
"J'habite à Gennevilliers : la French Tech, ce n'est pas pour moi". Voici ce qu'a entendu Salima Maloufi, responsable du programme French Tech Diversité, lorsqu'elle a présenté le dispositif à un ambassadeur potentiel. Une réaction typique du "mécanisme d'auto-censure" des talents entrepreneuriaux issus de la diversité. "Beaucoup ne se sentent pas concernés par le label, ou insuffisamment intégrés", constate la jeune femme. Pas étonnant, car les talents issus de la diversité sont sous-représentés dans les événements de l'écosystème, au sein des grands lieux du numérique et sur les couvertures de magazines.
272 dossiers déposés, 35 start-up retenues
Et pourtant, ils existent bel et bien ! Pour ne pas se priver de ces pépites et même leur donner davantage de visibilité, la French Tech a décidé de lancer un programme spécifiquement centré sur la diversité. Un appel à projets a été lancé en mars 2017 en direction d'entrepreneurs bénéficiaires de minima sociaux (RSA, AAH), boursiers, résidents de quartiers populaires ou ayant un parcours atypique (autodidactes notamment). 272 dossiers ont été déposés en 45 jours, au printemps dernier. Mais là encore, il a fallu lever des doutes chez les postulants. "Plus de 500 dossiers ont été ouverts sur le site, ce qui signifie que la moitié des candidats ne sont pas allés jusqu'au bout du processus", relève Salima Maloufi, qui y voit, là encore, une sorte de sentiment d'illégitimité intériorisé. "Il a fallu convaincre beaucoup de futurs lauréats de postuler, cela a demandé un vrai effort".
Une fois embarqués dans le processus de sélection, les candidats n'ont pas été ménagés, "avec un même niveau d'exigence que dans les autres appels à projets French Tech", souligne Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement (l'un des partenaires du programme). "On a un taux de sélection de 13%, entre Harvard et Sciences Po", plaisante Mounir Mahjoubi, secrétaire d'Etat au numérique. Nous ne sommes pas ici dans de la discrimination positive, mais plutôt dans de l'empowerment. "Ce programme est là pour donner la légère impulsion qui va permettre aux participants de tout faire par eux-mêmes", résume le ministre.
créer une dynamique positive
Le coup de pouce consiste en un hébergement des 35 start-up dans l'un des 11 incubateurs franciliens partenaires, un accompagnement par des mentors (des "ambassadeurs" eux-mêmes issus de la diversité qui partagent leur expérience) et l'octroi d'une bourse (45 000 euros). Le tout pendant un an. De quoi "redonner de la confiance" aux entrepreneurs embarqués, selon le directeur de la Mission French Tech David Monteau.
Les lauréats pourront ensuite eux-mêmes jouer le rôle de modèles et de mentors pour d'autres générations d'entrepreneurs : la French Tech espère ainsi engager une dynamique positive, comme elle a pu le faire avec des entrepreneurs étrangers (à travers le French Tech Ticket et le French Tech Visa). "C'est votre responsabilité : vous êtes porteur de ce message", a lancé le secrétaire d'Etat à la première promotion French Tech Diversité. "Vous devez dire à d'autres qui ont envie d'entreprendre, notamment des femmes, des personnes issues de quartiers populaires, que c'est possible, et que le plus souvent cela se passe bien". La French Tech espère aussi que l'ensemble de l'écosystème va se saisir du sujet. "Toutes les réussites de start-up ont une chose en commun : cette capacité à s'ouvrir à l'autre, à accueillir la rencontre, l'opportunité", rappelle Mounir Mahjoubi.
doublement de l'effort en 2018, dans toute la france
Comme annoncé par le premier ministre en septembre, "French Tech Diversité" sera étendu dès 2018 à l'ensemble de la France ("en métropole et en outre-mer", promet Mounir Mahjoubi) avec un budget doublé (4 millions d'euros contre 2 millions pour la saison 1). La French Tech ne se fixe pas d'objectifs chiffrés sur l'avenir des start-up intégrées au dispositif. "Les participants n'ont pas l'impératif de réussir, mais de tout faire pour réussir", glisse Mounir Mahjoubi. "Le destin d'une entreprise, c'est souvent de rater. Certains des entrepreneurs sélectionnés, d'ici quelques mois ou quelques années, vont quitter leur projet. Mais en 2017, mettre sur un CV que l'on a été un an entrepreneur, qu'on a monté un projet, recruté, levé des fonds, fait un business plan, appris à faire de la compta, du commercial, de la technologie… c'est la plus belle expérience possible. Quand bien même certains de ces projets n'iront pas jusqu'au bout (et ce sera le cas pour une grande partie d'entre eux), c'est fantastique".
Ce qu'ils attendent du programme
Nordine El Ouachmi (Buro station)

Lise Coco (Yaazzz, ici avec le co-fondateur Kevin Vincent)

M'hamed Larbi (37 Care)

Yassine Mountacif (Deep Sense)

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