu'on se demande comment atteindre.
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