Le gendarme français de la finance met des bâtons dans les roues des fintech tricolores
Le gendarme financier britannique a (un peu) simplifié les procédures d'accès à la licence bancaire pour les jeunes pousses qui ne disposent pas de service juridique ni de moyens illimités.
Mais en France, il est encore très difficile d'accéder à ce sésame, souligne Geoffroy Guigou, le co-fondateur de la fintech Prêt d'Union.
L'entreprise a obtenu le statut d'établissement de crédit après avoir rempli des milliers de pages de formulaires avec ses équipes au cours d'une procédure qui s'est étalée sur... 28 mois ! Une éternité pour une start-up.
Lélia de Matharel
Le Royaume-Uni, plus accueillant que la France pour les start-up de la finance ? C'est bien l'avis des entrepreneurs présents le 28 janvier au Paris fintech forum, un grand rendez-vous réunissant jeunes pousses et dinosaures du secteur.
Pour Geoffroy Guigou, co-fondateur de la plate-forme de prêts entre particuliers Prêt d'Union, créée en 2009 à Paris, "entreprendre en France c'est super, sauf dans la banque." Pourquoi ? Le gendarme du secteur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR pour les intimes), délivre au compte-gouttes aux jeunes entreprises les autorisations d'exercer des activités règlementées de paiement ou encore de prêt.
Secouer le régulateur
Pour Prêt d'Union, obtenir l'agrément d'établissement de crédit (qui permet de collecter de l'argent et de le prêter) était essentiel : cela donnait à l'entreprise une vraie crédibilité auprès de ses futurs clients. "Nous avons dû remplir plusieurs milliers de pages de formulaires. Les démarches ont duré en tout plus de 28 mois", se souvient l'entrepreneur.
Prêt d'Union a essuyé un "non" de la part du régulateur en mai 2011, après quasiment deux ans de démarches. "Nous avons appelé l'ACPR pour leur demander quand notre dossier pourrait repasser devant le collège d'experts. Ils ont été très surpris. Les entreprises qui n'obtiennent pas l'agrément ne repassent d'habitude jamais devant le jury", explique Geoffroy Guigou. Les deux fondateurs ont également obtenu de présenter eux même leur projet (cette présentation est normalement assurée par un représentant issu de l'ACPR, qui fait office de porte-parole).
Le soutient d'une banque est presque obligatoire
Soutenue par son actionnaire le Crédit Mutuel Arkea, Prêt d'Union a fini par décrocher le sésame en juillet 2011. La jeune pousse affichait quatre ans plus tard une croissance en nombre de prêts accordés de 6% par mois en moyenne. C'est à ce jour la seule fintech tricolore à avoir convaincu l'ACPR de lui donner le titre d'établissement de crédit. L'incubateur allemand Rocket Internet a essayé d'obtenir cette licence pour lancer en France sa start-up Lendico. Après deux années de vaines tentatives, il a abandonné.
"Une fintech indépendante peut obtenir un agrément d'établissement de paiement en France [c'est l'agrément le moins contraignant, ndlr], même si les démarches sont très longues. Mais pour devenir un établissement de crédit, il FAUT avoir le soutien d'un établissement bancaire. Ce n'est écrit nulle part, mais c'est comme cela que ça se passe", se désole Geoffroy Guigou.
Un processus simplifié au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, une vingtaine de fintech essayent actuellement d'obtenir une licence bancaire, à l'image de Starling Bank ou encore de Mondo. Le gendarme local (l'Autorité de conduite financière) est plus souple qu'en France : il a adapté ses procédures à ce nouveau type d'entreprises qui ne peuvent pas compter, contrairement à leurs grandes sœurs les banques, sur l'aide d'un service juridique important. "Avant la mise en place de ce process simplifié, il était impossible pour une start-up d'obtenir ce statut. Maintenant, c'est possible... mais cela demande tout de même beaucoup, beaucoup de travail", relativise Tom Blomfield, PDG de la future banque mobile Mondo.
Pour que l'Hexagone devienne une place forte de la fintech en Europe, il faudrait que l'ACPR s'adapte à cette nouvelle donne et se rende attractive, selon Geoffroy Guigou. "Le régulateur britannique est très visible à l'étranger, affirme le dirigeant. Il va à la rencontre des entrepreneurs pour leur dire : notre cadre de régulation est ouvert aux start-up. Il est compatible avec les règlementations européennes, venez chez nous !"
Pour mémoire, une étude Accenture a montré que les start-up françaises des fintech n'ont récolté que 13 millions de dollars d'investissements entre 2008 et mars 2014, pendant que leurs homologues britanniques levaient 781 millions de dollars... Il y a du boulot !
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