Les stratégies d'acquisition des Gafam disséquées par l'autorité américaine de la concurrence
Les Gafam usent "d'échappatoires" pour se soustraire au contrôle des autorités américaines, d'après un rapport de la FTC portant sur les très nombreuses acquisitions de ces entreprises. Au total, 616 opérations ont été épluchées par le gendarme américain de la concurrence. La conclusion est sans appel : il est grand temps de réviser la législation antitrust pour l'adapter au paysage économique actuel.
La Federal Trade Commission (FTC), le gendarme américain de la concurrence, a rendu le 15 septembre un rapport sur les acquisitions des grandes entreprises technologiques américaines, connues sous l'acronyme de "Gafam" pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
Les données ont été délivrées par les cinq entreprises dans le cadre d'ordonnances spéciales émises par la FTC. Considérées comme confidentielles, le détail de ces informations n'a pas été dévoilé dans le rapport. Mais certaines acquisitions sont déjà connues, comme celle de LinkedIn par Microsoft en 2016.
"Cette étude met en évidence la nature systémique de leurs stratégies d'acquisition", a commenté Lina Khan, la nouvelle présidente de la FTC. "Cela montre dans quelle mesure ces entreprises ont consacré d'énormes ressources à l'acquisition de start-up, de portefeuilles de brevets et d'équipes entières d'experts en technologie, et comment elles ont pu le faire en grande partie en dehors de notre champ d'action", a ajouté la juriste de 32 ans connue pour ses positions très marquées contre les Gafam.
Des acquisitions non contrôlées
Ce sont les acquisitions ni déclarées à la FTC ni au ministère de la Justice (DoJ) qui ont été scrutées. Le terme "acquisitions" ne désigne pas que les rachats d'entreprises mais également les prises de participations majoritaires, minoritaires et les acquisitions de brevets.
Ces acquisitions n'ont pas toutes été sciemment cachées par les Gafam. En effet, sous certains seuils, elles n'ont pas besoin d'être déclarées en vertu du Hart – Scott – Rodino Antitrust Improvements Act (HSR) adopté en 1976. Ce texte prévoit une procédure de dépôt pour les acquisitions dépassant un certain seuil. La FTC et le DoJ ont ensuite 30 jours – 15 jours dans certains cas – pour demander des informations complémentaires afin d'évaluer la conformité de l'opération à la réglementation antitrust.
Cette procédure n'est déclenchée que si la valeur de la transaction et, dans certains cas, la taille des entreprises, dépassent certains seuils en dollars qui sont ajustés périodiquement par la loi. Actuellement, les transactions évaluées à 92 millions de dollars ou moins ne doivent pas être déclarées, contrairement à celles de plus de 368 millions de dollars. Pour les transactions entre 92 millions de dollars et 368 millions de dollars, les exigences de dépôt sont basées sur les actifs et les ventes de l'acheteur et du vendeur.
L'idée derrière cette législation est que les petites opérations de fusions-acquisitions ont très peu de risque de déclencher une perturbation du marché. Or, lorsque cette loi a été adoptée, le paysage économique état bien différent puisque soit les grandes entreprises technologiques n'existaient pas encore, soit elles venaient d'être créées, telles que Microsoft qui a été fondé en 1975 ou encore Apple en 1976.
Une moyenne de 164 acquisitions par entreprise
L'enquête de la FTC a été déclenchée en février 2020. Elle porte sur 616 transactions évaluées en moyenne à 1 million de dollars chacune, et qui ont eu lieu entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2019. Les trois opérations les plus récurrentes sont les acquisitions d'actifs, les prises de contrôle (changement d'actionnaire dominant) et les hiring events (cas où l'entreprise a embauché au moins 25% des salariés non-commerciaux d'une autre entreprise).
D'après cette étude, les grandes entreprises technologiques ont usé "d'échappatoires" pour contourner les contrôles des autorités américaines. Ainsi, sur les 616 transactions, 94 dépassaient le seuil fixé par le HSR et n'ont pas été déclarées. De plus, dans 36 % des transactions, l'acquéreur a pris en charge un certain montant de dettes ou de passifs. Ajoutées au prix d'achat de l'entreprise, ces sommes auraient fait basculer le montant d'achat au-delà des seuils nécessitant une autorisation formelle. En pratique, cela signifie que trois transactions supplémentaires auraient été ajoutées aux 94 transactions déjà supérieures au seuil fixé par le HSR.
En outre, plus de 75% des contrats de travail, dans les cas de hiring events, incluaient des clauses de non-concurrence, en particulier pour les opérations les plus élevées. Elles interdisent aux employés de travailler pour une entreprise concurrente pour une durée limitée et dans une zone géographique définie. Une façon de garder la main sur les secrets industriels.
L'administration Biden souhaite réviser la législation antitrust
Ces conclusions montrent une nouvelle fois, selon Joe Biden, la nécessité de refonder la législation anticoncurrentielle américaine pour l'adapter au paysage économique actuel, dans lequel quelques entreprises détiennent un pouvoir de marché immense. Le président des Etats-Unis a adopté un décret en juillet dernier contenant 72 initiatives pour promouvoir la concurrence sur le territoire américain.
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