L'Europe ne désarme pas, un jour ses chercheurs deviendront entrepreneurs
Foisonnements d'idées et de pistes de recherche étaient exposés à l'ICT de Lisbonne.
Mais la plupart de ces projets financés par l'Union européenne ne semblent pas mûrs pour aller sur le marché.
La Commission européenne en est consciente et cherche à aider les chercheurs à créer des start-up qui seront des licornes demain.
Le chemin semble encore long.
Des chercheurs qui cherchent on en trouve, prétend le proverbe, alors qu'on cherche le chercheurs qui trouvent. Voire. Au centre des congrès de Lisbonne - où sont exposés quelques-uns des principaux programmes de recherche financés par l'Union européenne - ce que l'on semble surtout chercher, ce sont des businessmen, des hommes qui sauront transformer les découvertes des équipes présentes en espèces sonnantes et trébuchantes.
Des perles rares. "Je ne suis pas un businessman, je fais de la recherche", prévient d'emblée le jeune Isaac Sijaranamua, ingénieur de recherche à l'Université d'Amsterdam, qui présente le projet Streamwatchr, l'exprime sans détour. Pourtant, avec ses collègues, il a mis au point un outil qui pourrait certainement se traduire en un juteux business model. Il analyse en temps réel les morceaux de musique les plus écoutés sur le web et les restitue sous forme d'un écran quadrillé. Pour les amateurs, il est possible de savoir ce qu'écoute ensuite, en général, les auditeurs de tel ou tel morceau. Pour les sociétés de gestion de droit ou pour les majors de la musique, et même pour l'auditeur lambda, le potentiel semble important. Sans oublier que ce qu'il a fait pour la musique, il peut le faire pour d'autres types de productions (séries télévisées, films...)
Comprendre que "vroum voum" c'est le bruit du moteur
Parfois, le potentiel business est moins évident. Ainsi, à deux pas de là, un gand garçon lunaire s'amuse à faire le bruit du camion dans un drôle de micro, tandis que Stefano Baldan, chercheur à l'Université de Venise explique les enjeux de ce projet de recherche international. Il s'agit de réussir à créer "un outil pour les designers sonores", indique-t-il, avant de préciser les importantes enjeux scientifiques de ce travail : "nous ne savons pas expliquer comment les gens produisent un son imitant une machine, pas plus que nous ne sommes en mesure de comprendre comment les autres reconnaissent une imitation". Autrement dit, comment apprendre à la machine que quand l'homme fait vroum vroum, il pense à un moteur à quatre temps.
Enfantillages pensez-vous ? Sûrement pas. "De nombreux projets présentés sont à la frontière de l'Art et de la science. C'est dans cette direction que se trouvent des pistes intéressantes pour le futur", assure le jeune Commissaire européen pour la Science, Carlos Moedas, après avoir visité l'exposition.
Olivier Houix, chercheur à l'Ircam et pour le CNRS, confirme. Avec ses collègues, il a développé un logiciel qui reconnaît les sons en direct et les reproduit à partir d'un base de "descripteurs sonores". Le but ? Resynthétiser en direct la voix puis la moduler non pas en utilisant les touches d'un ordinateur mais en bougeant sa main, grâce à une nouvelle interface. Il en est convaincu : ces développements intéressent d'ores et déjà le design industriel et les créateurs de jeux vidéo. Pour le coup, un industriel est associé à ses travaux : Genesys.
Une machine qui s'adapte à votre état émotionnel
Andrea Miotto, un chercheur italien, travaille à l'université de Verdon au Royaume Uni et présente sa recherche en voie d'application par une équipe de Barcelone. De quoi s'agit-il ? D'une tendance que l'on retrouve sous différentes formes ici : apprendre aux machines à comprendre les Hommes pour adapter leur comportement de machines à leur état. En identifiant et analysant votre degré de stress ou d'énervement grâce à des capteurs, la machine peut adapter ce qu'elle présente. Trop énervé, elle va simplifier, dézoomer...
Si la démonstration peut sembler très abstrait, le chercheur explique qu'Electrolux est partie prenante au projet et est convaincu : "notre système fonctionne très bien, ses applications vont arriver bientôt sur le marché". Direction le fameux stand barcelonais où Pedro Omedas utilise la fameuse technologie pour des développements futurs ou d'ores et déjà engagés. Comme par exemple cet outil qui permet des visites enrichies des villes (quand vous vous promenez, des informations s'ajoutent ici ou là).
"Le système peut comprendre ce qui vous intéresse ou pas et adapter ce qu'il propose en fonction de ce qu'il détecte", explique le patron de start-up qui prévoit des développements pour assister à l'apprentissage : "le robot pourrait aider en fonction de l'état émotionnel de la personne", poursuit-il avant de reconnaître que "les obstacles existent à l'introduction de robots dans les écoles".
Un taux d'échec de 90 % et alors ?
Si les développements sont multiples et la recherche dynamique, les responsables de l'Union européenne reconnaissent en off que l'important sera de transformer ces connaissances en business. "Peut-être seulement 10 % des projets présentés ici ou financés par l'Union européenne déboucheront sur le marché avec succès, mais les retombées seront importantes", explique un décideur bruxellois.
En attendant, de nouveaux outils sont développés pour que la recherche sorte des labos. C'est le cas du projet Radar développé par une équipe de la DG Connect. Béatrice Marquez-Garrido qui travaille sur ce projet explique ce qui l'a motivé : "l'Union européenne finance des projets de recherche qui ne vont pas jusqu'au marché, car les chercheurs n'en ont pas toujours les capacités. Ce n'est pas leur métier. Nous avons voulu les aider".
De la recherche au business model
Cela passe par des réunions avec des experts es innovation, capables d'identifier les problématiques critiques pour développer les conséquences de la recherche en cours, comme d'éventuels problèmes de brevets. Le rôle du programme comprend aussi la mise en ligne d'informations sur les différents dispositifs disponibles pays par pays, mais aussi une aider aux chercheurs pour mieux se faire connaître, à être plus visibles.
Pour cela, le programme a choisi 14 start-up issues des programmes de recherches pour un concours qui se déroule pendant l'ICT 2015. "Un de plus", diront les blasés, habitués au concours de pitchs.
Pour Isabelle Andrieu, à la tête de Translate.net, l'enjeu est pourtant de taille. Quelques dizaines de minutes avant d'aller pitcher, elle parle de la "visibilité que lui donne cette présentation, alors qu'elle prévoit de trouver des investisseurs courant 2016". Avec les fonds de l'Union européenne, sa société a pû développer Matcat un moteur de recherche open source pour assurer des traductions de documents. Pour cela, elle a travaillé avec les universités du Mans, d'Edimbourg et de Trente et affiner un modèle économique, mixant offre gratuite de traduction grâce à la mobilisation d'un corpus traduit et prestations payantes avec l'intervention d'un traducteur professionnel. D'ailleurs Isabelle Andrieu n'hésite pas à parler d'innovation quand elle présente son business model.
En chnerchant bien, à ICT forum, on trouve donc aussi des chercheurs qui savent transformer une invention en innovation.
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